« Je suis rentré dans deux chambres dans ce service de réanimation, a expliqué Véran au retour d’une visite à l’hôpital Sud-Francilien de Corbeil-Essonnes, mardi dernier. Dans la première chambre, il y avait un jeune homme de 28 ans dans le coma. Dans la deuxième chambre, il y avait un homme en surpoids âgé de 35 ans [...] C’est ça, la réalité Mesdames et Messieurs les députés, si vous ne voulez pas l’entendre, sortez d’ici ! » a-t-il explosé. Auparavant, aux soignants du même hôpital, Castex avait lâché : « Vous allez souffrir, je le sais, c’est comme ça ».

Les hôpitaux sont déjà engorgés, les capacités en lits et en réanimation bientôt saturées, des interventions chirurgicales ou des hospitalisations pour d’autres maladies ont été déprogrammées, les médecins à nouveau en situation de devoir faire des choix entre les patients… Une situation pire qu’au printemps parce que toutes les régions sont touchées en même temps, que les personnels sont épuisés et que rien depuis mars n’a été fait pour augmenter les capacités hospitalières.

Un manque d’anticipation, une incurie qui ne tiennent pas à un manque de clairvoyance -Castex le dit bien, « je le sais, c’est comme ça »- mais à des choix politiques dictés par un choix social fondamental, l’intérêt des grands groupes capitalistes et de la finance pour qui toute dépense dans des services publics utiles à la population, dépenses « improductives » à leurs yeux, est à proscrire.

A l’accélération et l’aggravation de l’épidémie, le gouvernement n’a pas d’autre réponse que la culpabilisation -si le virus gagne du terrain, c’est de votre faute, vous n’appliquez pas les règles-, l’autoritarisme, le mépris. Macron et ses premiers de cordée prennent argument de la catastrophe dont ils sont en grande partie responsables pour tenter de faire taire les critiques et soumettre l’opinion.

« Venez travailler, puis rentrez chez vous et restez-y »

Sous la pression du Medef qui ne veut pas d’interruption de l’économie, de la machine à profits, et face aux risques de saturation dans les hôpitaux, le gouvernement a fait le choix d’un confinement partiel. Tout le monde doit travailler, quand c’est possible en télétravail mais sans que les patrons y soient contraints. Les enfants sont gardés dans les écoles, avec un masque à partir de 6 ans, les collèges ou les lycées sont ouverts, aucun salarié ne peut donc justifier un arrêt de son travail sauf situations bien particulières, les transports roulent et on peut s’y entasser. Les facs sont passées en télé-enseignement, il vaut mieux que les  étudiants restent chez eux plutôt que d’aller contester, sorties et loisirs sont interdits.

Pour couronner le tout, seules les grandes surfaces de l’alimentation sont autorisées à ouvrir, pas de problème, on peut y être agglutiné aux caisses ou dans les rayons mais pas les petits commerces dont les patrons et les dizaines de milliers de salariés sont au bord de la faillite !

Le gouvernement agit ainsi, par des mesures de police, puisqu’il est incapable de faire autrement dans le cadre des intérêts qu’il défend. Sauf que cette solution bancale de confinement risque de ne pas suffire, et le gouvernement d’être obligé de reconfiner totalement.

Face à la crainte de l’explosion sociale, le recours à la répression

« 71 % de Français prêts à se confiner à Noël, cela ne veut rien dire », affirme un conseiller gouvernemental cité par Les Échos, « notre sujet, c’est qu’il ne faut pas qu’une étincelle mette le feu social ». La seule crainte du gouvernement, c’est que le mécontentement explose.

L’autoritarisme, les coups de gueule sont à tous les étages.

Le contraste est saisissant entre l’inaction du gouvernement face à la crise sanitaire et le déploiement d’initiatives dans le domaine de la sécurité et de la répression. Il leur faut discipliner, soumettre, imposer leur ordre.

En fin de semaine, le projet de loi sur la laïcité et les libertés, anciennement « sur le séparatisme », devait être transmis au Conseil d’État. C’est un des volets de la prétendue lutte contre le terrorisme islamiste au nom de laquelle Macron annonce, en empruntant sa démagogie xénophobe au Rassemblement national, le doublement des effectifs policiers pour surveiller les frontières, l’immigration clandestine.

