Devant le déferlement hystérique contre les supposés « islamo-gauchistes », il prend l’envie de scander : « Nous sommes tous des « islamo-gauchistes » ! » à l’instar de celles et ceux qui scandaient en Mai 68 « Nous sommes tous des juifs allemands ! » en solidarité avec Cohn-Bendit, alors leader de la contestation étudiante, qualifié ainsi par le torchon d’extrême-droite Minute et Jean Marie Le Pen.

La campagne du pouvoir et des deux zélés ministres de l’enseignement, Blanquer et Vidal, vise à déconsidérer voire à préparer des poursuites judiciaires contre toutes celles et ceux qui ne se plieraient pas à leur loi « séparatiste ». Elle s’inscrit dans une offensive idéologique des forces réactionnaires, xénophobes et racistes, contre « l’ensemble des radicalités qui traversent notre société » selon la formule de Frédérique Vidal dans les colonnes du Journal du dimanche.

C’est, après Valls, le ministre de l’Éducation nationale Blanquer qui avait sonné la charge contre un « fait social indubitable » ! « Ce qu’on appelle l’islamo-gauchisme fait des ravages [...] Il fait des ravages à l’université, il fait des ravages quand l’UNEF cède à ce type de choses, il fait des ravages quand dans les rangs de La France insoumise, vous avez des gens qui sont de ce courant-là et s’affichent comme tels. Ces gens-là favorisent une idéologie qui, ensuite, de loin en loin, mène au pire ». Ce « pire » plein de sous-entendus, c’est le soutien au communautarisme, à l’islamisme, au terrorisme… Délire paranoïaque auquel Vidal prétend donner un fondement sinon scientifique du moins objectif en demandant une enquête au CNRS afin de distinguer « ce qui relève de la recherche académique et ce qui relève du militantisme et de l’opinion » comme si la recherche était « neutre » et le militantisme pure idéologie. Le CNRS a été sollicité pour monter le dossier à charge !

Ce dernier, dans un communiqué, s’est dit prêt à « participer à la production de l’étude souhaitée par la ministre », tout en dénonçant le fait que le terme d’islamo-gauchisme « ne correspond à aucune réalité scientifique », regrettant une « polémique emblématique d’une instrumentalisation de la science ». Il a tenu à « condamner avec fermeté celles et ceux qui tentent d’en profiter pour remettre en cause la liberté académique indispensable à la démarche scientifique et à l’avancée des connaissances, ou stigmatiser certaines communautés scientifiques ».

« Nous ne pouvons que déplorer l’indigence de Frédérique Vidal, ânonnant le répertoire de l’extrême droite sur un islamo-gauchisme imaginaire » ont dénoncé, dans une tribune au Monde, plus de 800 membres de l’enseignement supérieur et de la recherche. Voyant dans ses propos « la menace d’une répression intellectuelle », ils réclament sa démission.

La Conférence des présidents d’université (CPU) a fait part de son « émotion » : « Non, les universités ne sont pas des lieux où se construirait une “idéologie” qui mène au pire. Non, les universités ne sont pas des lieux d’expression ou d’encouragement du fanatisme. Non, les universités ne sauraient être tenues pour complices du terrorisme ».

Au-delà de la démagogie électoraliste, une politique de droite extrême et d’extrême-droite

Si la brutale offensive de Vidal a semé le trouble, y compris au sein de la majorité voire du gouvernement, ces jeux de rôle ne sauraient masquer le fait qu’elle est un élément de la politique menée par Macron et Darmanin autour de la loi « séparatiste ». Certes, Macron a rappelé son « attachement absolu à l’indépendance des enseignants-chercheurs », et le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, que « la priorité pour le gouvernement, c’est évidemment la situation des étudiants dans la crise sanitaire, c’est évidemment la possibilité d’apporter un soutien financier aux étudiants en difficulté, c’est évidemment de permettre aux étudiants qui le souhaitent de pouvoir revenir progressivement en présentiel à l’université ». Les actes ne sont guère convaincants et la cacophonie fait partie de la mise en scène qui cherche à construire un consensus réactionnaire et raciste par l’injonction et la mise en demeure pour soumettre politiciens, intellectuels, journalistes et commentateurs, l’opinion en général au cadre imposé par la loi.

