Il devient de plus en plus évident, même pour les plus « optimistes » défenseurs du système dominant, qu’il n’y aura pas de retour au monde d’avant et que leur monde d’après s’annonce comme une décomposition sociale, sanitaire, démocratique sans autre réponse qu’une politique répressive et policière. Une profonde réaction sociale et idéologique est en route dont les responsables et les acteurs sont les classes dominantes et les États qui les servent. Le processus n’est pas hexagonal, il est global, mondialisé, il est celui de la faillite d’une classe dominante parasitaire, dépassée par l’évolution de la société et la révolte que sa politique engendre.

Les émeutes antiparlementaires de l’extrême droite complotiste, encouragée par Trump, occupant le Capitole au moment de l’enregistrement officiel de l’élection de Biden, en sont une inquiétante manifestation au cœur même de la citadelle capitaliste. Cette tragique mascarade, qui a bénéficié de la passivité complice de la police tétanisée par Trump, est l’expression de la décomposition du capitalisme, de sa faillite, de son échec à représenter l’avenir de la société. Biden au pouvoir continuera, sur le fond, la même politique au service de Wall Street, alimentant les frustrations et les colères auxquelles seul le monde du travail peut offrir une perspective progressiste et démocratique.

L’oligarchie financière, la propriété privée capitaliste, les multinationales conduisent le monde à la ruine alors que jamais l’humanité n’a eu entre ses mains autant de moyens techniques pour gérer son avenir.

Ce dernier show tragi-comique de Trump constitue un nouvel avertissement qui pourrait accélérer les prises de conscience qui s’opèrent dans le monde du travail, au sein des classes populaires. Il n’y a pas d’autre issue pour faire face à la catastrophe sociale, sanitaire, écologique, démocratique en cours que leur propre intervention, organisation, mobilisation.

Cette prise de conscience est encore lente, partielle, dominée par les inquiétudes et les doutes, le poids du passé et des partis politiques institutionnels voués à la défense de cet ordre établi corrompu.

Le besoin d’un mouvement ouvrier pleinement indépendant de l’ordre capitaliste et de ses institutions est une nécessité, une urgence.

Face au désarroi qui paralyse les milieux militants, aux pressions sociales, politiques, sanitaires, policières qui s’exercent contre les classes populaires, il y a un besoin impérieux de construire la convergence et la cohérence politique de tous les mécontentements, de toutes les colères et révoltes, de toutes les mobilisations, de toutes les luttes.

L'enjeu de la période est, ici, de construire des liens politiques, organisationnels entre les militantes et les militants qui se côtoient depuis 2016 dans les mobilisations, en particulier à travers le mouvement des gilets jaunes puis sur les retraites, sur la base d'une perspective sociale et politique fondée sur l’indépendance de classe par rapport aux institutions tant politiques que sociales, en rupture avec le dialogue et la collaboration de classe.

C'est le défi auquel l'ensemble des militants révolutionnaires sont confrontés. Nous avons besoin pour cela d’unir nous-mêmes nos propres forces en définissant notre compréhension commune de la période et des tâches, nos perspectives.

Le NPA a un rôle déterminant à jouer

Nous donner les moyens de contribuer à relever ce défi implique de nous dégager des confusions qui paralysent le NPA et de surmonter nos divisions.

La crise que connaît le NPA -que sa direction a elle-même rendue publique- étonne au moment où les idées anticapitalistes connaissent un écho certain. Cette crise renvoie aux questions sociales et politiques nouvelles auxquelles l’ensemble du mouvement ouvrier est confronté du fait de son incapacité à faire face à l’offensive réactionnaire de la bourgeoisie, à ses échecs et reculs, à l’adaptation de ses organisations à l’ordre capitaliste, aux poids paralysant des appareils. D’une certaine façon, elle est une étape nécessaire pour faire un nouveau pas en avant.

Elle a une cause politique déterminante, notre difficulté à penser et agir en parti du monde du travail. La recherche permanente d'alliances avec la gauche syndicale et politique par la majorité restreinte qui dirige le NPA est une façon de suppléer à cette difficulté à l’opposé de ce qu’elle considère comme des réponses sectaires. A ses yeux et en fonction de ses objectifs, la politique des autres courants opposés à cette unité avec les réformistes ou le populisme de gauche la dérange, d'autant qu'elle entretient la confusion entre sa volonté révolutionnaire et la réalité suiviste de sa politique, à l’image de Philippe Poutou en quête d’alliance avec LFI. D'où la multiplication des gestes de rupture visant à entretenir les tensions organisationnelles afin d’essayer de souder ses militants contre les autres tendances.

