Samedi 30 janvier, de nouvelles marches des libertés ont rassemblé des milliers de personnes et particulièrement des jeunes venus dire en musique leur besoin de liberté, contester la politique des classes dirigeantes qui condamnent plus que jamais au « boulot, métro, dodo ». Des manifestations qui ont eu plus de mal à rassembler que le 16 janvier mais qui attestent du ras le bol, de la colère qui couve. Milieu militant, Gilets jaunes, jeunes ont manifesté contre la politique sécuritaire du gouvernement, au moment où Darmanin tente de reprendre la main, annonçant un « grand débat » de plusieurs mois sur la police et la gendarmerie dans le cadre du « Beauvau de la Sécurité ».

Le 26 janvier, dans l’Éducation, des enseignants en grève ont manifesté leur colère face à Blanquer, aux côtés des salariés précaires dont use et abuse le ministère, ces « premiers de corvée » qui n’ont même pas touché la prime Covid ! Les AED (Assistants d’Education), en première ligne dans la mise en œuvre des protocoles sanitaires dans les écoles, les AESH, accompagnant les enfants handicapés, « 100 % nécessaire et 100 % précaire » !

Des étudiants sont aussi venus dans les cortèges dénoncer cette « rentrée fantôme » annoncée par Macron. Ils réclament des moyens, des postes dans les facultés pour l’ouverture en demi-groupe des amphis, refusant d’être une « génération sacrifiée » par la politique de rentabilité et d’économies dans l’Education.

Ces manifestations s’inscrivent dans les luttes de ces dernières semaines : le 21 janvier dans la santé et le médico-social ; dans la grève des salariés de Grandpuits entamée depuis le 4 janvier contre la direction de Total qui veut jeter 700 travailleurs à la rue ; dans la manifestation du 23 janvier contre les licenciements à Paris, regroupant des équipes militantes passant outre la passivité des directions des appareils syndicaux.

Certes, ces luttes restent minoritaires mais, malgré le couvre-feu et les pressions, elles expriment la colère qui se renforce, dans le monde du travail, la jeunesse, tant sur la gestion sanitaire du gouvernement que sur la question sociale.

Confinement… La valse-hésitation du gouvernement

L’absence de politique sanitaire est de plus en plus évidente, renforcée par les déclarations contradictoires de Macron et du gouvernement, qui ont alimenté la chronique des prévisions de la presse toute la semaine. Alors que Castex et Véran préparaient l’opinion à un confinement plus strict pour mercredi soir, Macron en a décidé autrement. Castex s’est exécuté, en rétropédalant et en annonçant vendredi un simple renforcement du couvre-feu… Macron veut dresser son propre personnel politique comme l’opinion, à son pouvoir personnel, le fait du prince.

Leur politique sanitaire se résume à l’annonce du déploiement policier contre… les restaurants et les fêtes clandestines, en stigmatisant « les dérives de quelques-uns qui ne sauraient ruiner les efforts de tous » ! Comme si la propagation de l’épidémie pouvait être enrayée par de simples mesures policières contre la population. Ces dernières ne peuvent au mieux que ralentir sa propagation et servent surtout à donner l’illusion que le pouvoir agit.

Duperie, alors qu’aucune mesure d’embauches dans les hôpitaux n’est prévue, ni places supplémentaires en réanimation, ni moyens concrets pour le personnel de santé. Pire, les suppressions de lits continuent à l’Hôpital !

Quant à la vaccination, la gabegie du marché capitaliste s’étale au grand jour. Alors que les gouvernements arrosent les trusts pharmaceutiques d’argent public, ceux-ci vendent aux plus offrants, en fonction des intérêts exclusifs de leurs actionnaires. Pas question de prioriser les populations les plus exposées, les plus fragiles à l’échelle de la planète dans le cadre d’une politique sanitaire globale. Égoïsme et aveuglement des classes possédantes, comme s’il suffisait de fermer les frontières pour arrêter le virus !

« Le virus des inégalités » et celui des licenciements pour alimenter les dividendes

Le dernier rapport d’Oxfam, baptisé « le virus des inégalités » et publié le jour d’ouverture du Davos Agenda, ce forum capitaliste regroupant grands patrons et dirigeants de la planète, est une illustration saisissante de cette logique du fric.

En 9 mois, les 1000 personnes les plus riches ont retrouvé leur niveau de richesse d’avant la pandémie. Parmi eux, les 10 premiers (dont Bernard Arnault) ont vu augmenter leur fortune de 540 milliards de dollars depuis mars 2020. Les milliardaires français ne sont pas en reste, ils ont gagné près de 175 milliards d’euros entre mars et décembre 2020, dépassant leur niveau de richesse d’avant la crise.

