La pandémie qui s’est répandue sur la planète révèle l’incurie des classes dominantes et des États qui les servent tant sur le plan sanitaire que sur le plan social ou démocratique. La propriété privée, la concurrence et les lois du marché, la course à la rentabilité financière, la domination de l’économie par des intérêts privés et les spéculations financières rendent impossible toute politique au service des intérêts et besoins collectifs.

La contradiction entre les progrès scientifiques et techniques et le capital financier se manifeste avec violence contre toute la société qu’elle entraîne dans une régression globale.

Marx écrivait en 1859 dans la préface de la Critique de l’économie politique : « Aun certain stade de leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en contradiction avec les rapports de production existants, ou, ce qui n’en est que l’expression juridique, avec les rapports de propriété au sein desquels elles s’étaient mues jusqu’alors. De formes de développement des forces productives qu’ils étaient, ces rapports en deviennent des entraves. Alors s’ouvre une époque de révolution sociale.[1]»

Dominés par les échecs du passé, nous avons bien du mal à imaginer une telle époque. Les rapports de production et les rapports de propriété « existants » semblent être depuis longtemps devenus des entraves au développement des forces productives nécessaires pour répondre aux besoins collectifs et individuels, sans que ne soit à nouveau ouverte « une période de révolution sociale » qui débouche sur un nouvel ordre économique et social. Les entraves étaient bien réelles mais pas au point d’empêcher le capitalisme de redémarrer après chaque crise ou révolution au point de triompher à l’échelle de la planète sans que rien ne semble, aujourd’hui, remettre en cause sa domination.

L’idée de Marx ne formulait pas un pronostic mais une compréhension des mécanismes historiques, des forces motrices de l’évolution des sociétés humaines, contradictions qui se manifestent de différentes manières, à travers des rythmes nullement écrits par avance et dont le dépassement dépend des luttes de classes fonctions elles-mêmes du degré de développement de la contradiction.

Le capitalisme a su trouver les forces de s’adapter. Cela n’infirme en rien l’assertion de Marx mais nous invite à regarder le développement actuel du capitalisme en adoptant sa méthode historique, matérialiste, pour nous interroger sur la suite. La contradiction entre le développement des forces productives et le capital a-t-elle atteint un niveau tel que le capitalisme qui semblait triomphant est condamné au déclin voire à l’effondrement, à une catastrophe sociale et écologique, ne laissant d’autre issue progressiste pour l’humanité que la voie révolutionnaire ?

Le « Troisième âge du capitalisme »

Le capitalisme n’est pas éternel, il désigne un rapport d’exploitation fondé sur le salariat qui s’est formé à travers l’histoire, les luttes de classes. Il a évolué. Ernest Mandel, économiste et dirigeant de la IV° Internationale, parlait du « Troisième âge du capitalisme » dans un livre décrivant et anticipant son évolution. Ce troisième âge - après sa jeunesse, le capitalisme de libre-concurrence, puis son âge adulte, l’impérialisme - prend aujourd’hui la forme du capitalisme mondialisé, financiarisé.

Cette nouvelle phase le plus souvent désignée comme le capitalisme néolibéral, peut se définir de façon résumée comme le capitalisme au stade des multinationales, en paraphrasant Lénine qui parlait de l’impérialisme comme du capitalisme au stade des monopoles.

Michel Husson écrivait en septembre 2018 : « L’opposition entre pays « avancés » et « émergents » est cependant une grille de lecture trompeuse. Au début du siècle, Rosa Luxembourg pouvait définir l’impérialisme comme « l’expression politique du processus de l’accumulation capitaliste se manifestant par la concurrence entre les capitalismes nationaux ». Nicolas Boukharine décrivait un « processus de nationalisation du capital, c’est-à-dire la création de corps économiques homogènes, enfermés dans les frontières nationales et réfractaires les uns aux autres ». Chaque pays impérialiste partait alors à la conquête du monde, d’où la première guerre mondiale, qualifiée d’inter-impérialiste.

Mais aujourd’hui la carte des États et celle des capitaux ne coïncident plus. Il faut donc abandonner la représentation d’un face-à-face asymétrique entre pays impérialistes et pays dépendants et la remplacer par un concept d’économie mondiale structurée selon une logique de développement inégal et combiné portée par les firmes transnationales.[2] 2»

Les multinationales dont le nombre, selon la Cnuced, a plus que doublé depuis les années 1990, et dont un noyau dur est constitué essentiellement d’une centaine de banques dont Goldman Sachs, JP Morgan Chase, Barclays, dominent l’économie mondiale.