Cette propension est d'autant plus grande que l'équipe dirigeante de cette majorité est composée de camarades venant de courants « gauche » de la LCR ou du NPA. Leur démarche politique pervertit la politique d'unité des révolutionnaires en politique d'unité avec des courants réformistes tout en essayant vainement de préserver leur propre cohérence.

Leur document collectif publié le 23 décembre, « Un parti pour l’unité dans les luttes et pour la rupture anticapitaliste et révolutionnaire : c’est possible, nécessaire, urgent » en est l’illustration. L’unité avec qui sur quels objectifs ? La rupture anticapitaliste et révolutionnaire, c’est quoi et quand ? « Lancer un projet de dépassement ou de refondation du NPA », on choisit quand et comment, en fonction de quoi ? Un texte à l’image de cette majorité restreinte, tout et son contraire autour d’un choix réaffirmé : les autres fractions, ça suffit !

La contradiction qui la mine est apparue clairement lors du Conseil politique national de juillet, quand elle a voté la motion que nous soumettions au vote instituant la mise en place d’une équipe de rédaction d’un programme pour le monde du travail face à l’offensive du capital, pour aussitôt saborder son application… Elle ne pouvait se permettre une discussion ouverte au sein du NPA. Malheureusement, à ce moment-là, les autres tendances ne se sentaient pas en mesure d’y faire face.

Là est le fond de la crise qui menace le NPA, une crise qui paradoxalement en souligne sa santé par l’exigence démocratique portée par la plupart des militant.e.s à un moment charnière où les certitudes toutes faites, les proclamations ne peuvent constituer une politique.

Ne pas dilapider le capital collectif du mouvement révolutionnaire dans le sectarisme et les divisions

Les camarades qui ne partagent pas l'orientation de la majorité ne pourront contribuer à réorienter et relancer le NPA que si, eux-mêmes, sont capables de se dégager des rapports fractionnels que la majorité pratique sans retenue contre nous.

De ce point de vue, notre démarche au sein du NPA participe de notre démarche à l’extérieur visant à unir notre camp social et politique.

Il est évident qu'une politique visant à contribuer à l'organisation des éléments moteurs des mobilisations doit viser en premier lieu à unir les militants les plus avancés au sein de cette fraction, les révolutionnaires eux-mêmes, organisés ou pas dans tel ou tel courant ou fraction, Lutte ouvrière, les différents courants qui composent le NPA, l’UCL...

Une telle démarche ne peut trouver de réponse simplement à travers les convergences et les interventions communes dans les mobilisations. Elle s'appuie nécessairement sur la construction de solides convergences politiques, programmatiques et stratégiques.

Le NPA a un rôle décisif pour impulser ce processus, à condition que ses différents courants en fassent le choix en rompant avec la logique d’auto-construction rivale et sectaire. Les militants qui, jusqu’alors, se reconnaissaient dans la majorité en refusant le jeu fractionnel prennent conscience que les tensions internes sont délibérément entretenues par la majorité elle-même et que le moment est venu de discuter du fond politique. Notre attitude veut les encourager à se dégager du suivisme à l'égard de LFI ou d’initiatives confuses comme « Rejoignons-nous » pour engager la discussion et le travail d’élaboration d’un programme qui définisse ce qui réunit l’ensemble des courants et militant.e.s qui constituent le NPA. Une perspective bien différente que de préparer « sa séparation » à laquelle invitent les dirigeants de la majorité.

Notre première tâche est de faire vivre des rapports démocratiques en rupture avec la concurrence fractionnelle.

Les clarifications nécessaires

Répondre aux enjeux de la période suppose une rupture avec les routines du passé tant les auto-proclamations, en particulier de nos camarades de LO, que le suivisme vis à vis de la gauche qui constitue depuis des décennies la matrice des camarades de la majorité de la IV° Internationale.

