Une pseudo interview télévisée de Macron était complaisamment mise en scène mercredi 14 par TF1 et France 2. Il y a annoncé des mesures censées faire face à la remontée des cas de contamination qui menace de submerger de nouveau les services de réanimation. Après les restrictions mises en place il y a quelques jours par les préfets dans certaines grandes villes, un couvre feu entre 21 h et 6 h est désormais imposé dans la région parisienne et 8 métropoles pour une durée de 4 semaines, 6 si le Parlement l’autorise. Le lendemain, c’était au tour de Castex et de quelques ministres de présenter à la presse la mise en musique des annonces du Président… dont Darmanin qui a expliqué que 12 000 policiers et gendarmes seraient mobilisés pour faire respecter la loi.

Nouveau signe de leur incurie, Macron et son gouvernement accentuent le traitement policier de la crise sanitaire faute d’avoir un minimum pallié les carences profondes du système hospitalier révélées par la première vague de l’épidémie. Faute d’avoir répondu, lors de la mascarade du Ségur, aux revendications que portent les personnels hospitaliers depuis des années sur les immenses besoins de recrutement, les équipements, l’amélioration des conditions de travail, des salaires, etc., comme ils sont venus le rappeler dans la rue jeudi 15.

Ces annonces surviennent alors que le budget 2021 est en discussion à l’Assemblée nationale, un budget en déficit de 6,9 % constitué pour plus d’un tiers du financement du plan de relance 100 milliards de Macron, dont 10 milliards de baisse des impôts de production, 30 milliards censés permettre d’accélérer la transition écologique, 35 milliards pour financer des mesures de « solidarité et de soutien à l’emploi »,… sans oublier la ligne budgétaire de l’armée qui augmente de 1,7 milliards d’euros pour atteindre 37,5 milliards, de quoi « soutenir » l’industrie de l’armement par des achats massifs de véhicules blindés et quelques rafales… Mais Lemaire l’a annoncé lors de la conférence de presse, la mise en place du couvre feu, qui touche 1/3 de la population française, va fortement impacter divers secteurs économiques et exiger de nouvelles mesures de soutien. Mesures dans le droit fil de celles qui avaient été prises pendant le confinement, prise en charge par l’État du chômage partiel, dérogations de cotisations sociales, garanties de prêt, fonds de soutien, etc., qui seront prolongées « le temps qu’il faudra ».

Rien pour les chômeurs, les précaires, sinon une prime exceptionnelle comprise entre 100 et 550 euros selon la composition familiale pour les bénéficiaires du RSA et des APL, mais dont sont exclus des milliers de jeunes de moins de 25 ans dont des étudiants ! Et pas question d’augmenter les minima sociaux : Macron a des « fondamentaux », « la lutte contre la pauvreté par l'activité et le travail »… Lutte qui passe, c’est bien connu, par les subventions sans limites aux entreprises… pour « sauver les emplois » ! Avec le résultat que l’on connaît, explosion du chômage, de la précarité alors qu’à la Bourse le CAC 40 prospère, que les riches sont de plus en plus riches…

Macron a terminé son intervention en disant que malgré les difficultés du moment, ce qu’il trouvait positif, c’est que la situation « nous apprend à être une nation de citoyens solidaires » !

La solidarité qu’il prêche, c’est la soumission des opprimés et des exploités à des plans qui, présentés comme la seule façon de combattre le virus, sont destinés à faire face à une autre réalité dont il se garde bien de parler : l’effondrement du système économique qu’il sert. Sa prétendue guerre contre le virus est une guerre sociale contre les travailleurs, pour sauver les profits.

L'économie du profit et de la concurrence, le capitalisme, à bout de souffle

Macron et ses ministres gouvernent en jouant de la peur. Ils instrumentalisent la légitime inquiétude de la population pour engager une politique qui sert les intérêts des capitalistes face à une crise dont ils portent une large responsabilité. Ils désignent le virus comme seul responsable de la situation, nous promettent le retour des « jours heureux » dès que la pandémie sera maîtrisée, pour peu que nous nous soumettions à leur guerre de classe… C’est du baratin pour tenter d’endormir la colère sociale.

Certes, le confinement à partir de mars de plus de la moitié de l’humanité a entraîné en quelques semaines la paralysie de secteurs entiers de l’économie mondiale et débouché sur une situation de crise inédite. Mais si les centaines de milliards engloutis par les Etats et les Banques centrales pour « sauver l’économie » n’ont rien relancé d’autre que les profits d’une infime minorité, si l’économie mondiale s’enfonce dans une récession généralisée dont il est probable qu’elle sera incapable de se relever, c’est bien parce qu’elle présentait déjà avant l’apparition de la pandémie tous les symptômes de la maladie qui la frappe, de sa faillite.

