Un an après le confinement du printemps dernier, la situation dans les hôpitaux est à nouveau critique dans la plupart des régions. Lundi, en Ile-de-France, les admissions en réanimation dépassaient le pic atteint lors de la 2nde vague de novembre. Une semaine avant, l’ARS ordonnait de déprogrammer 40 % des interventions des hôpitaux et cliniques. Les services de réanimation sont saturés, comme le dénonce ce chef de service de Bobigny : « On prend en pleine figure l’impact des décisions gouvernementales et on jongle avec les lits » !

Le scandale des suppressions de postes dans la santé et des fermetures d’hôpitaux de proximité est encore aggravé par l’augmentation des démissions de salarié(e)s qui n’en peuvent plus de cette situation et de ce mépris. Quant aux propos condescendants de Castex, appelant à applaudir les soignants car « ils le méritent encore aujourd’hui »… ils ne font que renforcer leur propre colère contre l’incurie du gouvernement. En un an, on aurait pu former des dizaines de milliers d’aides-soignantes, créer les conditions d’une toute autre prise en charge dans les hôpitaux, les Ehpad…

Cette situation n’est pas le produit d’un virus devenu « maitre du temps » comme l’a déclaré Macron, mais bien d’une politique au service exclusif des privilégiés, d’un pouvoir incapable de mettre en place les mesures sanitaires élémentaires dans l’intérêt de la collectivité.

Même la Cour des Comptes vient de pointer la « faible anticipation », l’absence de « plan adapté » et le manque de moyens des services de réanimation… Moscovici, qui la préside, a juste oublié de mentionner la suppression de 100 000 lits d’hospitalisation menée par tous les gouvernements depuis 20 ans !

Un an de crise sanitaire n’a rien changé aux plans de centaines de suppressions de lits prévues dans au moins 13 hôpitaux du pays. A Nancy en avril dernier, le directeur de l’ARS avait été limogé pour avoir confirmé le maintien du plan de 600 suppressions de postes en pleine crise de Covid. Cette semaine, Véran s’est rendu sur place pour dire que l’Etat renonçait finalement aux suppressions de postes prévues… Sauf qu’il n’est pas question de revenir sur les 275 déjà effectuées !

Tout n’est que bluff et « communication », à commencer par les « transferts sanitaires » d’une région à une autre, présentés comme la réponse organisationnelle à la situation… et qui n’ont pu concerner que quelques patients sur la centaine annoncée par Véran. En fait, le seul « levier » face à la saturation des services de réanimation reste l’annulation pure et simple d’interventions et d’hospitalisations dont les conséquences sont d’ores et déjà dramatiques pour des dizaines de milliers de patients à cause de retards de diagnostic et de prise en charge. Déshabiller d’un côté pour tenter de rhabiller de l’autre, en toute urgence et dans la désorganisation la plus totale.

Sa responsabilité patente dans la crise fait paniquer le pouvoir, alternant ordres, contre-ordres et contre-pieds. Dimanche, Castex et Véran assurent qu’il faut avoir confiance dans le vaccin d’AstraZeneca alors que des doutes sont émis sur d’éventuels effets secondaires. Le lendemain, Macron décide de le suspendre comme dans plusieurs pays européens, et Castex-Véran s’exécutent… Et le gouvernement qui veut faire croire qu’il contrôle la situation ?

La campagne de vaccination a tout de la méthode Coué. Castex annonce jeudi soir un plan de 10 millions de vaccinés mi-avril, 20 millions mi-mai, 30 millions mi-juin… « Même pas en rêve » répond l’urgentiste Patrick Pelloux, devant l’importance des entrées en soins intensifs et le ralentissement de la vaccination.

Le confinement sans confiner tout en confinant... L’aveu d’impuissance

Face aux trusts pharmaceutiques, le pouvoir reste sans réponse. AstraZeneca, dont le vaccin a finalement été ré-autorisé au vu du ratio bénéfice-risque, ne livrera à l’Europe que 30 millions de doses au premier trimestre sur les 120 millions prévues au départ et il n’est même pas sûr que le groupe livre plus de 75 millions de doses au 2ème trimestre sur les 180 millions escomptées.

Jeudi, face à l’accélération prévisible de circulation du virus et des variants et au risque de débordement des hôpitaux, Castex est venu annoncer la décision de Macron d’un confinement partiel sur 16 départements, avec limitation des sorties à moins de 10 km, fermeture de 110 000 magasins « non essentiels », et couvre-feu jusqu’à 19h partout… La seule politique dont ils soient capables, la police sanitaire !

Mais là encore, les écoles resteront ouvertes partout pour que les entreprises continuent de tourner « quoi qu’il en coûte », alors que Castex reconnaît lui-même que 29 % des contaminations se font au travail… Et combien dans les transports en commun bondés ?