Cette dernière démarche est illustrée par leur attitude vis à vis de l'appel « Rejoignons nous ». Dans le numéro de L'Anticapitaliste du 2 décembre, les principaux dirigeants de la majorité actuelle du NPA, Julien Salingue, Hélène Marra, Antoine Larrache et Joséphine Simplon disent, en discutant avec d'autres membres de cette même majorité qui ont signé l’appel « Rejoignons-nous », faire le choix eux-mêmes de se « situer dans une démarche de dialogue critique » tout en notant que l'appel fait l'impasse sur « la question du pouvoir » et que « la question du rôle moteur et indispensable des salariéEs, en raison de leur position centrale dans le fonctionnement du système capitaliste, et de leur moyen d’action le plus puissant, la grève, n’est pas abordée » ainsi que « l’absence totale de mention des classes sociales et du rôle incontournable des salariéEs » pour s'étonner : « Enfin, la perspective de la constitution d’une « nouvelle organisation nationale capable, dès 2021 […], d’entrer en discussion avec d’autres organisations », a de quoi surprendre ». Cela promet un riche dialogue !

Les signataires de l'appel, Catherine Samary, Christine Poupin, Fernand Beckrich, Hugo Coldeboeuf, Patrick Le Moal, Ugo Palheta quant à eux écrivent : « Signataires de l’appel « Rejoignons-nous » en tant que membres du NPA, nous réaffirmons notre pleine appartenance au NPA dans l’optique de son dépassement, dans l’esprit de ce que fut son congrès fondateur (« rassembler le meilleur des traditions du mouvement ouvrier ») ».

Il est difficile de retrouver dans cet appel, qui ignore non seulement la question du pouvoir mais les rapports de classes, « le meilleur du mouvement ouvrier » ! On se demande de qui se moquent le plus les camarades de la majorité signataires ou pas de l'appel, des militants du NPA ou d’eux-mêmes.

Leur sérieux est éclairé dans le même temps par l’acharnement mis par Philippe Poutou à constituer une liste unitaire avec… LFI, cette fois pour les régionales en Nouvelle Aquitaine, lui aussi sans en avoir discuté dans aucun cadre collectif du NPA et alors qu’il sait sa politique minoritaire.

Il n'est pas sûr que l'autonomie des anciens candidats à la présidentielle ou des porte-parole comme les discussions avec des courants de la gauche institutionnelle pour des accords électoraux s'inspirent du meilleur du mouvement ouvrier. Pas plus que le sectarisme de ces camarades à l'égard des militants de leur propre parti alors qu'ils font une cour assidue à tout ce qui est la gauche de la gauche ou en marge de la gauche de la gauche...

Nos camarades prétendent « mutualiser les débats stratégiques qu’il nous faut impérativement actualiser, autant que les réflexions sur le mode de fonctionnement d’une organisation politique pour l’émancipation ; donc aussi un appel à mener le combat interne/externe contre tous les barrages sectaires qui empêchent la construction d’un « intellectuel collectif » et d’un outil militant à la hauteur des défis auxquels nous sommes confrontés. […] dépasser par tous les moyens les actuels émiettements, compartimentages et sectarismes. Nous pensons que les batailles lors du congrès du NPA doivent être menées dans cette optique et nous y prendrons notre part ». Cela impliquerait, en premier lieu, de rétablir des relations démocratiques plutôt que d’entretenir une hostilité sectaire contre les autres courants.

Chiche, « mutualisons nos débats stratégiques », travaillons collectivement à formuler nos perspectives pour refonder le NPA

La majorité relative prétend donc aujourd'hui mener le débat qu’elle a jusqu’alors refusé de mener sur la question programmatique et stratégique. Tant mieux, du moins s’il ne s’agit pas simplement d’une ouverture adressée à la mouvance de la gauche de la gauche.

Depuis dix ans, la tendance de la majorité de la IV° a refusé d'avancer au sein du NPA dans la discussion stratégique du fait de son constant souci de ne pas être gênée dans ses relations avec la gauche radicale. Après s’être laissés aller à voter un texte instituant la mise en place d’une équipe de rédaction d’un programme pour le monde du travail face à l’offensive du capital « pour élaborer un plan d’urgence sociale, sanitaire, économique, écologique, démocratique, un plan s’inscrivant dans une démarche transitoire liant les revendications immédiates, vitales du monde du travail à la nécessité du contrôle de l’économie, de la société par les travailleurs dans la perspective de la conquête de la démocratie, du pouvoir pour décider de la marche de la société, « plan des mesures transitoires du capitalisme au socialisme » selon la formule de Trotski », elle a pratiqué la fuite en avant du côté opposé... Notre proposition combinait la discussion en interne dans le but de rassembler toutes les sensibilités et d'engager un débat public avec d’autres organisations ou groupes militants, y compris au moyen de discussions écrites.

