Après avoir fait mine de tergiverser et d’attaquer à travers ce qu’il appelait « tous les séparatismes », les « suprémacistes blancs » ou l’intégrisme catholique, Macron a désigné vendredi dernier comme seule cible de la loi qu’il prévoit de présenter en conseil des ministres le 9 décembre prochain, jour du 115è anniversaire de la loi sur la laïcité de 1905, « l’islamisme radical ».

« Qu’est-ce qui aujourd’hui, dans notre société, met en danger notre République, notre capacité à vivre ensemble », a-t-il feint de s’interroger, « c'est le séparatisme islamiste ». En désignant un ennemi intérieur, l’islamisme radical, il cherche à retourner contre nous le produit de sa propre politique, du chaos et des ravages causés à travers le monde par l’intervention des grandes puissances, dont la France, le désespoir et la haine aussi sécrétés par la pauvreté, le chômage, le mépris et le racisme. Bien conscient qu’il stigmatise ainsi les musulmans ou tous ceux prétendus tels, Macron se met dans la peau de Le Pen, occupe son terrain dans la continuité du racisme anti-arabe repeint pour l’occasion aux couleurs hypocrites de la laïcité et des valeurs de la République… la continuité de la République coloniale bénie par la papauté. 

Un poison raciste et xénophobe distillé par le pouvoir

Ce discours de Macron fait suite à une longue série d’initiatives et de propos réactionnaires dont le séminaire du gouvernement le 9 septembre consacré à la « lutte contre l’insécurité » donnait le coup d’envoi suivi par les déclarations dans Le Parisien de Darmanin et Schiappa, à l’unisson pour promettre de traquer les dealers dans les cités et « mettre du bleu dans la rue ».

La campagne s’est déchaînée après l’aveugle et folle attaque au hachoir devant les anciens locaux de Charlie le 25 septembre. Et cela en plein procès des tueries de Charlie Hebdo et de l’Hypercacher au cours duquel on apprend qu’un des terroristes, Coulibaly, a été approvisionné en armes par un… indic de la police faisant partie de l’extrême droite identitaire. A d’abord été accusé un jeune Algérien qui venait... aider les victimes. L’assaillant est un jeune migrant, Pakistanais, qui a agi semble-t-il de manière isolée. L’attentat a donné lieu à un morceau de bravoure guerrière du Premier ministre Castex, accompagné à cette occasion par le préfet de Paris Lallement. « Vous ne gagnerez pas », a-t-il fait savoir aux « ennemis de la République », le mythe construit avec l’aide complaisante des médias.

Le dimanche suivant, le 27 septembre, le journal Le Parisien offrait sa une et deux pages d’interview intitulé « L’islamisme est l’ennemi de ce début de siècle » à Valls qui félicite aujourd’hui Macron après son discours pour avoir « clairement désigné » l’« ennemi […] l'islam radical ». Et deux jours plus tard, nouvelle une et nouveau dossier dans le même journal, cette fois, intitulé « DÉLINQUANCE Ces réseaux qui exploitent les MINEURS ÉTRANGERS. Les autorités sont confrontées à l’explosion des délits commis par des jeunes venus, pour la plupart, du Maroc ».

Le 30 septembre, Zeymour sur Cnews lâchait à propos des mineurs étrangers isolés : [Ce] « sont tous des voleurs, ils sont tous des assassins, ils sont tous des violeurs, c'est tout ce qu'ils sont. Il faut les renvoyer, il ne faut même pas qu'ils viennent ». Une provocation ouvertement raciste violente, d’autant plus décomplexée que le terrain était préparé par les propos de politiciens et des articles de presse dits respectables.

Et c’est sans parler de l’ignoble caricature dépeignant la députée Danièle Obono en esclave dans Valeurs Actuelles, un journal d’extrême droite à qui Macron avait donné une longue interview en octobre dernier ou de la ridicule sortie de députés LR et LREM parce que la militante de l’UNEF auditionnée lors d’une commission à l’Assemblée y était venue voilée. Ainsi, Macron fait de lui même le défenseur de la République en résonance avec Marine Le Pen, tous deux champions de leurs racines chrétiennes et d’une laïcité bien particulière qui dispense généreusement des fonds aux écoles privées et aux curés...

Face au camp réactionnaire qui se rassemble contre les travailleurs...

C’est évidemment tout à fait consciemment que Macron a centré son discours sur le seul « islamisme radical », construisant de toute pièce le mythe d’une menace au sein de la société française d’une contre société tentaculaire, une façon de reprendre l’idée du « grand remplacement » du Rassemblement national. Macron ne prépare pas le terrain à Le Pen, il fait du Le Pen, il occupe son terrain pour rassembler derrière lui toutes les forces réactionnaires et de la peur !

Le fond de l’affaire n’est pas une simple question de démagogie électorale mais bien la volonté de rassembler, face à la débâcle en cours, les forces réactionnaires pour faire face aux soulèvements populaires auxquels ils se préparent. Il y a, de fait, un bloc LREM, LR et RN dont Macron veut prendre la direction contre Marine Le Pen incapable d’accéder au pouvoir. Il veut s’imposer comme chef de ce bloc réactionnaire autour de la défense des privilèges de la bourgeoise grande et moyenne contre les classes populaires.

...Toutes et tous ensemble contre le vrai séparatisme, celui des privilégiés du CAC40

Cette histoire de « séparatisme » tient du délire complotiste qui grossit des faits marginaux pour tenter d’effrayer et de diviser la population, jouer des peurs, pour justifier l’augmentation des forces de police et des mesures répressives, soumettre les élus locaux et les fonctionnaires à l’autorité des préfets. Le doigt sur la couture du pantalon !

Dans les cités ouvrières, dans les quartiers populaires, sur les lieux de travail et d’étude il n’y a pas de territoires séparés en fonction de la religion des uns ou des autres. Il y a une même vie difficile, le chômage, les petits boulots,  la misère, les taudis, une lutte de tous les instants pour savoir comment s’en sortir le lendemain.

Le séparatisme, oui il existe bel et bien, c’est celui des richissimes habitants des quartiers chics, leur mode de vie, eux qui peuvent dépenser un mois d’un salaire moyen en une seule journée, qui vivent de l'exploitation du travail des autres, qui soustraient de l’argent aux impôts en toute légalité, qui cumulent les privilèges, l’impunité, l’irresponsabilité par rapport au reste de la société. Le séparatisme du CAC40 et des classes possédantes.

Les forces réactionnaires religieuses, catholiques ou islamistes ne peuvent être repoussées que par les forces démocratiques et progressistes, celles du monde du travail, des femmes et de la jeunesse.

Nous toutes et tous, qui ne pouvons vivre que de notre travail, nous avons les mêmes intérêts, quelles que soient notre origine, notre religion ou absence de religion et avons un même ennemi, cette caste des parasites de notre travail, les capitalistes et leurs chargés d’exécution du gouvernement.

Galia Trépère

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