En cette rentrée, la pandémie du covid-19, aggravée par la logique du profit et de la concurrence, continue de dominer la situation reléguant, dans les esprits, au second plan ses conséquences économiques et sociales en lien avec la faillite en cours du capitalisme. Elle engendre une exacerbation des tensions sociales, l’accentuation de l’offensive des classes possédantes et de leurs États contre les exploités comme, en retour, une explosion à travers le monde du mécontentement et des mouvements de révolte. Ici, même si les classes dominantes, Macron parviennent à contenir la situation, le mécontentement, les colères sont profonds bien que encore dominés par la pandémie, l'inquiétude économique et surtout par l'absence de perspectives.

De façon générale, le décalage entre cette situation et le niveau de conscience et d’organisation des classes exploitées est flagrant. Il s’exprime par le décalage entre la colère accumulée et les limites du mouvement des gilets jaunes le 12 septembre, par l’impuissance de la gauche syndicale prisonnière du dialogue social, tout autant institutionnalisée que la gauche parlementaire et la faiblesse annoncée du 17 septembre. La veille du 17, dans le cadre des Fêtes de l'Huma, Martinez dialoguait avec le patron du Medef !

Face à ce manque de perspectives, il y a un besoin impérieux de construire la convergence et la cohérence politique de tous les mécontentements, de toutes les colères et révoltes, de toutes les mobilisations, de toutes les luttes. C’est une tâche politique qui a besoin d’un outil, d’un programme pour le monde du travail qui serait largement discuté entre les différents courants révolutionnaires comme avec les militant.e.s des luttes, des interpros et avec l’ensemble des travailleurs. Il s’agit de formuler une appréciation de la nouvelle époque et des implications stratégiques, programmatiques qui en découlent à partir des mobilisations concrètes.

Ce travail devra surmonter bien des embûches au regard des divisions et de la dépolitisation ambiante, mais il est d’autant plus indispensable de l’engager. En effet, les mouvements qui depuis 2011 contestent et secouent le capitalisme, leurs limites et difficultés attestent qu'aujourd'hui la crise de l'humanité c’est d’abord et avant tout la crise du projet révolutionnaire, du socialisme et du communisme, la crise programmatique du mouvement ouvrier en réponse à l’impasse du capitalisme. Le mouvement anticapitaliste et révolutionnaire dans son ensemble serait incapable de répondre aux besoins du moment s'il ne surmontait pas cette crise, au demeurant, sa propre crise, source de ses divisions et paralysies.

Prendre la mesure de l’ampleur, du caractère inédit, historique de la faillite en cours

La pandémie a été le révélateur de l’incurie des classes dominantes face à la crise sanitaire du fait de la politique qu’elles mènent depuis plusieurs décennies qui sacrifie les services publics, en premier lieu celui de la santé, à la course à la rentabilité financière et à la compétitivité. Elle a été aussi le déclencheur et l’accélérateur d’une débâcle économique jusqu’alors latente et annoncée dont personne n’est encore en mesure d’anticiper l’ampleur ni les ravages.

La pandémie est elle-même le produit des bouleversements des rapports entre la société humaine et la nature engendrés par la mondialisation économique. Elle participe de la crise écologique à laquelle l’humanité est confrontée.

Un temps, elle a pu servir aux politiciens à tenter de masquer les véritables mécanismes de la débâcle et leur propre responsabilité mais le déroulement du déconfinement comme la politique des États et des banques centrales, les plans de relance, visant à sauvegarder le capital contre les populations désignent les responsabilités.

Le caractère pourrissant, la décomposition du capitalisme mondialisé, le parasitisme de la finance, la mondialisation armée dont Trump est l’expression la plus achevée se révèlent à la face du monde. La propriété privée permet à une infime minorité d'accaparer des richesses toujours plus considérables, les besoins sociaux et démocratiques les plus élémentaires se heurtent aux exigences de la rentabilité, de la baisse du coût du travail, à la dictature des marchés.

Il s’agit non seulement de refuser de payer les frais de leur crise mais de mettre en place, d’imposer les mesures sociales, la réorganisation de l’économie capables de répondre à la catastrophe en cours. Dans les consciences, l'idée que l'on ne peut compter que sur les moyens de la lutte des classes pour imposer nos besoins fondamentaux face à l'aristocratie financière fait son chemin.