A peine cette décision adoptée, se sentant prise au piège, la majorité restreinte s'est dégagée pour discuter avec LFI par l'intermédiaire de Philippe, avec « Plus jamais ça », puis « Rejoignons-nous ».

Elle ne pouvait accepter d’être confrontée à sa propre confusion en discutant au sein du NPA et à l’extérieur. Et, c'est évident mais il convient de le noter, les velléités affichées à l’égard de Lutte ouvrière lors des européennes sont oubliées au profit de LFI ! Tout un programme au moment où l’approche des régionales ainsi que de la présidentielle devrait inciter à la recherche d’un accord entre révolutionnaires !

Ouvrir la discussion avec l'ensemble des camarades du NPA mais aussi de l'extrême-gauche et du mouvement ouvrier sur nos réponses stratégiques et programmatiques devrait être au cœur de nos préoccupations.

C’est le sens de notre démarche soumettant à la discussion, à l’occasion du dernier Conseil politique national de décembre, un premier texte « TOUT CHANGER MAINTENANT ! Contre l’offensive du capitalisme en faillite, un plan pour la défense du monde du travail et révolutionner le monde ». Le sens aussi des discussions engagées entre le courant AetR, le CCR et nous dans lesquelles s’inscrit ce texte.

La gauche du parti a besoin de gagner en crédibilité dans ses capacités à « mutualiser » tant les expériences que le débat stratégique, à construire des rapports démocratiques pour discuter avec l’ensemble des camarades.

Qu’est-ce qui légitime aujourd’hui la stratégie révolutionnaire ? Quel contenu lui donner ?

L’enjeu de la discussion n’est pas d'opposer à ces dérives « unitaires » une orthodoxie révolutionnaire invoquant l’actualité du programme de transition, d’en faire des citations atemporelles qui semblent superficiellement en résonance avec notre époque, mais bien au contraire de saisir la spécificité, le caractère inédit de l’époque que nous vivons pour nous l’approprier pleinement du point de vue de la nouvelle génération militante et des nouvelles perspectives qu'elle offre. Il ne s'agit ni de nous limiter à un programme de mesures d'urgence ni à une impossible répétition du programme de transition.

Le texte que nous avons soumis à la discussion dans l'ensemble du NPA veut se situer d'un point de vue internationaliste au sens où nos analyses, notre compréhension comme nos perspectives s'inscrivent dans une compréhension de l'évolution du capitalisme et des luttes de classes à l'échelle internationale.

Ce point de vue s'inscrit nécessairement dans une compréhension historique qui nous semble d’autant plus importante que la nouvelle époque du capitalisme financier mondialisé comme les perspectives qu'elle ouvre doivent être analysées en fonction du développement du mouvement ouvrier pour refonder, en quelque sorte, l'idée du socialisme et du communisme dénaturée par les régimes staliniens ou nationalistes qui l’ont usurpée.

La phase actuelle du développement capitaliste et l'inéluctabilité d'une montée révolutionnaire et du socialisme

Nous avons besoin d’apprécier la nouvelle phase de développement du capitalisme en prenant la mesure des bouleversements opérés durant le siècle qui dépassent le stade de l’impérialisme sous peine de réduire le marxisme à une dénonciation du capitalisme et de l'exploitation, une dénonciation qui, vidée de son contenu historique, devient une simple dénonciation morale, l’impérialisme ou « le grand Satan » ! Cette dénonciation morale vient souvent au secours d'un volontarisme militant, les deux constituent un ciment pour de petits groupes.

La conjugaison du volontarisme militant et de la compréhension du déterminisme historique a été oubliée en marchant par le courant gauchiste post-soixante-huitard limitant le plus souvent sa politique à celle d'opposants à la social-démocratie et au stalinisme ou aux appareils syndicaux. Les pressions idéologiques qui ont suivi l'effondrement de l'URSS ont nourri un relativisme dit postmoderne et renforcé cette fausse interprétation du marxisme.

Notre stratégie n'est pas fondée sur un volontarisme moral mais bien sur la compréhension des évolutions historiques qui démontrent l'inéluctabilité du socialisme et nourrissent notre volontarisme militant. Non au sens mécaniste du terme, ce sont les hommes qui font l'histoire mais dans des conditions qui s'imposent à eux, et avoir une stratégie, c'est comprendre ces conditions pour agir sur les contradictions à l’œuvre.