Sur les médias, les bateleurs de service jouent leur propre partition autour du thème officiel donné par le ministère de l’intérieur : « Ce serait vraiment ne pas regarder la vérité en face que de ne pas voir que l’université, les services publics, des associations sont touchés par l’islamisme aidé parfois par les gauchistes ».

Darmanin s’est trouvé un complice d’estrade aussi franc de collier que lui, Zemmour, qui s’enthousiasme de la loi « séparatisme », « tout à fait positive ! ». « Si j’avais été député, je l’aurais volontiers votée ». Quant au livre du ministre, Le Séparatisme islamiste, Zemmour fait écho à Marine Le Pen : ce livre, « à part quelques éléments, ou presque, j’aurais pu le signer ». En cœur, de reprocher à Le Pen « sa mollesse » en refusant de considérer « qu’islam et islamisme sont au départ des mots synonymes ». Mais l’unanimité revient vite autour de la pierre angulaire de tous leurs amalgames : immigration égale islam, islam égale islamisme.

Cette complicité idéologique et politique vise, au-delà des élections, à façonner l’opinion, la contrôler et la soumettre au consensus nationaliste et xénophobe qui prend le masque de la république et de la laïcité pour désigner une religion à la vindicte populaire. Cette politique vise à étouffer les colères qui montent, à les soumettre, les diviser, les désarmer politiquement et, aussi, à les réprimer pour délit d’opinion.

Une guerre idéologique contre le monde du travail

C’est bien une guerre idéologique qu’engage le pouvoir qui cherche à enrôler les élites intellectuelles en corollaire de la guerre sociale qui s’intensifie. Loi séparatiste, loi de sécurité globale, « islamo-gauchisme », campagne contre les « Thèses décoloniales, visions victimaires, séparatisme, néo-féminisme, nouvel antiracisme et autres théories du genre », voire les repas sans viande sans oublier l’écriture inclusive, tout est bon pour flatter la bêtise, les craintes et les peurs, les fantasmes qui nourrissent les préjugés conservateurs. Les fake news viennent alimenter le débat comme l’illustre la polémique sur Trappes à partir des inventions d’un prof de philo d’extrême droite. Et les manifestations ostensibles de l’appartenance à une religion, le port du voile reviennent au cœur de l’offensive.

Macron, Darmanin, Blanquer utilisent un vieux procédé des dictatures, construire, inventer, donner vie grâce aux médias et à la police à une idéologie, un courant social et politique hors de toute réalité pour en faire la cible de leurs attaques, pour détourner l’opinion des vrais problèmes et de leurs vraies causes. Manœuvre de diversion qui désigne des coupables potentiels qu’il faut empêcher de nuire, poursuivre et réprimer préventivement puisqu’ils sont les alliés des terroristes...

Confrontés à l’effondrement de leur système dans tous les domaines, politiciens et privilégiés paniquent, conscients de leur fragilité et de leur impuissance.

Ils craignent que ce que décrit le FMI dans une étude récente n’anticipe la suite. La pandémie a mis en évidence « les fractures existantes dans la société : manque de protection sociale, méfiance envers les institutions, incompétence ou corruption des gouvernements ». « Le risque d’émeutes et de manifestations contre le gouvernement augmente ». De plus, « le risque de crises politiques graves (événements pouvant faire tomber des gouvernements), qui surviennent généralement dans les deux années suivant une épidémie majeure, augmente ». L’étude conclut que « l’agitation sociale était forte avant la pandémie et s’est modérée pendant la pandémie, mais, si l’on se fie à l’histoire, il est raisonnable de s’attendre à ce que, lorsque la pandémie s’atténuera, des explosions sociales réapparaissent ».

Mais la pandémie n’est pas non plus la cause initiale mais un catalyseur. Le premier lien dans l’effet d’enchaînement est l’inégalité et l’injustice. « Les résultats de notre étude indiquent qu’une forte inégalité est associée à plus d’explosions sociales […] et que les troubles sociaux seront d’autant plus importants que l’inégalité des revenus sera élevée au départ ».

Les pandémies créent « un cercle vicieux dans lequel le ralentissement de la croissance, l’augmentation des inégalités et la montée des troubles sociaux se renforcent mutuellement ».

Les privilégiés et les dites élites, la bourgeoisie jusqu’alors sûrs de la solidité de leur système et de la stabilité de leur monde, paniquent !