Cette hyperconcentration est la conséquence de la logique d'un système où la concurrence aboutit à une concentration croissante des richesses et du contrôle sur les moyens de production et d'échange. La pandémie accélère cette évolution.

L’envolée des investissements directs à l’étranger (IDE), capitaux destinés à l’accroissement ou à l’acquisition de filiales, participe de la stratégie de développement des multinationales par fusion-acquisition. De 5,2 % du PIB mondial en 1982, le ratio des stocks d’IDE est passé à 34,7 % en 2016. Les fusions et rachats prévus avant la crise du covid se poursuivent voire progressent.

Les multinationales ont progressivement réorganisé la production en fonction de leurs intérêts, c’est à dire la meilleure rentabilité financière, en instituant des chaînes de valeur mondiales qui impliquent que les différentes étapes de production, de la conception d'un produit à sa livraison au consommateur final, sont effectuées dans des pays différents. Elles entraînent une fragmentation internationale de la production en fonction des progrès technologiques, des coûts, de l’accès aux ressources, aux matières premières, aux marchés.

Cette économie mondialisée ne connaît aucune autre planification que les besoins capitalistes au point que cette absence de planification se retourne contre les capitalistes eux-mêmes comme, aujourd’hui, avec la crise des semi-conducteurs qui paralyse en particulier la production automobile.

La révolution numérique marchandisée

Les idéologues de l’économie de marché prétendent que seul ce dernier serait capable d’impulser l’innovation et que c’est grâce à son prétendu dynamisme que la révolution numérique a pu s’opérer. Et de justifier la déréglementation des télécommunications, les privatisations, la mainmise du capital sur les nouvelles technologies, l’apologie des autoentrepreneurs...

En réalité la marchandisation d’Internet n’a rien de naturel. Des startups des années 90 à l’oligopole qui domine le monde numérique, il y a l’exploitation intensive des salariés, la généralisation de la sous-traitance, la flexibilisation combinée à une extrême concentration, la mainmise et les spéculations du capital...

La révolution des nouvelles technologies de la communication et de l’information (NTIC) qui a dans l’évolution des techniques une place équivalente à celle l’invention de l’imprimerie est le produit de la découverte de la théorie quantique en physique et de ses applications techniques, en rien celui du capitalisme néolibéral qui l’a mise à son service et s’en est approprié les bénéfices. A travers les réseaux Internet, l’ordinateur et le téléphone portable, les liaisons satellites et des câbles sous-marins en fibre optique, s’est constitué un vaste marché et un système nerveux planétaire qui permet de transférer des ordres quasiment en temps réel et d’adapter la production au plus près du marché, permettant ainsi de fonctionner à flux tendu à la recherche constante du coût de production le plus faible.

L'ensemble est dominé par les GAFAM, plus de 83 % de la capitalisation boursière du secteur numérique mondial : Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft parmi une dizaine d’entreprises qui règnent sur le secteur. Elles sont les premiers bénéficiaires de la pandémie avec une capitalisation boursière qui explose. Le cours en Bourse des actions d’Apple a doublé en moins de six mois. Sa capitalisation boursière représente 2 000 milliards de dollars, c’est-à-dire à peu près le PIB de l’Italie, un pays de plus de 60 millions d’habitants ! Pourtant Apple sous-traite toute sa production, son principal sous-traitant Foxconn emploie 1,2 millions de salariés !

Les nouvelles technologies contre le travail

Au cours des deux dernières décennies, les technologies numériques ont été appliquées à la surveillance, la quantification, la normalisation du travail démultipliant les méfaits du taylorisme. Elles s’appliquent aujourd’hui jusque dans la santé ou l’éducation. Les données sont récoltées auprès des travailleurs et ensuite utilisées contre eux alors que le GPS permet de surveiller tous les déplacements. Une étude récente d’un centre de distribution Amazon en Californie a décrit comment, dans des installations identiques à travers le monde, le travail des employés est guidé par des scanners et des ordinateurs portatifs qui suivent, chronomètrent et guident les travailleurs vers le produit approprié.

