La situation que nous connaissons donne à l’ensemble des questions leur dimension politique, d’autant que les contraintes du confinement limitent les possibilités d’action et obligent à consacrer l’essentiel de nos activités à l’intervention politique et au travail d’explication par le canal des réseaux en réponse à une situation inédite, pour beaucoup angoissante, qui suscite mille et une interrogations.

Le mouvement ouvrier, même confiné, garde, malgré les difficultés, ses moyens d’action d’autant que le rôle indispensable, à strictement parler vital, des travailleur.e.s dans la société s’affirme dans toute son évidence. Le lien entre la défense immédiate de nos conditions de travail et de vie, de notre santé à la veille du 11 mai et la bataille pour conquérir l’opinion, mettre à nu la logique de classe du pouvoir, armer politiquement la fraction le plus militante du mouvement, donner confiance et conscience se construit à travers chaque colère, chaque protestation, chaque action.

Il est beaucoup question de préparer le jour d’après, mais le jour d’après, c’est demain, c’est maintenant. Préparer notre déconfinement politique, ou plutôt refuser maintenant le confinement politique, c’est contribuer à renforcer dans les consciences ce lien entre la défense de notre santé et de nos droits et la contestation politique du pouvoir et de leur société du profit. C’est discuter des moyens pour les travailleurs d’être à l’initiative après le confinement, de s’organiser pour intervenir sur le terrain social et politique, de s’organiser en parti.

La pandémie du covid 19 a brusquement révélé et aggravé les contradictions à l’œuvre à l’échelle internationale d’un capitalisme miné par une crise qui, jusqu’alors latente, explose dans sa globalité sous l’effet de la crise sanitaire. Elle en a accéléré les évolutions.

La presse patronale s’en inquiète comme on pouvait le lire dans un article des Échos intitulé Coronavirus ; le monde au bord d'une explosion sociale majeure : « Troubles sociaux, manifestations violentes, révoltes, voire révolution… Les risques d'effondrement de la société, mis sous le boisseau par les mesures de confinement adoptées dans la majorité des pays du monde, pourraient de nouveau faire irruption dans le paysage. La semaine dernière, à l'occasion des réunions de printemps, virtuelles, du Fonds monétaire international (FMI), l'économiste en chef de l'institution multilatérale, Gita Gopinath, a mis en garde contre les effets de la récession qui se profile : « Si cette crise est mal gérée et que des citoyens estiment que leur gouvernement n'a pas fait assez pour les aider, des troubles sociaux pourraient émerger. […] La perspective de la fin du confinement pourrait bien réveiller le volcan d'une contestation sociale qui couvait avant le déclenchement de la pandémie.[…] A plus ou moins brève échéance, certains s'attendent à des soulèvements et des révolutions ». Et de conclure, « Le compte à rebours a commencé ».

Oui, d’une certaine façon le compte à rebours a commencé, le compte à rebours d’un combat de longue haleine, qui ne fait que commencer. Plus rien ne pourra être comme avant, l’idée se répand, mais le slogan ne dit rien de la suite et on connaît bien la formule « tout changer pour que rien ne change »… La suite, c’est au monde du travail de la construire. Le moment de sidération passé s’ouvre la discussion sur les voies et moyens pour eux de s’organiser pour défendre leur santé, leur droits, exercer leur contrôle, changer le monde.

Ni modèle ni plan tout fait, c’est à travers la mobilisation du monde du travail, salariés en première ligne, bénévoles, lutte contre les productions inutiles, organisation des enseignants pour imposer leurs conditions au déconfinement, mobilisation au sein des quartiers populaires, à travers aussi les structures qui ont continué d’exister comme les interpros, dans nos syndicats et associations, autant de clusters du virus de la contestation révolutionnaire…

Le rôle indispensable de la classe ouvrière, des invisibles, apparaît avec une telle évidence que les politiciens et journalistes bourgeois sont obligés de lui adresser un hommage, un hommage cynique et hypocrite, révoltant, expression aussi de leur peur de parasites révélés, mis à nu, d’imposteurs.

Les deux classes fondamentales, les travailleurs et la minorité qui détient les rênes de l’économie, se retrouvent face à face.

Cette mise à nu intervient dans la continuité des mobilisations depuis 2016, en particulier celle des gilets jaunes, elle souligne le clivage de classes, et prépare le terrain à de nouvelles évolutions, prises de conscience qui portent en elles la perspective et la possibilité d’un parti des travailleurs, expression consciente de ce clivage de classe lui-même porteur de transformations révolutionnaires.