Comprendre le passé pour penser l’avenir

Le poids du passé, des échecs, des reniements et trahisons pèse lourd sur les consciences non seulement de militants mais du monde du travail et de la jeunesse. La contre-révolution stalinienne a permis à des régimes nationalistes dictatoriaux de soumettre les masses au nom de l’anti-impérialisme et du communisme qui prennent aujourd’hui le visage de Xi Jinping et Kim Jong Un alors qu’ici les vieux partis issus du mouvement ouvrier sont un champ de ruines après s’être intégrés aux institutions bourgeoises.

La perspective de la transformation révolutionnaire de la société gagnera de l’influence si elle est capable et d’expliquer les échecs passés et de démontrer que ce que Trotsky appelait « les prémisses objectives de la révolution socialiste » ont atteint un degré de maturité qui rend à nouveau possible ce qui a échoué hier.

Notre programme n’est pas une idéologie idéaliste fondée sur la seule conscience et la seule volonté ou le rôle mythique d’un parti révolutionnaire ou de minorités d’avant-garde. Il prend appui sur les réalités des évolutions objectives, des conditions historiques, économiques et sociales, les rapports de force. Il formule en perspective politique l’issue, le dépassement des contradictions à l’œuvre dans la société capitaliste, au premier rang d’entre elles la contradiction entre la socialisation, la mondialisation croissantes de l’économie et des échanges et la propriété privée capitaliste financière.

Ces contradictions sont exacerbées alors qu’une classe ouvrière internationale puissante a émergé.

Ainsi, discuter des perspectives ouvertes par la nouvelle époque, c'est s'ouvrir à une nouvelle génération, à la jeunesse pleinement engagée dans son temps qui émerge ici depuis 2016 ou à travers le monde depuis 2011. Plutôt que de faire peser sur sa conscience le poids des échecs du passé, nous devons l’aider à prendre conscience des possibilités nouvelles, de ses propres possibilités et capacités, l’aider à penser son propre avenir. Alors que la période de la vieille génération soixante-huitarde a cédé la place à une nouvelle période, l’avenir dépend de la nouvelle génération qui s’est formée dans un contexte radicalement différent. L’aider à prendre les affaires en main, c’est avec elle imaginer la suite, les jours d’après, l’avenir.

Pas de réponse sans l’intervention directe des travailleurs et de la population

Contrairement à une compréhension que l’on rencontre parfois, la démarche transitoire ne consiste pas à faire le pont entre réforme et révolution. Dans cette logique, toute victoire partielle permettant des réformes qui améliorent les droits et conditions d’existence et de travail serait un pas qui préparerait la possibilité révolutionnaire. Une telle compréhension retourne aux conceptions social-démocrates, programme minimum et programme maximum, la lutte pour les réformes aujourd’hui et la révolution, un jour peut-être...

La démarche transitoire construit le pont entre les besoins, les revendications et les luttes quotidiennes et la lutte révolutionnaire pour le pouvoir. Elle s’appuie non pas sur des revendications ou des propositions que pourrait appliquer d'en haut on ne sait quel gouvernement, fût-il animé des meilleures intentions, mais bien sur un programme pour les luttes qui, partant des exigences répondant aux besoins fondamentaux de la population, s'attaque à la propriété privée et pose le problème d'un pouvoir au service des intérêts de la collectivité, d'un gouvernement des travailleurs, des salariés, des chômeurs, des jeunes.

Les revendications du plan d'urgence ne sont pas plaquées de façon artificielle et incantatoire. Elles partent des besoins élémentaires de la population, « du travail et une existence digne pour tous », selon les mots du Programme de transition. Ce sont en particulier l'interdiction des licenciements, la répartition du travail entre tous et l'augmentation générale des salaires, exigences qui impliquent de s'attaquer aux profits des multinationales et aux dividendes des actionnaires, le contrôle des salariés et de la population sur les prix. La répartition du travail entre toutes les mains ouvrières implique que les salariés ayant un emploi établissent une liaison étroite avec les chômeurs, pour en exiger et imposer l'embauche dans leurs entreprises. Elle pose, en conséquence, la question du contrôle de la marche des entreprises, que celles-ci soient publiques ou privées.

Toutes ces revendications ont en commun qu'elles nécessitent de s'en prendre à la propriété privée. Plus que les revendications elles-mêmes, l’essentiel est comment elles sont articulées avec la mobilisation et l’organisation des travailleurs, leur contrôle sur l'économie, l'expropriation des gros actionnaires, et la question du pouvoir, d'un gouvernement des travailleurs issu des mobilisations, sous le contrôle des travailleurs organisés.