Sur le terrain de la situation sociale, on assiste à la même incurie, à la même faillite du capitalisme. Il n’est pas question de toucher au moindre intérêt privé. Les milliards des plans de relance, captés par les plus riches, ne font qu’aggraver les inégalités, sans empêcher ni les licenciements ni les suppressions d’emplois réclamés par les actionnaires

Mais une telle situation accumule une colère profonde. Le gouvernement est fragilisé, ne parvenant pas à créer « l’union sacrée » des partis institutionnels, tous plongés dans leurs calculs de pouvoir en vue de la présidentielle. Mais il lui reste les directions syndicales, pour lesquelles il multiplie les appels à « concertations » pour préparer leur monde « d’après ».

Le « dialogue social »… ou faire face à notre ennemi commun

Trois jours avant ses annonces sur la crise sanitaire, le 15 mars, Castex tenait sa 3ème « conférence du dialogue social », à laquelle ont accouru les directions des grandes confédérations syndicales, bien complaisantes après le sale coup du gouvernement sur l’assurance-chômage.

Castex avait annoncé de la « concertation », du « dialogue »… pour en arriver à imposer sa réforme qui prévoit dès le 1er juillet, la baisse des indemnités versées aux salariés précaires qui alternent des missions courtes. D’après l’Unedic, 840 000 chômeurs vont subir une diminution de 20 % en moyenne de leur allocation. La mesure est tellement injuste que même le Conseil d’État l’avait retoquée en novembre dernier !

Mais visiblement, pour les confédérations, ce n’est pas une raison pour claquer la porte. Berger de la CFDT dit chercher une « sortie de crise positive » et toutes continuent à se prêter à ce jeu de dupes, dans leur rôle de « partenaires sociaux ».

Soucieux de montrer son utilité au gouvernement, Berger répète : « nous n’avons pas soufflé sur les braises », à un de Bézieux qui répond en écho : « Face à un ennemi commun, les positions dogmatiques s’effacent »… Notre ennemi commun à nous, c’est lui et ses amis du gouvernement !

Présentée comme un sommet sur la revalorisation des métiers dits de « 2ème ligne », les caissières, les éboueurs, les aides à domicile, cette conférence n’a accouché de rien, si ce n’est la prime Macron défiscalisée que les patrons pourront verser s’ils le souhaitent. Le gouvernement a également reconduit les primes de 4 000 à 8 000 euros versées au patronat pour l’embauche d’un jeune, y compris en CDD de plus de 3 mois.

Mais cette conférence sert surtout à Castex pour associer les directions syndicales à « la bonne manière de désarmer progressivement nos dispositifs de soutien aux entreprises et aux salariés ». Tout comme de Bézieux qui déclare : « Les aides de trésorerie n’ont pas de raison d’être arrêtées, car les entreprises doivent quoi qu’il advienne les rembourser. En revanche, il faudra arrêter les subventions (à l’emploi via le chômage partiel, à la perte d’exploitation via le fonds de solidarité), quand les restrictions sanitaires seront levées. Il faudra le faire secteur par secteur, progressivement et dans le dialogue ».

En clair, le patronat continuera d’accepter les cadeaux, mais il faut arrêter les mesures de protection des salariés et en particulier le chômage partiel qui masque aujourd’hui la réalité de l’effondrement en cours. Gouvernement et patronat se préparent à des licenciements massifs et les mesures prises contre les chômeurs indiquent toute la brutalité de la politique qu’ils veulent mener.

Une « seule sortie positive », nous préparer à prendre les affaires en main

Le « dialogue social », « la sortie de crise » que tentent de nous vendre les directions syndicales, comme les partis de gauche institutionnels, n’aboutissent qu’à semer de la confusion sur le système lui-même. Il n’est ni réformable, ni amendable. Les transformations nécessaires pour garantir un emploi et un revenu dignes à toutes et tous, une politique de santé répondant aux besoins, assurer à la jeunesse les moyens d’étudier, de trouver du travail passent par la remise en cause de la mainmise sur l’économie d’une minorité capitaliste.

La colère qui s’accumule face au pouvoir et aux privilégiés qu’il sert se laisse de moins en moins confiner, malgré la pesanteur de la situation sanitaire.

L’occupation des théâtres a fait tache d’huile après l’occupation de l’Odéon le 4 mars. En quelques jours, près de 60 lieux étaient occupés avec des Assemblée Générales, souvent ouvertes. Parti sur la revendication de la réouverture des lieux de culture, le mouvement exige l’abandon de la réforme chômage dans bien des endroits et en appelle à la convergence des salariés précaires.

Vendredi à Rodez, 800 manifestants dénonçaient les licenciements à Bosch et la complicité de l’Etat. Des débrayages ont lieu face aux suppressions d’emplois, des équipes de militants se coordonnent ou se réactivent, comme les collectifs interpros ou de Gilets Jaunes.

Autant d’occasions de faire vivre les acquis démocratiques des luttes de ces dernières années, de discuter quelles mesures imposer, face à la pandémie et la situation sociale, comment prendre en main nous-mêmes la marche de la société, par nos luttes et la démocratie qui en découle.

Il n’y a pas d’autre issue pour contester le pouvoir des actionnaires et des politiciens qui les servent, pas d’autre chemin pour en finir avec ce monde « d’avant » et construire notre « monde d’après » ...

Laurent Delage

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