Notre stratégie aujourd’hui repose sur le fait que la généralisation de l’économie de marché à l’ensemble du globe a tracé les limites historiques du capitalisme. Les conditions matérielles pour sa transformation révolutionnaire sont infiniment plus développées qu’il y a un siècle, l’affrontement de classe pour le socialisme est inéluctable.

Ne pas laisser le moindre doute ou ambiguïté sur les impostures « communistes » de Staline, Mao and co...

Notre stratégie a aussi comme pilier l’idée que la lutte de classe est le moteur de l'histoire, que le prolétariat en est le sujet révolutionnaire et qu'il n'y a pas de substitut à son action propre. De ce point de vue, la victoire de Staline est bien celle de la contre-révolution sans que le stalinisme ait le moindre caractère progressiste en lui-même si ce n'est qu'il ne pouvait liquider l’État issu de la révolution sans se liquider lui-même. De même, la révolution de 49 en Chine n'a pas été réalisée par le prolétariat, l’État de Mao qui en est né n'était pas un État ouvrier mais un État national bourgeois populaire voué au développement capitaliste de la Chine.

Le mythe de la trans-croissance des luttes de libération nationale en révolution socialiste en dehors des rapports de classes réels est une invention idéaliste véhiculée par la IV° internationale et bien des courants du trotskysme, méthode de raisonnement qui est toujours présente dans leurs confusions stratégiques.

La période qui s'est achevée met deux questions décisives au centre des interrogations : la contre-révolution stalinienne, et les luttes de libération nationale dont la révolution chinoise. Il ne s'agit pas de discussion sur le passé mais de la façon dont nous concevons le rôle de la classe ouvrière et le rejet de tout substitutionnisme.

Les confusions sur le passé nourrissent un courant libertaire, anarchiste qui rejette les concessions aux appareils, les raisonnements qui justifient le suivisme au détriment de l’esprit de classe et de révolte. Elles nourrissent le rejet répandu de la forme parti parce que le parti, c’est inévitablement le parti-État, un instrument de pouvoir et de domination et non pas l’instrument de l’émancipation des travailleurs par eux-mêmes.

Entraîner ce courant informel très présent dans la jeunesse dépend de notre capacité à dégager nos raisonnements de la pression du stalinisme et des luttes de libération nationale afin de formuler nos références au socialisme et au communisme, sans privilégier l’une ou l’autre, sans la moindre ambiguïté pour redonner son rôle plein et entier au monde du travail, acteur de sa propre émancipation et de celle de l’humanité.

De la lutte pour les droits démocratiques à la conquête de la démocratie par les travailleurs

La question des droits démocratiques, plus généralement de la démocratie, la possibilité pour les producteurs de décider de la marche de la société, de la contrôler est mise au centre de la politique pour changer le monde. La formule de « l’autoritarisme macronien » rencontre un large écho mais elle est marquée d'une ambiguïté qui lierait le durcissement au choix de Macron alors que cette évolution a été engagée par Sarkozy et Hollande et s’inscrit dans une évolution internationale répondant à l'exacerbation des tensions entre les classes, à la crise des moyens de domination politique de la bourgeoisie et à l’anticipation de mouvements de masse.

Face à l’aggravation de la concentration et des traits autoritaires et personnels du pouvoir, notre défense des libertés démocratiques s’accompagne d’un programme démocratique radical qui ne peut laisser croire que nous voulons démocratiser les institutions bourgeoises, une sixième République améliorée, plus radicale que celle de Mélenchon. En rupture avec tous les défenseurs de la République, de l’État et de la police, notre démarche souligne l'incompatibilité du capitalisme sénile avec les droits démocratiques et lie la démarche transitoire, à chaque étape, avec le contrôle par les travailleurs sur la marche de la société. Elle pose la question de la conquête de la démocratie par les travailleurs. La dénonciation des institutions bourgeoises, de leur corruption, du régime présidentiel et des deux assemblées, c’est la défense d’une République démocratique et révolutionnaire fondée sur les assemblées de travailleurs, leurs organes de décisions et de contrôle, une démocratie directe, les élections à la proportionnelle intégrale, qui nomment le gouvernement, responsable et révocable devant elle, des élus, des députés rémunérés au niveau du salaire médian.

