Mercredi dernier, à l’issue d’un conseil de défense et de sécurité nationale, le ministre de la Santé, Olivier Véran a annoncé une avalanche de restrictions et d’interdictions allant jusqu’à la fermeture complète dans les Bouches du Rhône et en Guadeloupe des bars et des restaurants. Ces mesures dont l’incohérence et l’absurdité n’échappent à personne quand les salariés doivent se rendre à leur travail quoi qu’il en coûte, quand les classes et les amphis sont surchargés et les transports bondés, suscitent un mécontentement légitime même s’il offre un terrain à tous les démagogues populistes.

L’incohérence d’une politique de classe

Macron et le gouvernement, affaiblis par des déboires en série à LREM, perdent pied face à l’augmentation des contaminations. Ils craignent une accélération de l’épidémie avec les mêmes conséquences catastrophiques qu’au printemps dernier. Incapables d’avoir une réelle politique sanitaire, ils confinent par petits bouts par peur d’être dans l’obligation de confiner à nouveau. Ils veulent montrer qu’ils agissent mais sont en fait impuissants si ce n’est pour cultiver les peurs et anxiétés. Leur politique n’est qu’injonction méprisante et bluff, comme lorsqu’ils ont annoncé triomphalement qu’un million de tests par semaine seraient effectués alors que sur le terrain, c’est la pagaille, l’engorgement des centres de dépistage sans les moyens d’en avoir les résultats assez rapidement pour qu’ils aient la moindre efficacité. Cette incurie obéit à une logique sociale, leur refus de remettre un tant soit peu en cause la médecine libérale pour coordonner une politique de santé et leur seule réelle préoccupation, servir avant tout les intérêts des multinationales qui mettent l’économie et la société en coupe réglée.

L’argent coule à flots pour renflouer les grands groupes capitalistes et les grandes fortunes, alimenter les spéculations pour éviter l’effondrement de la Bourse. Il manque quand il s’agit des services publics, des besoins élémentaires de la population. Des médecins le rappellent, l’épidémie a causé 1438 morts le 14 avril et 30 le 9 septembre. Mais avec 995 malades en réanimation mercredi, c’est un cinquième des lits de réa disponibles qui sont occupés. Dit autrement, il n’y a pas un seul lit de plus qu’au début de l’épidémie car aucun moyen supplémentaire n’a été mis dans les hôpitaux, pas une embauche en particulier alors que les personnels réclament depuis plus d’un an 120 000 créations de postes et le matériel le plus rudimentaire comme gants et surblouses manque encore de manière criante sans parler bien sûr des respirateurs. Et des hôpitaux destinés à la fermeture qui avaient ouvert des dizaines de lits voire des centaines au printemps ne pourront plus le faire. Le gouvernement est bien placé pour craindre une saturation des moyens hospitaliers, il n’a rien fait pour y remédier, mieux il a continué son travail de destruction de l’hôpital public.

Pour lutter efficacement contre l’épidémie, il faudrait une politique globale de santé incluant dans un vaste service public tous les établissements de soins, d’analyses, la médecine libérale ainsi que l’industrie pharmaceutique. Mais organiser réellement, coordonner les différents acteurs du système de soins supposerait exercer une contrainte sur les dirigeants et actionnaires des établissements privés, sur les médecins et les chirurgiens libéraux, et il n’en est pas question pour le gouvernement. Incapable de ce fait d’avoir une politique démocratique qui fasse appel à la population, à ses initiatives, à son sens des responsabilités et suscite la confiance, il n’a pas d’autre politique que des mesures de police intimidant, réprimant et infantilisant toute la population.

La police à tout-va, expression de la faillite du gouvernement et des classes dirigeantes

La même logique est à l’œuvre dans tous les domaines. Le chômage, la précarité et la misère explosent, la violence sociale exacerbe les tensions, nourrit la délinquance, les trafics en tous genres. « L’ insécurité », thème favori de la démagogie du pouvoir, de la droite et de l’extrême droite, c’est d’abord et avant tout l’insécurité sociale dont sont responsables les classes dirigeantes. Le gouvernement, dans la continuité de tous les gouvernements précédents et comme les gouvernements du reste du monde, réduit les dépenses de l’État utiles à la population pour augmenter celles, dites « productives », destinées à favoriser les investissements des capitalistes, donc à baisser le « coût du travail », leurs impôts, leurs cotisations sociales. Il taille dans les budgets des services publics et de la protection sociale, réduit le nombre par élève d’enseignants et d’adultes dans les établissements scolaires, le nombre des éducateurs dans les quartiers, d’animateurs sportifs et il augmente les effectifs de police qui mettront « du bleu » dans les cités, comme l’a annoncé Darmanin, et traqueront les petits trafiquants mais ne pourront atteindre les patrons des réseaux de la drogue et de la prostitution et leurs soutiens occultes et haut-placés. Une enquête internationale n’a-t-elle pas confirmé récemment que de grandes banques étaient impliquées dans le blanchiment d’argent sale ?

Incapable d’apporter des solutions de fond à l’aggravation des drames de la société puisqu’il en est responsable en tant que serviteur tout dévoué des intérêts des classes possédantes, le pouvoir ne sait qu’user de la répression contre celles et ceux qui expriment leur mécontentement, leur opposition, il légitime les violences policières contre les manifestants et les sanctions contre les salariés récalcitrants y compris maintenant dans la fonction publique, l’Education, l’Inspection du travail comme c’était déjà le cas à La Poste, à la RATP ou à la SNCF et depuis toujours dans la plupart des entreprises privées.

