« Plus de fric, plus de lits, à l'Hôpital public, ça sauve des vies », « Masqués, pas muselés », banderoles, pancartes et chansons sur les réseaux sociaux, aux balcons et aux fenêtres, affiches dans la rue, rassemblements... En ce Premier Mai, journée de lutte internationale des travailleurs, la révolte et le mécontentement, bien que confinés, auront réussi à s’exprimer.

Au point que Macron a cru bon dans un tweet de dire vouloir « retrouver dès que possible les 1er Mai joyeux, chamailleurs parfois, qui font notre Nation ». Comment ne pas voir, derrière cette familiarité condescendante, ce vulgaire mépris de classe de l’ami de Benalla qui cherche à ridiculiser les manifestations ouvrières contre lesquelles il a envoyé sa police, une vaine tentative de discréditer la révolte et les luttes, de conjurer sa peur de l’affrontement qui se prépare.

Samedi, c’étaient Castaner et Véran qui présentaient le projet de loi qui prolonge l’état d’urgence sanitaire et ses attaques contre les droits des salariés jusqu’au 24 juillet. Les ministres de l’Intérieur et de la Santé côte à côte, quel symbole ! On ne pouvait pas mieux illustrer l’action du gouvernement face à la crise, une police sanitaire à défaut d’une politique sanitaire.

Sondage après sondage, la défiance envers le gouvernement grandit. Mardi, Edouard Philippe faisait à l’Assemblée le service après-vente des déclarations de son imprévisible patron tout en essayant de marquer sa différence. C’est au final la politique de leur donneur d’ordres commun, le Medef, qu’il a mise en musique, en égrenant prudemment les conditions et modalités d’une sortie du confinement après le 11 mai. Le lendemain, le ministre de l’Économie, Le Maire, résumait, bousculant la prudence de son Premier ministre, l’essentiel : « Il faut reprendre le travail et il faut que le maximum de Français reprennent le travail ».

L’incurie du gouvernement, sa défense étroite des intérêts capitalistes

Philippe a plaidé l’humilité, voulant donner les apparences d’un gouvernement responsable, soucieux de l’intérêt général. Il a joué les peurs, la menace d’un « écroulement » du « pays » si les salariés ne reprenaient pas le travail d’un côté et d’une reprise de l’épidémie en cas de déconfinement trop brutal de l’autre. Le gouvernement qui a été incapable d’anticiper l’arrivée de l’épidémie faute d’appliquer les mesures budgétaires et réquisitions nécessaires, orchestre une propagande anxiogène visant à tétaniser ceux-là mêmes qui sont victimes des conséquences de son incurie en les culpabilisant. Il ne sait qu’agir en gouvernement autoritaire qui multiplie les déclarations contradictoires et donne ordres et contre-ordres, sanctionne, renvoyant chacun à sa prétendue responsabilité individuelle.

A partir du 11 mai, a dit Philippe, le gouvernement veut « protéger », « tester » et « isoler », ce qui aurait été, il y a deux mois, le début d’une politique sanitaire. Quel bluff ! Le gouvernement ne fera pas mieux qu’il n’a fait parce qu’il est incapable de se donner les moyens de faire produire masques, vêtements de protection, gel et tests, d’en imposer la production aux entreprises, aux laboratoires pharmaceutiques, de réquisitionner. Un nouvel exemple en est l’annonce de la distribution, payante, de millions de masques par les grandes surfaces alors qu’ils manquent encore dans les établissements de soins. La bourgeoisie française est incapable de sacrifier une part minime de ses privilèges pour l’intérêt général.

De nouveaux mensonges pour effacer les anciens...