Elle ne s’est pas remise de la crise des années 2007-2008, aboutissement d’une trentaine d’années de guerre de classe, de pillage effréné des ressources humaines et naturelles au seul profit d’une classe parasitaire. Des années d’exubérance pour les profits, nourris par la surexploitation des travailleurs mis en concurrence à l’échelle de la planète, gonflés par la spéculation et une course à l’endettement, emprunter pour investir, qui semblait pouvoir se développer indéfiniment…

Jusqu’à l’effondrement du château de cartes déclenché par la faillite des crédits immobiliers « subprime » aux Etats-Unis. En quelques jours, la crise devenait globale et mondiale, signe du niveau d’intrication des divers secteurs de l’économie à l’échelle planétaire. La mondialisation financière du capitalisme, c’était la mondialisation de ses tares avec en prime la démultiplication de leurs effets destructeurs.

Les remèdes aggravent le mal...

Les États, les banques centrales, le FMI intervenaient alors massivement pour mettre un coup d’arrêt à l’effondrement du système bancaire. Les États y engloutissaient des milliers de milliards… préparant une crise de la dette publique qui se déclenchait en Europe fin 2010 et dont les populations des pays les plus touchés, au premier rang desquels la Grèce, payaient et continuent de payer durement les conséquences. La politique de « QE » (quantitative easing) des Banques centrales – planche à billets à gogo inondant les marchés de la dette de milliers de milliards - s’avérait impuissante à relancer une économie touchée par une baisse chronique de croissance et de productivité. Faute de terrains d’investissements productifs rentables du fait de la baisse de la capacité de consommation résultant de l’offensive anti-ouvrière, ces capitaux s’engouffraient de plus belle dans la spéculation et « l’industrie de la dette ». En 2007, juste avant la crise, le montant mondial de l’endettement (ménages + entreprises + États + finance) était de 142 000 mille milliards de dollars. Il atteignait 250 000 milliards en novembre 2019. Quant aux capitalisations boursières, elles ont connu une croissance sans commune mesure avec le développement réel des entreprises correspondantes.

« Dette et risque de krach sont les principaux dangers pour 2019 », écrivait l’AMF (Autorité des marchés financiers) en juillet 2019…

Certains économistes, notamment antilibéraux, présentent ce résultat calamiteux comme la conséquence d’erreurs, de mauvais choix faits dans le traitement de la crise par les responsables politiques et économiques. En réalité, sauf à remettre en cause les fondements même du système économique qu’ils avaient la mission de sauver, les États, les Banques centrales et les institutions financières internationales comme le FMI n’avaient pas d’autres solutions que celles qu’ils ont mises en œuvre même si elles ne pouvaient qu’aggraver la situation. Et ils ne peuvent aujourd’hui que poursuivre la même politique, dans un contexte bien plus grave.

Le confinement, en paralysant l’activité – jusqu’à 30 % de baisse d’activité au cours des premiers mois - a réduit considérablement la circulation des capitaux, entraînant début mars un début de panique boursière. La formule de Macron, « quoi qu’il en coûte », résume la politique des Banques centrales et des Etats : injecter dans les circuits financiers tout l’argent nécessaire à entretenir artificiellement la circulation, sauver la machine à profits, permettre aux spéculateurs de poursuivre leurs jeux boursiers, entretenir leur confiance… Les Banques centrales ont démultiplié leurs mesures de QE et poursuivent leur politique de taux zéro, inondant les marchés d’argent gratuit. Les Etats sont de nouveau intervenus massivement. En France, plusieurs « plans de soutien » à l’économie se sont succédé, jusqu’au plan « France relance » présenté début septembre, « une feuille de route pour la refondation économique, sociale et écologique du pays » selon le gouvernement.