A la faveur de l’épidémie de la Covid-19 les rapports dans le travail sont redéfinis, à l’usine comme au bureau avec la généralisation du télétravail, en salle de classe scolaire aussi comme à l’université avec l’instauration de l’enseignement-apprentissage en distanciel, dans le commerce comme dans les services avec le développement de la vente à distance.

En France, plus de 8 millions de salariés, soit 30 % de la population active, ont été mis au travail à distance. Tout semble indiquer que le télétravail est appelé à devenir la nouvelle norme dans le monde du travail, du moins dans les secteurs où le télétravail est possible.

Pour pérenniser ces mutations, les États s’attellent au démantèlement de législations du travail et, parallèlement, à l’instauration de nouvelles réglementations relatives au télétravail, en phase de généralisation dans l’ensemble des activités économiques numérisées.

Le capital n’a pas la capacité d’utiliser les progrès technologiques pour rationaliser la production, il les utilise contre les travailleurs et les populations pour accroître l’exploitation.

La mise en concurrence internationale des travailleurs et travailleuses

Le développement de la production et des échanges à l’échelle planétaire accentue la mise en concurrence des travailleurs et travailleuses dans le même temps qu’il développe le rapport d’exploitation capitaliste à un niveau jamais atteint. La classe ouvrière du XXIème siècle est une classe en pleine transformation formation. Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), la population active mondiale a augmenté de 25% entre 2000 et 2019.[3]

La mise en concurrence tend à ruiner les acquis du prolétariat des vieilles puissances impérialistes.

La part du revenu du travail dans le PIB a chuté du milieu des années 1970, avec des hauts et des bas. Par conséquent, celle du capital a augmenté. À titre indicatif, la part du revenu national des 10% les plus riches a augmenté, tandis que celle des 50% les plus pauvres a diminué dans toutes les grandes économies. C’est ainsi que jusqu’au début du XXIème siècle, la bourgeoisie a pu augmenter le taux de profit par simple transfert de richesse. Les conséquences en sont une concentration de richesses immenses entre quelques mains et une aggravation inédite des inégalités.  

La croissance de la production mondiale et, par conséquent, de la main-d’œuvre ouvrière, n’est pas uniformément répartie dans le monde. Alors que les pays développés produisent toujours la plus grande part de la valeur ajoutée manufacturière, les pays en développement ont augmenté leur part de 18 % en 1990 à environ 40 % en 2019, tandis que celle des pays industrialisés est passée de 79 % à 55 % dans la même période.

Ces déséquilibres, la dislocation et la dépossession produisent une population migrante, un prolétariat déraciné, tant au niveau d’un même pays, de régions qu’à l’échelle de la planète.

Un capital financier spéculatif et parasitaire ou la schizophrénie capitaliste

La financiarisation de l’économie a été le moyen pour la classe capitaliste dans sa lutte contre la baisse du taux de profit de se dégager des contraintes des États nationaux comme de la propriété privée capitaliste en transformant les moyens de production et d’échange en actifs financiers qui s’échangent en permanence sur les marchés et les places boursières. Cette financiarisation est aussi un moyen pour le capital de s’adapter au développement des nouvelles technologies qui permettent une internationalisation croissante de la production en rupture avec le cadre des États nationaux et de la propriété privée.

Le capital financier n’est plus la simple fusion, comme l’avait décrit Hilferding et repris Lénine au début du XXème siècle, du capital industriel et du capital bancaire. Capital industriel et capital bancaire sont eux-mêmes intégrés dans un capital-argent multiforme, capital porteur d’intérêt, auquel participent les fonds spéculatifs, les grandes assurances multinationales, les fonds de pension… Il est de plus en plus détaché de la production qui, cependant, lui est entièrement soumise encore plus que par le passé. Le capital fictif ainsi que le nommait Marx devient capital spéculatif parasitaire qui ruine l’économie réelle, « capital toxique » selon la formule de Stavros Tombazos[4]3. Les entreprises sont d’abord et avant tout des actifs financiers dont le prix ne reflète pas la valeur réelle.