Donner à la solidarité et au dévouement des travailleur.e.s un contenu contestataire et subversif

L’incurie des classes dominantes que révèle à l’échelle internationale en quelques semaines la pandémie, provoque une politisation et conduit des millions de femmes, d’hommes non seulement à se dévouer au bien public mais à s’interroger sur le monde tel qu'il va et tel qu’il devrait aller. A s’interroger aussi sur les moyens d’échapper à la pression des appels à la solidarité nationale, aux pressions politiques et morales du pouvoir et du patronat pour défendre leurs propres droits, santé et conditions de travail. Il n’y a pas d’autre voie pour échapper à la domination politique du capital que faire de la politique, consciemment, en toute lucidité, pour défendre les intérêts de sa classe. Il s’agit bien plus que d’affirmer ses droits de citoyen. Ce langage désuet date d’une autre révolution, la révolution bourgeoise où il s’agissait alors pour la nouvelle classe dominante de conquérir le pouvoir en présentant ses propres intérêts de classe comme universels, intérêts de tous les citoyens. Elle jetait sur les rapports d’exploitation le voile de l’égalité formelle entre les citoyens. Aujourd’hui, c’est un leurre qui vise à enfermer les révoltes populaires dans le cadre des institutions bourgeoises.

Ce qui est à l’ordre du jour, c’est d’en finir avec la domination de la propriété privée capitaliste, c’est-à-dire le droit à s’approprier le travail d’autrui, les richesses produites, l’émancipation des exploité.e.s, des dominé.e.s, de toutes les entraves politiques et sociales imposées par l’ordre bourgeois. Cela signifie conquérir son indépendance vis-à-vis des partis politiques intégrés au parlementarisme et à cet ordre bourgeois, soumis matériellement mais aussi moralement et intellectuellement à cet ordre. Loin de se plier aux intérêts d’appareils qui reproduisent les rapports bourgeois, instruments de domination idéologique et morale au service des classes dominantes, faire de la politique pour les classes opprimées et exploitées, c’est engager la lutte pour sa propre émancipation, secouer le carcan idéologique et moral que les classes dominantes veulent imposer. C’est conquérir et exercer sa propre liberté en contestant les rapports sociaux de domination pour construire d’autres rapports conscients de solidarité, d’entraide, c’est donner à la solidarité, à l’entraide, à la générosité un contenu de classe actif et militant.

Ce parti ne saurait être une simple construction volontariste, par en haut, même si la situation minoritaire des révolutionnaires a pu nous laisser penser l’inverse, il est la forme la plus élevée de l’auto-organisation des travailleurs.

Pour sortir du dialogue social, donner à la lutte syndicale un contenu politique de classe, contestataire

Les travailleurs ont besoin de rompre avec les conceptions bourgeoises qui enferment la politique dans le cadre électoral, parlementaire, institutionnel. Ils ont besoin aussi de se dégager des conceptions syndicalistes qui enferment les luttes dans le cadre de l’hypothétique amélioration de la condition ouvrière au sein de la société capitaliste sans poser la question de la conquête du pouvoir pour la transformer. Par ailleurs, les appareils des confédérations syndicales sont eux-mêmes intégrés aux institutions de l’État de la bourgeoisie.

Bien évidemment, les salariés vendant chacun leur force de travail aux capitalistes ont besoin de s'organiser syndicalement, sur le terrain de l’entreprise. Mais cette lutte syndicale, elle même, ne peut être efficace que si elle est armée d’une compréhension globale des rapports de classes, seule façon de ne pas se laisser enfermer dans le dialogue social qui fait du syndicalisme le complément du parlementarisme qui prétend réformer le capitalisme. Deux aspects d’une même conception réformiste qui dissocie syndicat, défense des intérêts immédiats, et politique, lutte parlementaire pour les réformes.

Rompre avec cette impasse passe par la pratique quotidienne d’une activité syndicale démocratique qui prépare la mise en place au cours des luttes d’autres formes d’organisation permettant la prise en main de leurs affaires par les travailleurs eux-mêmes telles que les assemblées générales et les comités de mobilisation, de grève.

Le lien entre syndicat et politique résulte du lien entre les droits sociaux et les droits démocratiques, la question du pouvoir. A l’heure de la mondialisation, toute revendication débouche sur une remise en cause de la propriété privée, pose la question du statut juridique de l’entreprise, la question des droits démocratiques des salariés, du pouvoir, qui dirige en fonction de quels intérêts.