Une proposition de « loi relative à la sécurité globale » est examinée en ce moment à l’Assemblée. Elle prévoit un an de prison et 45 000 euros d’amende pour avoir diffusé vidéos ou photos de policiers, le droit pour les policiers de porter leur arme hors service, l’utilisation immédiate de photos prises par drones au cours de manifs, l’extension des pouvoirs des polices municipales. Des mesures tellement liberticides que la Défenseure des droits dénonce les « risques considérables » pour les libertés et la vie privée.

Un premier recul du pouvoir dans l’Éducation

Blanquer pensait que les enseignants, sidérés par le monstrueux assassinat d’un des leurs par un terroriste islamiste, seraient dociles, accepteraient sans trop de vagues un protocole sanitaire prétendument renforcé, mais en réalité aussi insuffisant qu’inapplicable. Or la mesure de trop qui a fait déborder la colère a été précisément l’autoritarisme insupportable avec lequel le gouvernement a prétendu dicter aux enseignants la façon de rendre hommage à Samuel Paty et discuter de la … liberté d’expression en supprimant les deux heures de concertation prévues le lundi matin.

La colère a éclaté dans de nombreux établissements, parfois en liaison avec les parents d’élèves et avec les lycéens eux-mêmes. Un mouvement parti des équipes militantes qui a dévoilé les conditions de sécurité ou plutôt d’insécurité sanitaire dans des classes à 30 ou 35, munies parfois de fenêtres qui ne s’ouvrent pas, des couloirs étroits, des files d’attente énormes à la cantine et toujours le manque de personnel enseignant, d’entretien, de vie scolaire, d’agents des écoles maternelles ou d’AESH. Il a imposé par la grève ou le droit de retrait d’abord un rétablissement des heures de concertation entre enseignants, puis le principe du dédoublement des cours, et dans les lycées, la suppression pour cette année des épreuves communes de contrôle continu, les E3C, en Première.

C’est une première victoire, celles et ceux qui font fonctionner les établissements scolaires ont fait respecter les règles minimales de sécurité sanitaire. Bien plus, dans nombre d’endroits, ils ont exigé des créations de postes, au minimum par l’admission des candidats en listes complémentaires aux concours, et des embauches de toutes les catégories de personnel. Il n’y a pas de raison que l’argent « magique » n’existe que pour subventionner à fonds perdus les grandes entreprises. La grève du 10 novembre prochain, mardi, appelée par tous les syndicats de l’enseignement, sera l’occasion de l’affirmer et pourrait permettre l’élargissement du mouvement.

Imposer la cohérence de l’intérêt collectif

A Toulouse, 5000 personnes -et 670 à Besançon- ont manifesté à l’appel de plusieurs syndicats, dont ceux du CHU, et organisations politiques samedi pour dire : « Stop aux mesures liberticides ! Sortons la santé de la marchandisation ! Contre la crise sanitaire et sociale, des moyens humains et matériels maintenant ! » « Il faut dès maintenant organiser la réouverture de tous les lits, de toutes les structures et hôpitaux de proximité qui ont été fermés pour un égal accès de tous à des soins de qualité. Le besoin est aujourd'hui de 100 000 lits supplémentaires, il faut dès maintenant organiser le recrutement de 100 000 personnels dans les hôpitaux ».

Alors qu’un deuxième confinement fait peser la menace d’un effondrement économique, les travailleurs ne peuvent compter que sur leur mobilisation et leur propre organisation pour imposer les mesures d’urgence nécessitées par la crise sanitaire présente et anticipant sur celles à venir :

- la création immédiate de surcapacités hospitalières permanentes et l’organisation autour des hôpitaux d’un service public de la santé, avec la coordination de tous ses acteurs ;

- des embauches massives dans la santé, l’éducation, tous les secteurs utiles à la population

- un revenu minimal à hauteur du Smic pour toutes et tous

- l’annulation des dettes des petits commerçants, travailleurs indépendants ou petits patrons, des crédits et loyers bon marché.

- au lieu des plans d’urgence et de relance du gouvernement, la nationalisation immédiate et sans rachat des grandes entreprises avec contrôle démocratique de leurs salariés et de la population pour prendre en main l’économie et la faire fonctionner non pour le profit mais pour les besoins.

 

Galia Trépère

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