Et Philippe au passage de tenter de refaire l’histoire. Les déclarations contradictoires sur les masques ou sur les tests ? C’est parce que « la doctrine a changé ». La « doctrine », la science, les scientifiques ont bon dos ! Macron n’a-t-il pas annoncé le 13 avril la réouverture des crèches et des établissements scolaires sans consulter quiconque, pas même le conseil scientifique qu’il avait créé ? Au point que celui-ci a jugé utile de publier son avis du 20 avril dans lequel il préconisait explicitement une rentrée scolaire en septembre. Le gouvernement sait tellement bien que son plan de déconfinement est hasardeux qu’il a décidé à cette étape que la reprise dans les écoles primaires sera au volontariat, celle dans les lycées pas avant le mois de juin, et que seuls rentreront dans les collèges les 6ème et les 5ème à partir du 18 mai.

Mais qu’importe, qu’importe aussi qu’une rentrée aussi partielle ne permette pas aux parents d’être libérés de leurs enfants puisque l’essentiel est de lancer le mouvement, la reprise du travail dans les entreprises parce qu’il faut relancer la machine à profits. Que chacune et chacun se débrouillent ! Rien n’empêchera la récession dont l’organisation capitaliste de la production est responsable, qu’importe, il faut plier les travailleurs à l’exploitation ! Et ce alors même que les conditions de sécurité sanitaire ne sont pas respectées, que le matériel minimum de protection manque et le plus grave, qu’il manque même encore dans les hôpitaux !

Pas de politique sanitaire et sociale sans le contrôle des travailleurs et de la population

Ce sont les salariés eux-mêmes qui sont les mieux placés pour décider quelles sont les conditions indispensables à leur sécurité sur leurs lieux de travail, ce sont eux qui sont en mesure d’imposer leur mise en œuvre aux patrons récalcitrants. Plus largement, ce sont les travailleurs aussi qui assurent le bon fonctionnement de tous les services utiles à la population, alors que les prétendus « premiers » de cordée mènent la société à la catastrophe toujours à la recherche de la rentabilité et de la compétitivité, du profit maximum, à court terme. Alors, oui, l’enjeu de la préparation du 11 mai et après, c’est bien de créer le rapport de forces nécessaire pour imposer le respect des conditions de sécurité sanitaire en usant du droit de retrait ou de grève si besoin. C’est aussi œuvrer à construire la mobilisation nécessaire pour stopper l’offensive du patronat et du gouvernement et imposer des solutions à l’urgence sanitaire et sociale.

Les travailleurs qui font tourner l’ensemble de la société peuvent imposer des mesures d’intérêt général qui répondent aux besoins collectifs parce qu’eux-mêmes n’ont aucun privilège, aucun intérêt lié à l’exploitation de laquelle les classes dirigeantes tirent les profits capitalistes. Rétablir les lits supprimés dans les hôpitaux, embaucher du personnel infirmier en garantissant de meilleurs salaires, augmenter les salaires de toutes celles et ceux qui font tourner hôpitaux, cliniques privées, Ehpad, rien de tout cela n’est impossible. L’argent existe et bien au-delà dans les profits des Sanofi ou des Korian, dans les montants faramineux distribués par l’État depuis des décennies au patronat sous forme d’exemptions de cotisations sociales, de dégrèvement d’impôts et autres cadeaux.

La première urgence avec celle immédiatement liée à la crise sanitaire est de donner les moyens de vivre correctement à une fraction importante de la population qui a perdu tout revenu, victime de la précarité, de l’impossibilité d’aller travailler, des fins de contrats ou de missions d’intérim en utilisant les dizaines de milliards d’euros distribués depuis le début de l’épidémie aux entreprises.  C’est de garantir à toutes et tous un revenu décent.

« Impossible, ce serait la catastrophe », diraient Macron, les patrons et les journalistes à leurs ordres. Eh bien non, c’est ne pas le faire qui entraîne une catastrophe. Seule la mobilisation des travailleurs et de la population pour imposer leur contrôle démocratique sur les comptes de l’État et des grandes entreprises, sur les banques et l’ensemble de l’économie est en mesure de répondre à l’urgence sanitaire et sociale.

Galia Trépère

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