Cette démarche a été illustrée quand, lors de la phase aiguë de l'épidémie, le personnel hospitalier a assuré lui-même la marche des services pour suppléer à la carence des directions. Cela peut commencer en s'organisant collectivement sur les lieux de travail pour que les salariés assurent leur propre sécurité sanitaire, décident eux-mêmes de leurs conditions de travail pour pouvoir conjuguer travail et port du masque ou protocole sanitaire.

Le contrôle de la population sur l'économie n'est pas le résultat de « nouveaux droits » attribués d'en haut. Au contraire, c'est par leur mobilisation, leur organisation sous la forme de comités ou d'assemblées élus sur les lieux de travail, d'habitation que les travailleurs peuvent se préparer à exercer un contrôle sur l'économie en intervenant dans l'organisation du travail ou la direction de leur mobilisation.

La question de la démocratie, du contrôle au pouvoir des travailleurs

La gauche parlementaire et syndicale pose sans complexe la question du pouvoir, sur le terrain institutionnel. De LFI à EELV, dans le collectif « Plus jamais ça » dont font partie, entre autres la CGT, Solidaires ou Attac, se discutent les possibles « recompositions » à gauche dans l’objectif de 2022.

Cela souligne l’urgence de formuler une politique clairement indépendante de cette gauche sociale et politique, « radicale » ou non, et de rompre avec les ambiguïtés cultivées par la majorité de direction du NPA.

La recherche permanente « d’unité » avec cette gauche désarme les travailleurs et les militants. Elle exprime le manque de confiance dans nos idées, dans notre camp social et dans ses capacités d’initiative, de postuler à la direction de la société.

Au contraire, il nous faut porter la révolte, les colères, la soif de justice sociale, de dignité, de démocratie de toutes celles et ceux qui sont écœurés par les politiques institutionnelles. Il faut aider cette révolte en l’armant d’une conscience de classe alors que les réactionnaires sont à l’offensive, tentant de dévoyer la révolte et la défiance vis-à-vis de la gauche faillie.

Oui, il faut œuvrer au rassemblement, celui des militants des luttes, travailleurs et travailleuses, jeunes, précaires, sur des bases d’indépendance de classe, en rupture avec les politiques institutionnelles.

Tout ce qui se discute dans le mouvement ouvrier pose la question de la démocratie et du contrôle par les travailleurs de la production et des échanges : comment les travailleurs, les classes populaires peuvent disputer et arracher le pouvoir à l’oligarchie financière et comment l’exercer, quelle démocratie ouvrière, populaire, révolutionnaire ?

La nécessité que les opprimé.e.s prennent eux-mêmes et elles-mêmes leurs « affaires en main » s’exprime dans les mobilisations du monde entier… Celles pour le climat, contre le racisme et la répression d’État, contre les oppressions et violences sexuelles sont autant de manifestations d’un profond mouvement de contestation de la domination capitaliste.

La catastrophe écologique en cours, dont la pandémie est une des manifestations, rend encore plus impérieux le besoin d’apporter une réponse globale à la débâcle d’un capitalisme à bout de souffle ayant atteint ses limites historiques. Il ne peut y avoir de réponse sans une réorganisation de la production et des échanges, des choix qui rompent avec les impératifs de croissance pour les profits pour être orientés vers la seule satisfaction des besoins de la population dans le respect de l’environnement.

Tout concourt à développer la prise de conscience que les questions tant sociales qu’écologiques ou économiques ont une réponse globale, c’est-à-dire politique qui pose la question du pouvoir.

L’étouffement de toute vie réellement démocratique qui accompagne l’offensive des classes dominantes contribue à cette prise de conscience comme en témoigne le mouvement international contre les violences policières et le racisme provoqué par l’assassinat de George Floyd. Ce mouvement exprime et amplifie une prise de conscience sur le rôle de l’État et de sa police dans le capitalisme dit libéral comme complément indispensable au désordre social engendré par la libre concurrence et la course au profit.

De même, la question du racisme est indissociable de la question du nationalisme et de la xénophobie qui en constitue l’incontournable corollaire.

La lutte contre les violences policières et le racisme est nécessairement une lutte contre les inégalités et les injustices, une lutte contre l’oppression et les discriminations inhérentes à la société capitaliste, à la société de classe et, dans le même temps, elle donne à la lutte contre le capitalisme sa dimension démocratique essentielle et trop souvent négligée.

Alors que tous les partis institutionnels se rangent, avec plus ou moins de nuance, derrière la politique sécuritaire de Darmanin, enfant de Sarkozy et jumeau de Macron, le mouvement ouvrier doit être en rupture complète avec cette politique qui vise non seulement à faire taire mais à diviser les classes opprimées pour défendre l’ordre établi.