Cette conscience du lien entre les exigences immédiates sur le plan sanitaire, contre le chômage, et la nécessaire transformation révolutionnaire de la société, cette conscience de classe, socialiste, communiste ne peut surgir spontanément. Elle se construit au cours même de la lutte de classe, de son évolution, de ses acquis, de son histoire pour formuler ses objectifs du point de vue historique et de l’émancipation humaine, des conditions et possibilités objectives du combat.

Puiser nos forces dans l’histoire et l’expérience révolutionnaire du mouvement ouvrier

La perspective de l’organisation des travailleurs dans un mouvement, un parti indépendant de la bourgeoisie et de ses institutions, loin d’être une proclamation hors sol, tire ses racines et ses forces tout autant du passé, de l’activité accumulée des travailleurs que des bouleversements en cours et de l’avenir dont nous voulons être les acteurs.

L’organisation du monde du travail est inhérente au développement même du prolétariat, à son histoire, un besoin organique, elle s’inscrit dans les rythmes du développement de l’ensemble de la société à travers différentes périodes, les hauts et les bas, les avancées et les reculs du mouvement ouvrier.

La classe ouvrière s’est affirmée pour la première fois comme classe révolutionnaire en rompant avec la bourgeoise au cours de la révolution de 1848, la première révolution moderne opposant la classe ouvrière à la bourgeoisie. Puis, en 1871, la Commune de Paris voit la classe ouvrière instaurer le premier gouvernement ouvrier de l’histoire, pouvoir direct et démocratique reposant sur le peuple en armes, dont les représentants étaient élus et révocables, payés au salaire d’un ouvrier.

Une nouvelle étape avait été franchie qui allait, malgré la répression de la semaine sanglante, porter ses fruits dans les décennies à venir.

Le capitalisme de libre concurrence cédait alors la place au développement de l’impérialisme et de la démocratie parlementaire bourgeoise, cadre de la naissance des partis politiques dont ceux de la classe ouvrière, elle-même en pleine expansion. En France, le PS (SFIO, section française de l’Internationale ouvrière) fut fondé en 1905 par l’unification des différentes composantes du mouvement socialiste.

La bourgeoisie sut alors intégrer ces partis dans les institutions parlementaires ou municipales en s’appuyant sur les surprofits qu’elle tirait de l’exploitation des peuples coloniaux.

En réaction à l’opportunisme et au ministérialisme, la participation à un gouvernement bourgeois, se constitue l’anarcho-syndicalisme majoritaire au sein de la CGT et dont la Charte d’Amiens est la base. Ils sont le produit de l’aspiration à l’unité et à l’indépendance de classe.

Refusant de poser le problème de la prise du pouvoir et du renversement de l’État bourgeois, pour l’anarcho-syndicalisme, la lutte de classe et la révolution se dérouleraient exclusivement sur le terrain économique. La grève générale, les travailleurs croisant les bras, suffirait pour bloquer l’économie et l’État s’effondrerait.

De Lénine à Trotsky, une seule lutte de classe politique

Le mouvement ouvrier issu de cette première longue phase de son histoire s’effondra sous les coups de la guerre impérialiste de 14 et de la répression, sous la pression aussi du nationalisme, du chauvinisme. La social-démocratie se soumit à l’État de la bourgeoise en votant les crédits de guerre tant en France qu’en Allemagne. La faillite politique et morale de la social-démocratie trouva sa réponse dans le bolchevisme. Elle entraîna une scission dont naquirent, après la victoire de la révolution russe de 1917, les Partis communistes et la IIIème Internationale.

Jusqu’à la trahison d’août 1914, le parti bolchevique se considérait comme membre de la Deuxième internationale. La crise du mouvement ouvrier brutalement confronté aux conséquences du développement de l’impérialisme révéla la portée universelle de l’expérience et des acquis que représentait le parti bolchevique, d’abord dans sa lutte intransigeante contre la guerre qui donnait au pacifisme un contenu de classe révolutionnaire puis par sa capacité stratégique et tactique à intervenir dans le processus révolutionnaire de 17 pour la conquête du pouvoir par le prolétariat.

A travers les progrès de la social-démocratie, dans les conditions spécifiques de la Russie tsariste, Lénine et ses compagnons avaient, dans la pratique, donné à la théorie révolutionnaire de Marx et Engels un contenu pratique nouveau répondant aux besoins du mouvement ouvrier à l’époque de l’impérialisme.