La capitalisation des actions au niveau mondial vient de franchir pour la première fois les 110 000 milliards de dollars. La spéculation sur des actions en Bourse n’a que bien peu de rapports avec la valeur réelle de ces entreprises qui en constituent les mises. La capitalisation boursière de l’entreprise automobile Tesla, d’Elon Musk, dépasse celle de Toyota. Tesla n’a pourtant produit et vendu que moins de 500 000 véhicules, en 2020, alors que Toyota en a vendu plus de 10 millions. Mais pour les capitalistes en mal d’investissements Tesla qui fabrique des voitures électriques leur apparaît comme un projet pour l’avenir face à un horizon bouché pour… leurs spéculations. Du coup, ses actions s’arrachent et les cours ont augmenté en quelques mois de 950 % ! Même folle logique pour les grandes firmes de l’informatique.

Dans le jeu du grand casino financier, la grande bourgeoisie, l’oligarchie financière s’approprient et se partagent la plus-value produite à l’échelle de la planète. La spéculation ne crée aucune richesse, l’argent ne crée pas de richesse tant qu’il ne permet pas de mettre en branle le travail humain.

Les spéculateurs petits et grands sont sous l’emprise d’une illusion, un mythe, celui de l’argent magique qui aurait la capacité de créer de la richesse à partir d’elle-même, c’est-à-dire à partir de rien, aujourd’hui même pas un bout de papier, une simple impulsion électrique ! Ils intègrent dans leur propre psychologie la séparation entre la valeur d’échange des marchandises et leur valeur d’usage qui se traduit par la déconnexion de la monnaie de tout lien matériel avec la production, la spéculation contre la production de biens utiles et nécessaires. Les banquiers centraux et les gouvernements deviennent des adeptes de la théorie monétaire moderne (MMT) qui voit la réponse à l’impasse de leur système dans la capacité infinie des États à émettre de la monnaie pour financer les dépenses publiques et surtout maintenir le capital sous perfusion pour pallier aux difficultés de sa reproduction.

L’émission de monnaie sous toutes ses formes est leur seul moyen pour éviter que le système ne s’effondre, sa drogue. Ces tombereaux de liquidité ne servent en rien les investissements productifs mais nourrissent les spéculations, gonflent la valeur des patrimoines, participant à la prolifération des milliardaires planétaires, concentrent toujours plus de richesses à un pôle, de détresse, de pauvreté, de misère à l’autre. Et laissent planer la menace d’un krach mondialisé…

« La stagnation séculaire » ou le capitalisme à bout de souffle

L’ensemble des moyens déployés par les multinationales et les Etats pour maintenir le taux de profits s’avèrent n’être que des palliatifs qui ont sauvé momentanément le système au prix de la constitution de nouveaux déséquilibres pires encore. Les soins palliatifs ont maintenu le malade en vie masquant l’aggravation de la maladie qui a connu un nouvel épisode aigu avec la crise de 2007-2008. Cette dernière a été un tournant semble-t-il irréversible au sens où les réponses apportées par les capitalistes et leurs États ont accentué tous les facteurs de crise, de parasitisme de la domination capitaliste. Dans sa préface au livre de Stavros Tombazos, Crise mondiale et reproduction du capital, Michel Husson écrit : « La crise récente a été provoquée par l’implosion de tous les dispositifs mis en place (mondialisation, financiarisation, exploitation accrue, inégalités, endettement, etc…) qui étaient nécessaires pour garantir le taux de profit en dépits des gains de productivité déclinants. » La politique des classes dominantes a généralisé l’économie de l’endettement pour alimenter les profits, une extension démesurée jusqu’à représenter quatre fois le PIB mondial, sans remédier au mal, la baisse des gains de productivité ou surtout le fossé sans cesse accentué entre la suraccumulation du capital qui devient exponentielle et le taux de profit en berne.

Il s’est accumulé des masses de capitaux parasites avides de profits qu’ils sont incapables de réaliser dans la production du fait d’une baisse des gains de productivité. La course au progrès technologique tend à réduire la part du travail vivant dans la production, tendance qui à un certain degré de développement se retourne contre le système lui-même et la reproduction du capital... La part du travail salarié qui seule produit la plus-value diminue par rapport au capital qu’il faut investir dans les machines pour faire face à la concurrence. Cela débouche sur une suraccumulation de capital incapable de générer une plus-value suffisante pour répondre aux attentes des capitalistes. Ces derniers se détournent des investissements productifs pour alimenter les spéculations et le « capital toxique ».