Ils se construisent un bouc émissaire pour conjurer leurs peurs, l’islamisme, et un mythe, l’islamo-gauchisme. Toutes celles et ceux qui dénoncent la loi « séparatisme » sont simplement des alliés objectifs des terroristes, des ennemis de la République et de la France contre lesquels il faut opposer l’union nationale de la gauche au RN.

Et chacun est sommé de se soumettre !

Contre la paranoïa réactionnaire, contre tous les intégrismes, une nécessaire contre-offensive politique de classe

Cette offensive est loin de n’avoir que des visées électorales, des propos démagogiques destinés à flatter la bêtise et les préjugés d’extrême-droite. Macron n’est pas en train simplement de « jouer un jeu dangereux » avec le RN comme on peut le lire, il mène très lucidement une politique de classe contre le monde du travail, la jeunesse, les femmes pour anticiper les révoltes, étouffer une possible explosion sociale.

Cette politique « en marche » trouve un écho dans les évolutions en profondeur des couches sociales dirigeantes inquiètes devant l’avenir que leur réserve leur propre politique.

La contrer, c’est développer une agitation, une politique de classe qui apportent des réponses à leur faillite et combinent les luttes pour nos droits à une bataille politique offensive, c’est-à-dire en portant le projet d’une République démocratique et révolutionnaire pour en finir avec la tyrannie de la finance, le séparatisme des riches.

Face à l’offensive de classe orchestrée par le gouvernement, le monde du travail a besoin de se donner les moyens de mener une contre-offensive sociale, politique, idéologique.

Contre le nationalisme et ses corollaires, le racisme et la xénophobie, nous portons une politique internationaliste qui vise à l’union des travailleurs quelles que soient leur origine ou leur croyance.

Notre dénonciation du racisme obéit à la solidarité de classe sans céder aux préjugés religieux ou nationaux. Nous ne sommes ni islamophobes ni islamophiles, nous combattons le racisme contre les musulmans ou celles et ceux qui pourraient l’être, croyants ou non. Et nous défendons une conception matérialiste, athée face à celles et ceux pour qui la religion est un instrument de pouvoir et de domination, en particulier sur les femmes. Nous dénonçons celles et ceux qui stigmatisent les femmes qui portent le voile sans pour autant fermer les yeux sur ce que ce dernier représente comme instrument de domination.

Nous dénonçons l’hypocrisie et les mensonges du gouvernement qui prétend combattre le terrorisme par une politique sécuritaire et militariste alors qu’il porte, lui comme ses amis, les assassins qui dirigent l’Arabie saoudite, une lourde responsabilité par leurs sales guerres et l’oppression à laquelle ils soumettent les peuples.

Nous combattons tous les obscurantismes et les intégrismes religieux ou complotistes, instruments idéologiques de la dictature des classes dominantes.

Non seulement nous défendons la laïcité, mesure démocratique garantissant l’indépendance de l’État à l’égard des religions et des clergés, mais nous militons pour que l’État, la collectivité enseignent et propagent la culture moderne, fruit de l’évolution des sciences et des connaissances humaines, mettent ces dernières à la portée de toutes et tous.

Nous sommes démocrates et révolutionnaires parce que nous pensons que les droits démocratiques sont étouffés, censurés par la domination de la minorité capitaliste et que seule la mobilisation, l’organisation de la population pourra permettre la conquête de la démocratie tout en liquidant les bases de cette domination, la propriété privée capitaliste et l’exploitation salariale.

Face à l’offensive sociale et politique de la classe des privilégiés et des riches, le monde du travail a besoin d’unir ses forces. Pour y contribuer, le mouvement révolutionnaire a besoin de rompre avec ses divisons, l’esprit de chapelle, pour se rassembler, se donner les moyens de faire vivre ses idées, les perspectives dont il est porteur, dans les mobilisations comme sur le terrain électoral, les régionales, aussi et surtout la présidentielle de 2022. Lutte ouvrière et le NPA ne peuvent se dérober à leurs responsabilités. Il leur appartient de se faire les porte-parole de la colère des classes populaires et de la jeunesse, des femmes, de défendre collectivement la perspective de la transformation révolutionnaire de la société.

Face aux révoltes à venir, aux soulèvements qui mûrissent, table rase du passé, tournons la page pour aider à l’émergence d’un parti des travailleurs, démocratique et révolutionnaire.

Yvan Lemaitre

Submit to FacebookSubmit to Google PlusSubmit to Twitter

 

Submit to FacebookSubmit to Google PlusSubmit to TwitterSubmit to LinkedIn