Dimanche 28 mars, dans près de 180 villes, plus d’une centaine de milliers de manifestants ont dénoncé le projet de loi « climat et résilience » censé être la traduction, « sans filtre » comme l’avait promis Macron, des propositions de la Convention citoyenne pour le climat.

Pour les organisateurs, une très large coalition d’associations, de syndicats et partis, il s’agissait avec cette « marche pour une vraie loi climat », de faire pression avant son examen à l’Assemblée Nationale, mais les slogans et les pancartes traduisaient plus clairement la colère et la révolte des milliers de jeunes venus manifester : « Macron, ta loi en carton, c’est la poubelle jaune », « Sans filtre, tu nous enfumes », pour finalement poser le vrai problème : « Si le climat était une banque, ils l’auraient déjà sauvé! », « La Terre brûle, brûlons le capitalisme » !

Des manœuvres de Macron qui révèlent son imposture…

En multipliant les grands discours sur l’écologie pour détourner la colère qui monte dans la population et notamment dans la jeunesse, Macron et le gouvernement n’ont fait que révéler leur servilité à défendre les intérêts des multinationales et leurs profits.

Les 150 participants à la Convention citoyenne pour le climat, voulue par Macron en 2019, avaient pris au sérieux l’objectif de chercher des solutions pour réduire de 40 % les émissions de CO2 « dans un esprit de justice sociale ». Leurs propositions, sans être révolutionnaires et avec bien des limites, opposaient tout simplement à la logique du « libre marché » la nécessité de produire des biens utiles respectant la santé et préservant l’environnement. Parmi leurs 149 propositions, il y avait par exemple : taxer à hauteur de 4 % les dividendes des entreprises au-delà de 10 millions d’euros ; interdire la publicité pour la malbouffe et les produits polluants comme les voitures SUV ; soumettre à des clauses environnementales les aides publiques aux entreprises comme les accords de libre-échange ; investir massivement dans le transport ferroviaire tout en réduisant l’aérien…

Rendues publiques en juin, ces propositions n’ont fait que provoquer la colère hystérique du patronat contre cette « écologie punitive » … et depuis le gouvernement est pris à son piège. Tout en prétendant s’en inspirer, il n’a fait qu’écarter la plupart de ces propositions et, depuis plusieurs semaines, la majorité LREM a organisé un sabotage en règle du peu qui restait sous la pression de tout ce que les multinationales de l’automobile, de l’aérien, de l’énergie, de l’agrobusiness ont pu déployer comme lobbyistes et autres amis dans les ministères !

Pas question de contraindre les entreprises de la publicité, du transport aérien, de l’e-business … Devant un parterre de patrons en septembre dernier, Macron a eu le cynisme d’ironiser sur « le modèle amish » de ceux qui veulent « revenir à la lampe à huile » pour « régler les défis de l’écologie contemporaine. »

Ce n’est pas « sans filtre » mais bien, comme on pouvait lire dans les manifestations, avec « cent filtres » et surtout « le filtre de l’argent » que Macron a vidé de tout contenu coercitif contre le patronat les propositions de la Convention citoyenne, pour en faire cette mascarade de « loi climat » qui ne repose que sur la promotion des écogestes, l’information des consommateurs et l’engagement volontaire des entreprises !

D’ailleurs les 150 participants de la Convention citoyenne, invités à se prononcer sur l’efficacité et l’adéquation de ce projet de loi avec leurs propositions, n’ont pu que coiffer Macron d’un « bonnet d’âne » repris dans les manifestations, en lui attribuant la note de 2,5 sur 10.

Et il n’y a pas qu’eux…. Trois organismes publics, le Haut Conseil pour le climat (HCC) mis en place par Macron, le Conseil national de la transition écologique (CNTE) et le Conseil économique, social et environnemental (CESE) leur ont donné raison en constatant que ce projet de loi est totalement insuffisant pour permettre à l’État français d’atteindre les objectifs qu’il s’est lui-même fixés lors de la COP de Paris en 2015.

Et pour enfoncer le clou, le tribunal administratif de Paris a reconnu en février dernier la responsabilité de l’État français dans le non-respect de ses propres engagements pour lutter contre le réchauffement climatique.

Plus Macron pose en défenseur de la planète plus son imposture apparaît… Derrière cette imposture, il y a un problème bien plus profond dont une partie de la jeunesse qui manifeste est en train de prendre conscience. Les classes dominantes refusent la moindre limitation de leur droit à faire des profits comme elles veulent où elles veulent, quel qu’en soit le prix à payer par les salariés, les consommateurs et l’environnement. Bien plus encore que cet égoïsme de classe c’est la logique même du système qui explique l’incapacité totale des gouvernements comme de leurs parlements, des États à prendre des mesures à la hauteur des enjeux. Le système capitaliste est non seulement le principal obstacle pour faire face à la crise écologique mais en réalité sa cause.