Le choc de la pandémie a accentué le phénomène : les gouvernements n’ont pas lésiné sur les dépenses publiques pour placer l’économie capitaliste sous perfusion en soutenant d’abord les entreprises et, avec des degrés variables, ceux et celles qui avaient perdu leur emploi et une partie de leur revenu. Selon le FMI, les mesures de soutien budgétaire ont atteint près de 14 000 milliards de dollars à l’échelle mondiale sans compter les 1 900 milliards de dollar du nouveau plan de Biden.

Les déficits budgétaires se sont envolés : 11,8 % au niveau mondial et 8,4 % dans la zone Euro.

Une telle situation où les profits sont nourris artificiellement par les États opérant un transfert de richesse au profit des classes dominantes contre les populations ne peut durer. Elle condamne le capitalisme. Ils n’ont pas de « modèle de rechange ».

Ils n’y font face qu’au prix d’une guerre permanente contre les salariés et les peuples en accentuant le taux d’exploitation, les inégalités, et contre la nature.

La crise pandémique va faire basculer des dizaines de millions de personnes dans la pauvreté, selon la Banque mondiale, 40 à 60 millions de personnes seront jetées dans l’extrême pauvreté

En France, début février, l’INSEE annonçait que 360 500 emplois avaient déjà été détruits dans le secteur privé durant l’année 2020. Mais on sait que les aides de l’État ont retardé de nombreux dépôts de bilans et autres plans de licenciements.

Dans le même temps qu’elle épuise le travail, la mondialisation capitaliste épuise les ressources naturelles devenues objet de spéculation et de pillage et engendre une crise climatique, écologique, une « ère des pandémies » aux quelles le capital comme les États sont incapables de faire face.

Vers un nouveau capitalisme, « sa réinitialisation » ou son effondrement, la faillite ?

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a publié le 9 mars ses prévisions de croissance. Celle-ci devrait atteindre 5,6 % dans le monde en 2021 (contre 4,2 % prévus en décembre 2020) avant de légèrement se tasser à 4 % en 2022. Elle affiche un optimisme fondé sur la sortie de plusieurs vaccins et sur les plans de relance massifs mis en place par de nombreux États, particulièrement des États-Unis. Optimisme dont il est difficile de se convaincre. Rien ne dit que la vaccination permettra de maîtriser la pandémie, ses mutations et surtout que la relative maîtrise de la pandémie suffirait à sortir le capitalisme mondialisé du marasme. Ils rêvent d’un retour au monde d’avant en oubliant que la pandémie n’a été qu’un révélateur et un accélérateur de l’épuisement de leur système.

Faisant le parallèle entre la pandémie et la guerre, Courrier international cite à la une un magazine américain Bloomberg Businessweek : « Le retour des Années folles ? » comme si le monde allait connaître l’euphorie que connaissaient les USA au lendemain de la première guerre mondiale. Bruno Le Maire y va de son couplet : « L’économie française retrouvera des couleurs très rapidement. [...]Dès que les mesures de restriction sanitaire seront levées » … Cet optimisme affiché tente de conjurer un avenir sombre quelle que puisse être une éventuelle et très relative reprise d’ici la fin de 2021.

D’ailleurs l’OCDE prévient que cette hypothétique reprise sera ce qu’ils appellent une reprise en K, c’est-à-dire qu’une partie des entreprises tireront leurs capitaux du jeu alors que d’autres sombreront une fois les aides gouvernementales supprimées. Et c’est bien à cette issue incertaine que se prépare le patronat en licenciant et en remaniant l’appareil de production avec les aides de l’État pour faire face à la concurrence acharnée annoncée. Il ne sera plus possible aux Etats et aux Banques centrales d’empêcher les faillites comme ils le firent au lendemain de la crise de 2007-2008.

Les transformations à l’œuvre accentuent celles qui étaient à l’œuvre auparavant, notamment pour ce qui est du monde du travail encore plus précarisé et menacé par le chômage. Confronté à une baisse des gains de productivité du fait de la généralisation des nouvelles technologies et à des marchés incertains, les capitalistes tenteront de jouer la carte de l’automatisation. Ce faisant, ils ne résoudront rien. Pour compenser la hausse du capital fixe, ils chercheront non seulement à peser sur les salaires, mais sur les effectifs et les conditions d’emploi et de travail.