Ce contenu, libéré des mythes et des caricatures, est d’une grande actualité. Non que le parti bolchevique soit un modèle tout fait mais par la philosophie politique qui l’animait. Cette dernière tranchait le débat social-démocratie/anarchosyndicalisme pour considérer la lutte de classe comme une seule lutte politique sur tous les terrains, social et institutionnel, syndical et politique. Elle se nourrissait de la claire vision et compréhension que Lénine avait du contenu historique de la nouvelle phase du développement du capitalisme, son stade suprême, l’impérialisme, et de ses implications stratégiques. C’est de cette compréhension que découlait sa politique contre la guerre, transformer la guerre impérialiste en guerre révolutionnaire contre sa propre bourgeoisie pour renverser le capitalisme fauteur de guerre.

Après la victoire de la contre-révolution stalinienne, à travers le combat contre la dégénérescence du premier État ouvrier et contre la menace d’une deuxième guerre impérialiste pour le repartage du monde, Trotsky donna, en 1938, une forme plus achevée à la démarche de Lénine avec le Programme de transition. Il y écrit : « La social-démocratie classique, qui développa son action à l'époque où le capitalisme était progressiste, divisait son programme en deux parties indépendantes l'une de l'autre : le programme minimum, qui se limitait à des réformes dans le cadre de la société bourgeoise, et le programme maximum, qui promettait pour un avenir indéterminé le remplacement du capitalisme par le socialisme. Entre le programme minimum et le programme maximum, il n'y avait aucun pont. La social-démocratie n'a pas besoin de ce pont, car de socialisme, elle ne parle que les jours de fête ». Généralisant l’expérience du bolchevisme, Trotsky rompt avec la politique social-démocrate d’adaptation à l’ordre bourgeois en fondant la démarche révolutionnaire du programme de transition qui lie les revendications immédiates du monde du travail à la lutte pour le pouvoir à travers une seule lutte de classe politique.

Cette conception prend aujourd’hui particulièrement de force à l’heure du capitalisme financier mondialisé et de la pandémie : mettre en œuvre une politique sanitaire, répondre à l’urgence sociale, économique passe par le contrôle des travailleurs et de la population et pose la question du pouvoir.

Au-delà de son contenu déterminé historiquement par son époque, celle de l’impérialisme, des colonies, du stalinisme et du fascisme, c’est bien cette formulation de la démarche transitoire qui définit l’unité et la cohérence de la politique révolutionnaire et donne son actualité au Programme de transition. Certes on ne peut plus dire comme l’écrivait Trotsky dans la première phrase du programme :« La situation politique mondiale dans son ensemble se caractérise avant tout par la crise historique de la direction du prolétariat ». La deuxième guerre mondiale a ouvert une longue période historique de recul du mouvement ouvrier après la conquête par les USA du leadership du monde capitaliste à travers la guerre froide et la coexistence pacifique avec la bureaucratie stalinienne avant qu’elle ne s’effondre, puis avec l’intégration au marché mondial des anciens pays coloniaux ayant conquis leur indépendance. Aujourd’hui, la crise de l’humanité ne trouvera d’issue qu’à travers une renaissance du mouvement ouvrier.

La Pandémie révèle et accentue la faillite des classes dominantes, nouvelle période et nouvelles possibilités pour le mouvement ouvrier révolutionnaire

Les partis issus de la période de développement du mouvement ouvrier, le PS et le PC, se sont intégrés, adaptés à l’ordre capitaliste libéral. Malgré la puissante impulsion de 1968, dans le monde et ici, sous la pression de l’irruption révolutionnaire des peuples coloniaux et dominés, le mouvement ouvrier n’a pas pu reprendre l’offensive. De fait marginalisé, prisonnier des conditions objectives et subjectives du recul qui laissait l’initiative à la bourgeoise et au réformisme social-démocrate et stalinien, le mouvement trotskyste a réussi, malgré bien des errements du fait d’une compréhension mécanique de la théorie de la révolution permanente ou de la politique du front unique, à transmettre les acquis politiques de la période d’essor du mouvement ouvrier, à les faire vivre. Cet attachement au passé révolutionnaire prend trop souvent une forme caricaturale par l’usage répétitif de formules toutes faites des années 20 et 30, au risque de les vider de tout contenu révolutionnaire ou de faire du programme de transition un dogme hors du temps. C’est le prix payé à ces longues décennies de recul à travers lesquelles le mouvement trotskyste a cependant préservé l’essentiel des « positions idéologiques » en puisant dans la richesse du passé révolutionnaire ses armes politiques contre les caricatures et crimes du stalinisme. Dépasser ces limites, formuler en positif la critique des limites des différentes composantes du mouvement trotskyste, de ses divisions, passe par un travail collectif pour élaborer une compréhension globale de notre époque du point de vue d’une stratégie révolutionnaire.