La relance vers... le krach

Rassurés sur le fait que les Banques centrales et les États feront tout pour éviter les faillites des grandes entreprises, les Bourses ont non seulement échappé au krach qui les menaçait début mars, mais se portent à merveille, en totale contradiction avec la récession qui frappe l’économie. Tombé de 6000 à 3900 points fin février-début mars, le CAC 40 oscille de nouveau, depuis juin, autour de 5000 points. Le montant des actifs financiers (hors biens personnels) du patron de LVMH, Arnaud, vient de passer la barre des 100 milliards d’euros… Celui du patron d’Amazon, Bezos, première fortune mondiale, a augmenté de plus de 30 % depuis le début de la pandémie, pour atteindre 180 milliards de dollars. « A contre-courant de la crise économique provoquée par le coronavirus, la fortune cumulée des 400 noms figurant sur cette liste annuelle progresse de 240 milliards d'une année à l'autre pour s'établir à 3 200 milliards de dollars », commente le magazine Forbes dans son palmarès des plus riches du monde…

Cette situation à « contre-courant » n’a rien de paradoxal. Un des buts poursuivis par les États et les Banques centrales, sauver la machine à profit, éviter le krach, a été atteint. Du moins pour l’instant… Car si l’effondrement boursier a pu être évité en mars, la fuite en avant spéculative sans précédent qui se produit en ce moment ne fait que préparer un krach d’autant plus inévitable que la dette des Etats s’est envolée. En France, elle dépasse actuellement 2 600 milliards d’euros, 114,1% du PIB, 12,7 % de plus qu'au premier trimestre 2020, 49,6 % de plus qu'en 2007. Et les nouvelles mesures que le gouvernement se prépare à prendre ne vont pas arranger les choses… Le commentaire que faisait l’AMF en juillet 2019 est plus que jamais d’actualité.

La poudre au yeux de la « transition écologique » et de la « numérisation »

« L’objectif : bâtir la France de 2030 » ; la relance « donnera naissance à une société du mieux vivre : plus durable, plus solidaire, plus indépendante, conformément aux aspirations des Français » ; « La crise est porteuse d’opportunités »… Autant de formules creuses avec lesquelles le gouvernement voudrait nous vendre son plan de relance !

Première « opportunité » : les apports massifs de capitaux de l’État aux grandes sociétés industrielles pour les « sauver » sont censés leur permettre de mener à bien la transition écologique – financement des recherches sur l’avion zéro carbone, développement de la filière hydrogène, contribution à la création, en partenariat avec l’Allemagne, d’un « Airbus de la batterie », etc. Le tout paré selon eux de trois vertus : contribuer à mettre fin à la fuite en avant vers la catastrophe environnementale, donner une perspective de développement à une économie en panne, et créer une multitude d’emplois… Mais le fait que Total a acheté en 2016 le producteur de batteries SAFT pour 1 milliard de dollars histoire de se placer dans la course à l’évolution des marchés énergétiques éclaire la véritable nature de la « transition écologique » en cours, le bluff d’un capitalisme vert tout aussi incapable de mettre un coup d’arrêt à la fuite en avant vers la catastrophe écologique que de créer des emplois…

Autre « opportunité » : permettre aux entreprises qui ne l’on pas encore fait de se « numériser », s’équiper en robots et autres processus informatisés. Il y aurait là aussi de grands « gisements d’emplois », des gains de productivité en perspective… Mais toutes les études le prouvent, la numérisation de la production s’est avérée incapable de relancer les taux de profit. Elle détruit plus d’emplois qu’elle n’en crée, elle est un instrument pour accentuer la dépendance des travailleurs à la machine, à l’image de l’esclavage moderne des travailleurs des dites « plateformes » comme Uber et autres Deliveroo ou de ceux qui, dans les entrepôts de logistique, s’épuisent à préparer les commandes sous les ordres et le contrôle de programmes informatiques.

La réalité est que les milliards de l’Etat vont aider Airbus, Thalès, Total, etc., à moderniser leurs équipements de production sans que le coût en revienne aux actionnaires qui pourront continuer à toucher leurs dividendes. C’est nous, contribuables, qui allons financer la modernisation de leur appareil de production afin qu’ils puissent affronter une concurrence internationale d’autant plus rude qu’elle se joue sur un marché mondial en pleine récession. Il n’y a à en attendre aucune relance économique, aucune reprise sur le marché du travail susceptible de mettre un coup d’arrêt au tsunami de licenciements, aucune « refondation économique, sociale et écologique du pays ».

Pas de fatalité à la marche vers l’effondrement…

Menace de plus en plus pressante de krach, sentiment de l’impossibilité de s’opposer à la fuite en avant vers la catastrophe environnementale annoncée, vers l’épuisement des ressources, vers une crise économique et sociale majeure, le terrain est propice aux théories catastrophistes, aux idéologies de l’effondrement, aux collapsologues qui, face au danger bien réel d’effondrement de la société, prônent la résignation, le repli sur soi, sur sa petite communauté.

Cette marche vers l’effondrement n’a rien d’une fatalité, elle a des causes sociales, inscrites dans l’organisation même de la société, sa division en classes sociales, les rapports d’exploitation qui la régissent.