Les inégalités déjà insupportables s’accentuent, produit direct de la politique de licenciements de ces grandes entreprises, qui bénéficient des aides massives de l’Etat et des « plans de relance ».

Cette rapacité des capitalistes est quotidienne, dans les annonces de suppressions d’emplois ou de licenciements à Sanofi, SKF, Auchan ou dans la brutalité des attaques contre les salariés soumis au chantage à l’emploi comme ceux d’Aéroport de Paris.

Mauvais coups contre les chômeurs et les précaires

Le chômage explose : + 4,5 % toutes catégories confondues sur l’ensemble de l’année 2020 d’après les chiffres du ministère du travail. Sur la même période, les licenciements économiques ont augmenté de 26,5 % et les ruptures conventionnelles de 7,1 %.

Malgré cette situation, Borne veut passer sa réforme de l’Assurance chômage qui prévoit une diminution importante des allocations pour les salariés en contrats courts, après trois reports et un avis contraire du Conseil d’Etat tellement la réforme est inégalitaire !

Lundi, elle « concertait » les « partenaires sociaux », qui se prêtent à ce jeu de dupe comme s’il y avait quelque chose à négocier. En fait, elle ne propose que des amendements à la marge à cette loi anti-chômeurs, comme l’idée de décaler l’application de la réforme à des indicateurs économiques « acceptables ». Mais son calendrier est prêt pour faire passer les décrets d’ici un mois.

Les attaques contre les plus précaires ne s’arrêtent pas là. La généralisation des Uber, des VTC avec le confinement a remis la question des travailleurs des plates-formes au premier plan. Dans deux affaires, la Cour de Cassation leur a donné raison, en indiquant que leur statut de « travailleur indépendant » était fictif. Mais le gouvernement n’en veut pas, pas question de gêner ces plates-formes, en les obligeant à salarier ces travailleurs et à respecter leurs droits.

Une politique d’autant plus inacceptable que la jeunesse paie cher la situation. Les moins de 25 ans sans emploi ou précaires sont en augmentation de 7,1 % sur 2020. La situation des étudiants se détériore, sans perspectives, si ce n’est la précarité des Uber de ce « monde d’après », que mettent en place gouvernement et capitalistes.

Un programme, un parti pour l’intervention des travailleurs

Le 4 février, dans la suite des précédentes mobilisations, des équipes militantes, nombre de travailleurs comptent se servir de l’appel des organisations syndicales pour exprimer leur colère, mais aussi pour retisser des liens, préparer la suite.

La question de la convergence des luttes se rediscute au vu de la gravité de la situation, comme le 23 janvier contre les licenciements. Elle exprime ce besoin d’affirmer la solidarité entre équipes militantes, par-delà les calculs et les réflexes de boutique des appareils. Mais cette convergence a aussi besoin d’un programme pour se construire, de revendications, d’exigences communes qui se renforcent au fur et à mesure des luttes.

Nous avons besoin d’une politique pour sortir de la défensive, penser la suite, aider celles et ceux qui refusent la prétendue fatalité de la crise et de la pandémie à se rassembler.

Mais bien plus encore que durant le mouvement sur les retraites ou au moment des gilets jaunes, apparaît le besoin d’avoir une réponse globale fondée sur la compréhension de la période et les possibilités et perspectives qu’elle ouvre aux luttes collectives du monde du travail.

Cela passe par une indépendance de la gauche syndicale et politique à la recherche d’une issue dans le cadre du système, un mirage. Le « dialogue social » auquel appellent les directions syndicales, est un leurre qui sert avant tout le gouvernement. Les institutions, la République, revendiquées par Mélenchon, sont là pour servir les intérêts des grandes entreprises.

Face à la décomposition du capitalisme, il y a urgence à ne pas laisser le champ libre à la démagogie réactionnaire de Macron ou de Le Pen, qui l’un comme l’autre voudraient flatter le désarroi pour le soumettre à leurs intérêts politiciens au service de l’ordre capitaliste.

Le monde du travail a besoin d’une politique de contestation globale, indépendante, lui permettant d’offrir une autre perspective pour en finir avec le capitalisme, ses inégalités, son incurie. Contre la tyrannie du capital, il peut imposer le contrôle démocratique sur la marche des entreprises, des services publics ou des labos, l’ouverture des comptes, l’interdiction des licenciements, le partage du travail entre tous et toutes.

Nous avons besoin de renforcer, développer les cadres collectifs, ouverts et démocratiques, pour discuter du programme, des mesures à imposer, des moyens de les mettre en œuvre, unir nos forces, nos compétences, nous organiser par en bas comme ont su le faire les gilets jaunes ou les collectifs, prenant en main leur propre mobilisation… Prendre en charge la construction de notre propre mouvement, de notre propre parti.

Laurent Delage

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