… au jeu de dupes du débat parlementaire

Pour surmonter « l’inaction climatique » des gouvernements, il faudra bien plus que l’espoir en une « vraie loi sur le climat ». Pourtant plusieurs des organisateurs de la manifestation du 28 ne semblent avoir que cette perspective : « On demande aujourd’hui aux parlementaires (…) de prendre leurs responsabilités et de rehausser l’ambition de cette loi. Et on demande au gouvernement de laisser les députés pouvoir le faire », a ainsi réclamé le réalisateur Cyril Dion, garant de la Convention citoyenne.

Et bien sûr il ne manque pas de parlementaires pour proposer leurs services, d’autant que les futures échéances électorales préoccupent bien des politiciens de gauche comme de droite, qui espèrent tous apparaître comme les plus « écologistes » pour drainer à eux les légitimes préoccupations d’une partie de la population, en promettant, comme à chaque fois, qu’avec eux tout va changer dans le cadre des institutions.

Jean-Luc Mélenchon peut bien parler de « bataille du climat » qui commence et tempêter à la tribune de l’Assemblée « L’obstacle auquel nous nous affrontons, c’est le capitalisme. », les députés de l’opposition savent bien qu’ils n’ont aucune possibilité d’infléchir la loi. Ainsi Delphine Batho, députée Génération écologie, a au moins eu la franchise de prévenir : « Il y aura quelques petits gestes accordés par le gouvernement, comme des miettes, mais l’issue des débats parlementaires ne fait pas de doute. »

Mais qu’importe, ce qui compte c’est de ramener les mobilisations sociales à la seule perspective du jeu institutionnel comme l’exprimait Mathilde Panot, députée FI « On va essayer de limiter les dégâts, mais cette loi ne sera pas à la hauteur. Mais cette mobilisation citoyenne peut aider le rapport de force avec le gouvernement. ». Comme si le rapport de force était entre le gouvernement et les députés… soutenus par les manifestations.

Non, le véritable rapport de force, il est entre les classes sociales.

Aucun cadre institutionnel ne permettra d’infléchir la politique des États sans avoir à remettre en cause la domination de ces quelques multinationales qui ont façonné le monde selon le seul impératif de la rentabilité, de la compétitivité, du profit.

Le capitalisme mondialisé s’échoue sous les vents du productivisme et du gigantisme

La crise climatique est un aspect de la profonde crise écologique qu’a accentuée la généralisation à l’échelle de la planète d’un mode de production qui repose sur l’exploitation du travail humain et le pillage des ressources naturelles. La mondialisation capitaliste impose une logique destructrice sans limite qui ne peut qu’entraîner une accentuation de tous les déséquilibres écologiques.

Cette irrationalité du mode de production capitaliste, où la course aux profits prend le pas sur toute tentative d’organiser rationnellement la production de biens utiles, le rend incontrôlable, instable et fragile comme l’a révélé la pandémie. C’est cette irrationalité qui fait que le moindre grain de sable, comme le simple échouage d’un bateau dans le canal de Suez, peut avoir des conséquences sur toute l’économie mondiale.

10 % du commerce mondial en panne, des milliards d’euros de perte, les cours du pétrole perturbés… tout cela parce qu’un porte-conteneurs de 400 mètres de long, l’Ever Given, transportant plus de 20 000 containers a bloqué le canal de Suez et plus de 400 navires pendant 6 jours. Tempête de sable, erreur technique, erreur humaine, en fait, la seule véritable erreur humaine c’est l’absurdité de ce système économique, devenu fragile à force de toujours plus augmenter la productivité, la rentabilité… aboutissant au gigantisme de ces porte-conteneurs ingouvernables pour assurer les flux tendus de marchandises sans autre rationalité que la spéculation financière.

Face au naufrage du capitalisme, prenons en main la direction des affaires publiques !

Face à l’incurie des gouvernements, avec la colère grandit aussi la conscience qu’il n’y a pas d’autres issue que de prendre directement, collectivement le contrôle de la marche de la société pour imposer que les intérêts du plus grand nombre et la préservation de l’environnement passent avant la course au profit.

Cela signifie s’opposer directement aux intérêts des classes dominantes et aux États qui les défendent, remettre en cause la propriété capitaliste, cette aberration sociale anachronique à laquelle toute la société est aujourd’hui soumise.

En finir avec le capitalisme qui nous entraîne dans son naufrage, dépend de la capacité du monde du travail et de la jeunesse à s’emparer du problème, en intervenant directement sur le devant de la scène politique, pour imposer une autre logique sociale en toute indépendance des institutions. Ce n’est qu’en rupture avec l’ordre social actuel, avec la propriété capitaliste en imposant notre contrôle démocratique et révolutionnaire jusqu’à l’expropriation des principales multinationales, que l’ensemble de la production et des échanges pourra être réorganisé dans le cadre d’une planification au service de la satisfaction des besoins de tous.

Bruno Bajou

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