Dans les pays pauvres, même le FMI annonce une progression du travail informel et précaire. Dans les pays développés, l’horizon immédiat ce sont les licenciements et la généralisation de la précarité par le recours aux différentes formes de travail temporaire, la multiplication des autoentrepreneurs, le télétravail.

La sortie de la pandémie sera l’occasion d’un nouveau mouvement de concentration du capital, avec la disparition de petites entreprises particulièrement affectées par la crise sanitaire ou que les banques auront choisi de laisser disparaître, ou encore à cause des fusions-acquisitions au sommet.

Leur monde d’après sera bien leur monde d’avant en pire. Les tensions économiques et sociales exacerberont la concurrence internationale, l’accentuation de la guerre commerciale et des tensions entre les USA et la Chine, les conflits locaux ou régionaux, les guerres, une montée du militarisme.

La mondialisation, la formation d’une économie mondiale intégrée, l’affaiblissement de la propriété privée et des États nationaux accentuent les deux contradictions principales du capitalisme entre la socialisation de la production et des échanges et la propriété privée et l’État national ainsi qu’entre le développement sans limite de la production au regard d’une consommation limitée par le maintien des masses dans la misère, la surproduction opposée à la suraccumulation de capital.

L’État national se transforme en instrument au service du capital global et la guerre économique dont il se revendique se mène d’abord contre les travailleurs.

Parasitisme du capital, déroute sociale et écologique, le capitalisme a atteint un moment historique où il rencontre ses limites. Cela ne signifie pas sa disparition mais sa survie dans des formes de plus en plus barbares qui pose de façon impérieuse la nécessité d’un nouvel ordre économique.

« Alors s’ouvre une époque de révolution sociale »

Cette faillite s’accompagne d’un nouvel essor des luttes de classes, sociales et démocratiques, qui, quant au fond, visent à réguler l’économie en fonction des besoins sociaux et du respect des droits démocratiques comme de l’environnement c’est-à-dire la lutte pour le socialisme, le communisme, seule issue pour l’humanité. Ainsi, nous entrons dans une période de transition entre un capitalisme en phase finale, en voie de décomposition, une crise globale qui ira jusqu’au bout de sa logique, et la construction par les travailleurs et les populations d’un nouvel ordre social.

Il devient de plus en plus difficile pour les classes dominantes de légitimer leur domination sans avoir recours à la répression de masse et une offensive réactionnaire, leur crise politique s’approfondit alors que la grande majorité des classes populaires perd toute confiance et doit faire face à des difficultés croissantes, que la jeunesse désespère de son avenir, que la misère et la détresse frappent de plus en plus de monde et menacent les classes opprimées.

Il y a, malgré le contexte, les pressions, la police sanitaire du pouvoir un essor de l’activité des masses indépendamment des appareils politiques et syndicaux déconsidérés comme en attestent aussi les révoltes et soulèvements qui secouent le vieux monde. Le besoin de comprendre, de trouver des réponses crédibles se formule plus ou moins explicitement, le besoin d’un programme pour s’unir, pour répondre à l’offensive réactionnaire, ne pas se laisser diviser pour offrir aux diverses formes de mécontentements et de révolte une perspective commune. Le sentiment aussi que face à la détermination des classes possédantes, ou de la radicalisation de façade de la vieille gauche faillie, il est nécessaire d’être offensif dans les luttes et surtout dans les objectifs et le programme.

Les mécanismes qui conduisent le capitalisme financiarisé à la faillite dictent au prolétariat son programme, la construction d’un nouvel ordre social où l’économie produise des biens utiles, des valeurs d’usage répondant aux besoins de la collectivité. Que le travail reprenne le contrôle de la marche de la production et de la société pour contrecarrer la démence sénile du parasitisme du capital et mettre les prodigieux progrès scientifiques et techniques au service de l’émancipation d’une humanité réconciliée avec la nature.

Yvan Lemaitre

 

[1] https://www.marxists.org/francais/marx/works/1859/01/km18590100c.htm

[2] http://www.inprecor.fr/article-Crise-%C3%A9conomique-et-d%C3%A9sordres-mondiaux?id=2186

[3]Cité par Kim Moody : https://alencontre.org/laune/les-mondes-du-travail-a-lechelle-planetaire-entre-accroissement-recomposition-et-rebellions.html

[4] Crise mondiale et reproduction du capital, Stavros Tombazos, Syllepse, page 2

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