L'évolution des rapports internationaux, la question de l'anti-impérialisme et des menaces de guerres

La question des rapports internationaux doit être abordée en partant du principe que la grille de lecture qui a servi à analyser l'évolution du monde depuis le début du XX°, les deux guerres mondiales et les guerres coloniales, ne répond plus au stade actuel de développement du capitalisme. Ce ne sont plus les rapports impérialistes décrits au début du XX° siècle qui constituent le cadre des rapports internationaux mais une libre concurrence globalisée dans le cadre du marché mondial où chaque État, multinationale, trust défend ses propres intérêts en fonction des rapports de force hérités de la période passée. Elle est le cadre de la confrontation des vieilles puissances impérialistes qui occupent une position spécifique et prépondérante, des nouvelles puissances capitalistes comme la Chine et des puissances locales ou régionales en fonction de multiples combinaisons. D’où la remise en cause du leadership américain, la guerre commerciale et les guerres, l’instabilité croissante du monde dans le cadre d’une interdépendance économique et financière et la révolution numérique en cours.

Nous ne sommes plus dans le cadre de la lutte directe pour le repartage du monde. Même s’il ne faut écarter aucune hypothèse, une guerre entre la Chine et les USA à l’image des deux premières guerres mondiales pour le partage de la planète reste aujourd’hui difficilement imaginable ce qui n’exclut pas, bien au contraire, la multiplication des conflits locaux ou régionaux.

Il ne s’agit pas de prétendre prédire l’avenir mais de comprendre les possibilités d’intervention du prolétariat plus grandes dans un monde capitaliste instable et multipolaire que dans le monde de l’après-guerre dominé par les USA et l’URSS garants de l’ordre. Il s’agit aussi d’échapper politiquement au campisme, séquelle d’un anti-impérialisme mécanique et aux confusions et compromis qu’il entraîne pour formuler une politique pour le prolétariat par-delà et contre les rivalités entre les différentes fractions du capital et de la bourgeoisie.

Exiger la fin des interventions militaires, le retrait des troupes françaises à l’étranger, notamment d’Afrique doit surtout viser à démontrer la nature de l’État au service des multinationales. On ne peut demander aux États de cesser d’être eux-mêmes. Nous devons démontrer le lien entre leur politique nationale et extérieure qui répond aux intérêts des multinationales contre les travailleurs et les peuples. De même, il est vain d’exiger d’eux le désarmement, l’abandon unilatéral de l’arme nucléaire ou un désarmement nucléaire général.

L’évolution du capitalisme à travers la concurrence capitaliste mondialisée engendre des rivalités et tensions exacerbées entre les puissances grandes, régionales ou petites, un état de guerre permanent et des désastres environnementaux combinés à une exacerbation des tensions entre les classes pour donner aux luttes du prolétariat un contenu internationaliste de contestation globale. La lutte pour la paix est indissociable de la lutte pour le socialisme.

Des principes fondateurs à un programme pour la révolution et le socialisme, refonder ensemble le NPA

Il ne peut y avoir de réponse à la dérive de la majorité relative qui dirige le NPA comme aux limites des différents courants qui le composent ou à l’émiettement du mouvement révolutionnaire sans prendre en compte les bouleversements du monde depuis 3 décennies, en particulier depuis 2008-2009 et, aujourd’hui, la pandémie. Dépasser cet état de crise permanente et de faiblesse du mouvement révolutionnaire nécessite d’élaborer ensemble une stratégie révolutionnaire fondée sur une compréhension commune de la nouvelle époque à laquelle le mouvement ouvrier est confronté. Cela signifie engager un processus de refondation du NPA.

Cela ne sera possible que si l’ensemble des courants qui se situent dans cette perspective s’attellent ensemble à définir les bases politiques de cette refondation sans pour autant abdiquer de ce qu’ils considèrent avoir à apporter au mouvement dans le cadre de cette orientation. Cette discussion se mène avec l’ensemble de nos camarades de parti, nos camarades révolutionnaires et bien au-delà dans nos syndicats, collectifs, comités de lutte et interpro et tout particulièrement dans la jeunesse.

Pour affronter la période qui s’ouvre, le mouvement révolutionnaire a besoin de surmonter ses divisions en se rassemblant autour d’une perspective globale pour le monde d’après que nous voulons construire.

Le 10 janvier 2021, Démocratie révolutionnaire

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