Licenciements en cascades, le capitalisme à nu

Leur système, les annonces de plans de licenciements dans quelques-unes des plus grosses entreprises du pays comme Air France, Airbus, Renault, Nokia, Sanofi, Auchan, Total, et tout dernièrement Bridgestone à Béthune, en montrent le vrai visage. D’autant qu’ils ont été annoncés en même temps ou peu de temps après les plans d’urgence et de « relance » qui offrent des dizaines de milliards à ces mêmes groupes (pour payer le chômage partiel de leurs salariés, geler ou parfois annuler leurs cotisations sociales, baisser leurs impôts de production). Ces subventions de l’État qui s’ajoutent à celles déjà existantes comme les exonérations qui ont pris le relais du CICE (Crédit impôt compétitivité) ou le CIR (crédit impôt recherche) vont alimenter les marchés financiers et la spéculation en Bourse, le chemin le plus court vers un prochain krach financier.

La réalité du système, c’est le fait qu’une minorité richissime qui a accaparé tous les moyens de produire les richesses (147 multinationales dans le monde contrôlent toute l’économie) n’investit dans l’industrie ou les services qu’à condition d’en retirer suffisamment de profits grâce à l’exploitation des salariés. Pour le constructeur japonais Bridgestone, les salariés de l’usine de Béthune coûtent trop cher. Il décide la fermeture de l’usine, le renvoi de ses 863 salariés alors qu’il investit dans des unités de production en Pologne et en Estonie. Le gouvernement, Xavier Bertrand, le député LR Bellamy, le Rassemblement national s’en indignent, les uns d’accuser l’Union européenne, les autres la lourdeur des « impôts de production », et le gouvernement de promettre de tout faire pour sauver les emplois en créant des conditions attrayantes pour garantir la meilleure extorsion de profit possible à Bridgestone ou à un éventuel repreneur. En aucun cas les uns comme les autres, au pouvoir ou aspirant à y retourner ou à y parvenir, ne songent à s’attaquer à des groupes capitalistes, quels qu’ils soient. Leur agitation ne sert qu’à essayer de lanterner les salariés, récupérer en le dévoyant leur mécontentement, tenter de les anesthésier. Tous craignent une explosion sociale, ils craignent une révolte des travailleurs bien plus que les travailleurs eux-mêmes ne la croient possible et ils ont bien raison. Aujourd’hui, la pandémie et les inquiétudes sidèrent encore les consciences, mais tôt ou tard, le voile se déchire, la lucidité revient, les évolutions de conscience s’accélèrent, la poudre explosive de la révolte sociale libère brutalement son énergie contenue...

Répondre à la crise sanitaire et à la débâcle économique, rompre avec la logique du profit

Usines Renault au printemps dernier, Airbus, Nokia, Bridgestone, à chaque annonce des plans de licenciements, les travailleurs ont exprimé leur écœurement, leur révolte, manifesté leur colère, dans la rue, parfois en faisant grève.

Le plus souvent, les organisations syndicales qui combattent les licenciements, comme aussi la gauche institutionnelle, entreprennent de démontrer que l’entreprise est viable, rentable, que leurs patrons devraient la garder ou d’autres la reprendre. C’est une politique illusoire. Grâce à leur lutte les salariés peuvent certes retarder la fermeture ou les licenciements, parfois obtenir un repreneur, alléché par les subventions promises, mais quelques mois plus tard, il y a de nouveaux plans sociaux jusqu’à la fermeture. Argumenter sur la viabilité d’une entreprise spécifique, en outre, laisse ses travailleurs isolés des autres travailleurs, condamnés à se battre entreprise par entreprise, parfois dans le même groupe industriel, alors que leurs intérêts sont communs.

Quant aux demandes de relocalisation ou de réindustrialisation française, on en saisit vite toute l’absurdité : la « relocalisation » pour Bridgestone c’est le retour au Japon, en Finlande pour Nokia, aux USA pour Ford, etc. Relocaliser des usines du textile ou de l’automobile, c’est mettre au chômage des millions de salariés un peu partout dans le monde.

Un programme de défense des emplois, des salaires, ne peut être qu’un programme de rupture avec la logique du profit. Les travailleurs n’ont rien à attendre ni de leurs patrons actuels ou repreneurs ni du gouvernement ou des pouvoirs publics qui les arrosent de subventions sans même faire respecter les conditions de reprise quand ils en ont mis ni de politiciens à la recherche de postes dans les futures élections.

Tout le monde doit pouvoir avoir un travail, correctement payé et il y a suffisamment de richesses dans la société pour le permettre. La solution est simple : interdire les licenciements, partager le travail entre tous sans diminution de salaire, financer les emplois en prenant sur les profits, les dividendes accumulés, les fortunes des gros actionnaires.

L’économie doit tourner pour les besoins de la population et non pour les profits des gros actionnaires, ce sont les salariés eux-mêmes qui font déjà tourner toute la société et ils n’ont besoin que de s’organiser pour prendre le contrôle de l’économie.

Par ce programme, qui part de l’idée que tous les travailleurs ont les mêmes intérêts face aux capitalistes, il est possible de tisser des liens entre les travailleurs des entreprises du même groupe en France et à l’étranger et avec ceux de groupes capitalistes différents.

Un emploi, un salaire décent, un logement confortable, une alimentation saine, la possibilité de se soigner, de se former, de se cultiver, voilà les besoins élémentaires que les classes possédantes aujourd’hui sont incapables de satisfaire et qui seraient accessibles à toutes et tous si tant de richesses n’étaient pas accaparées par une infime minorité de la population parasitaire.

Le capitalisme montre sa faillite, l’avenir appartient à la jeunesse et au monde du travail.

Galia Trépère

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