L’intervention directe des travailleurs pour imposer les mesures afin d’empêcher la catastrophe en cours participe du combat pour la démocratie et la dignité, contre les discriminations. La lutte des femmes pour l’égalité et leurs droits en est une composante motrice déterminante.

Elle débouche sur la formation de pouvoirs locaux pour imposer le contrôle, qui ne peut être garanti, institutionnalisé que si la classe des travailleurs conquiert le pouvoir pour engager le processus de révolution de la société vers le socialisme et le communisme. Ce processus ne saurait se limiter au cadre hexagonal, il se déroule au niveau européen et international. Il ne connaît pas de frontières.

Une démarche pour élaborer collectivement, créer une dynamique démocratique sans préalable

L’état de morcellement dans lequel se trouve aujourd’hui le NPA résulte du développement d’une divergence de fond que la majorité a toujours refusé de clarifier : construire un parti large qui entraîne, sous couvert d’unité, la recherche constante d’alliances avec la gauche radicale ou développer une politique de construction d’un parti anticapitaliste et révolutionnaire indépendant de cette gauche sans pour autant refuser les alliances dans le cadre des luttes et mobilisations.

Et c’est bien cette discussion qu’il nous faut mener, qui sera au cœur du prochain congrès, une discussion en prise avec la réalité de l’évolution sociale et politique hors des proclamations ou auto-proclamations.

Nous avons, lors du CPN de juillet, en réponse aux velléités de rupture, proposé une motion définissant une démarche pour trouver une issue en prenant à bras le corps les responsabilités et les tâches qui nous incombent. Il s’agissait, sans nier les désaccords ou divergences, d’ouvrir une discussion pour élaborer ce qui, aujourd’hui, nous est commun, ce qui nous réunit dans le même parti, un document programmatique pour faire face à la période, à nos tâches.

Cette proposition n’a pas eu le début d’une application, ignorée jusque-là par ceux-là même qui l’avaient votée. Un premier travail d’élaboration sur les urgences de la rentrée pourrait être certes une première étape, instrument d’une large campagne politique, mais il dépend des différentes fractions, en particulier de la plus importante, de faire leur choix politique pour que le NPA puisse surmonter sa crise et franchir une nouvelle étape.

Réussir dans l'entreprise présuppose une révolution culturelle au sein du NPA, une prise de conscience collective qu'il est urgent de se libérer de la logique fractionnelle, de l'état d'esprit dont elle se nourrit et qu'elle entretient.

Les divergences qui existent entre nous sont des discussions sur la façon de mettre en œuvre notre projet commun, elles sont des discussions entre révolutionnaires et devraient participer d’une démocratie révolutionnaire.

L’immense mérite du NPA, sa légitimité est d’avoir tenté de rompre avec cette logique, quelle que soit la confusion qui y a prévalu.

Cet acquis prend un sens décisif aujourd’hui où s’ouvre une période de grande instabilité sociale et politique à l’échelle internationale comme ici, prémisses de mouvements révolutionnaires. Mais le faire vivre, lui donner une nouvelle dynamique implique d’être capable de se dégager du passé pour penser la nouvelle période, définir les bases politiques et stratégiques du parti que nous appelons les travailleurs, la jeunesse à construire pour et par eux-mêmes.

C’est aussi la voie pour sortir des conceptions par trop avant-gardistes du parti « guide éclairé », pour nous donner les moyens d’être les porte-parole de la révolte et des aspirations du monde du travail, de la jeunesse, des femmes, de leurs luttes pour contribuer à leur auto-organisation et à leur prise de conscience qu’ils représentent l’issue à la faillite du capitalisme.

Ne pas se dérober aux responsabilités

Personne ne peut dire ce que seront les prochains mois, les bouleversements à venir, les étapes de la lutte de classe. Mais notre capacité à répondre aux besoins des éléments les plus avancés du mouvement ouvrier, de nourrir les discussions, d’apporter une compréhension des bouleversements en cours, des perspectives, de leur apporter un cadre militant ouvert et démocratique dépend de notre capacité collective à surmonter nos divisions et clivages, à formuler ce qui nous est commun comme le contenu des désaccords. Il dépend de la capacité de chacune et chacun de dépasser les logiques et rivalités de groupes pour s’engager à tous les niveaux dans la construction du parti.

Réunir nos forces, rassembler autour de nos perspectives est la tâche prioritaire de cette rentrée. Le congrès à venir doit être l'occasion de donner un nouvel élan au projet du NPA de rassemblement des anticapitalistes et révolutionnaires.

Le 16-09-2020

Texte collectif de discussion au sein du NPA

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