La folle concentration de richesses entre quelques mains tandis que les inégalités se creusent comme jamais ont conduit l’économie capitaliste mondiale à un blocage dont elle est incapable de sortir. Pour assurer sa domination de classe et ses profits, l’oligarchie financière et ses larbins politiques font la razzia de toutes les richesses, mènent une guerre permanente et de plus en plus violente contre les salariés et les peuples, accentuent le taux d’exploitation. Les riches semblent faire sécession du reste de la société, comme l’illustre en particulier le décalage entre l’euphorie boursière, entretenue par le flux de milliards des États et la récession qui frappe l’économie, le chômage et la misère qu’elle génère. Après eux le déluge…

Cette situation insupportable ne doit rien à de prétendues lois économiques auxquelles il serait impossible d’échapper. Les lois de l'économie ne relèvent d’aucune fatalité, elles obéissent au rapport de force entre les classes, et ce n’est que tant que la bourgeoisie et ses Etats disposeront d’un rapport de force favorable qu’ils pourront nous imposer leur loi, nous entraîner dans leur effondrement.

Prendre nos affaires en main, imposer notre contrôle sur la société

Les conditions sociales insupportables que subissent travailleurs, femmes, jeunes du monde entier suscitent des vagues de révolte. La mondialisation de la contestation sociale, la soif de droits démocratiques, d’avoir les moyens de vivre dignement, répond à l’aggravation de l’offensive du capitalisme mondialisé. Elle ne peut que s’accentuer avec les conséquences de la crise actuelle.

La clé de l’inversion du rapport de force social se trouve dans cette contestation sociale mondialisée. Elle seule, si elle se donne un programme, une coordination pour ses luttes, peut mettre un coup d’arrêt à la mécanique infernale du capitalisme en faillite. Cela implique en finir avec le pillage des richesses sociales par une poignée de parasites, prendre le contrôle de l’économie afin qu’elle remplisse enfin sa fonction première : assurer à l’ensemble de l’humanité ses moyens de subsistance de façon équitable et dans le respect des équilibres écologiques.

Au cours de presque un demi-siècle, la mondialisation de l’économie a mis en place une structuration de la production des biens et services articulée autour d’un peu plus d’une centaine de grandes multinationales. Elles celles-ci mettent en œuvre des milliers d’autres entreprises, filiales, sous-traitants – qui peuvent être eux aussi des multinationales -, dans des « chaînes de valeur » qui fédèrent le travail collectif de centaines de milliers de travailleurs et qui en sont par ailleurs le produit. Les perversions bien réelles du fonctionnement de ces chaînes de valeur ne résident pas dans leur existence, pas plus qu’elle ne seraient éliminées par de prétendues « relocalisations » qui n’ont de chance de se produire que si elles répondent aux intérêts immédiats des patrons. Elles viennent de leur soumission aux intérêts des holdings financières qui les dirigent et en accaparent les profits. Mettre fin à leurs perversions, c’est en exproprier les actionnaires, les socialiser sous le contrôle de leurs travailleurs et de la population, à commencer par celles des secteurs clés de l’économie sur lesquels repose la satisfaction des besoins les plus immédiats : santé, industrie pharmaceutique, énergie, transports, agro-alimentaire…

Les activités économiques ne se résument pas aux réseaux d’entreprises liées aux multinationales. Il existe en France, en plus des petites entreprises agricoles, plus de 3,5 millions de travailleurs indépendants, 634 000 petits commerces employant 3,5 millions de personnes, dont 3 millions de salariés, 1,3 millions d’entreprises artisanales (2,9 millions d’emplois dont 2,1 millions de salariés) assurant des services socialement indispensables. Il est prioritaire de leur permettre de survivre à la crise et d’assurer un revenu à tous les  travailleurs.

Contrôler l’économie, c’est contrôler la circulation des capitaux. Cela implique l’expropriation des banques privées, leur regroupement dans un monopole public bancaire et de crédit, sous le contrôle de la population. C’est une mesure indispensable pour en finir avec la fuite en avant vers un endettement sans fin, en annulant les dettes en cours, en mettant en place un service de crédit bon marché pour les petits producteurs, fermiers, artisans, petits commerçants. Accompagné de la fermeture des bourses et autres marchés financiers, c’est le seul moyen qui permette d’orienter les investissements, sous le contrôle d’une planification démocratique, vers les productions indispensables à la satisfaction des besoins sociaux.

Daniel Minvielle

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