L’essor depuis les révolutions arabes de 2011 de nouveaux processus révolutionnaires à travers le monde qui se poursuivent aujourd’hui, éléments de réponse à la faillite globale du capitalisme, en fait une nécessité impérieuse.

La pandémie révèle et accentue la faillite des classes dominantes, nouvelle période et nouvelles possibilités pour le mouvement ouvrier révolutionnaire

La pandémie et la récession, voire la dépression, qui frappent l’ensemble de la planète interviennent comme conséquences de la nouvelle phase de développement du capitalisme financier mondialisé. Elles en accélèrent les évolutions comme elles en aggravent dramatiquement les conséquences mais aussi accélèrent et renforcent les évolutions politiques, les prises de conscience.

Des possibilités inédites s’ouvrent devant nous.

Le capitalisme financier mondialisé, le capitalisme au stade des multinationales, à l’heure des nouvelles technologies, s’est formé à travers l’offensive libérale et impérialiste engagée au début des années 80 visant à lutter contre la baisse du taux de profit par les privatisations, la remise en cause des acquis sociaux. Cette offensive contre les travailleurs et les peuples à travers la mondialisation, la formation d’une économie mondiale intégrée, accentuent les deux contradictions principales du capitalisme : entre la socialisation de la production et des échanges d’un côté et la propriété privée et l’État national, ainsi qu’entre le développement sans limite de la production et les limites du marché à cause d’une consommation limitée par le maintien des masses dans la misère, la surproduction opposée à la suraccumulation de capital.

La crise de 2007-2009 a été un tournant irréversible au sens où les réponses que lui ont apportées les capitalistes et leurs États ont accentué tous les facteurs de crise, le parasitisme de la domination capitaliste. Les années qui ont suivi, aujourd’hui la pandémie et la dépression économique globalisée ont tranché le débat « réforme ou révolution », qu’avait relancé, sous une forme nouvelle, les tenants du « Populisme de gauche », titre d’un livre de Chantal Mouffe qui, avec Ernesto Laclau, avait fait la théorie de cette nouvelle gauche. Elle rompait avec l’idée et la pratique de la lutte de classe au nom d’une prétendue « raison populiste » qui reste impuissante ou prend une forme concrète en s’adaptant à son tour à l’ordre capitaliste. Le drame de la Grèce, la capitulation de Tsipras en sont l'illustration comme la déroute de Podemos aujourd’hui au pouvoir avec le PS.

La dictature du capital ne laisse aucune marge de manœuvre aux États ou aux hommes politiques qui la servent ou qui prétendent la contester tout en restant dans le cadre du système.

A l’opposé de l’impasse de la voie électorale et parlementaire, l’histoire des luttes, des soulèvements, des révolutions qui se sont déroulés ces dix dernières années commencent à tracer le chemin pour changer le monde, la voie démocratique et révolutionnaire.

Préparer la suite, une stratégie révolutionnaire adaptée à la nouvelle époque

C’est un étrange paradoxe politique de voir les différentes composantes de la gauche éclatée multiplier les initiatives à la recherche de leur union perdue et faillie alors que le mouvement révolutionnaire se complaît dans ses divisions, une façon de rester prisonnier du passé. L’ampleur comme le caractère inédit de la crise que traverse l’humanité obligent chacune et chacun à sortir des routines et conservatismes pour répondre aux besoins des luttes, répondre au défi que nous lance la faillite des classes dominantes.

Personne n'a de réponse clé en main sur les voies et moyens pour avancer vers la construction d’un véritable parti de masse. Cela ne peut être qu'un processus qui combine notre intervention quotidienne dans les luttes et mobilisations, une politique de regroupement des forces révolutionnaires et anticapitalistes avec la formulation d'une stratégie pour implanter nos idées au sein du monde du travail, ouvrir une perspective d’ensemble.

Le moment particulier que nous vivons a renforcé les aspirations à la solidarité, au sein du monde du travail et aussi dans les milieux militants. Ces aspirations se retrouvent partout, nous y répondons à travers les mobilisations, par une attitude démocratique dans l’action comme dans la discussion politique ainsi qu’en militant pour l’unité des anticapitalistes et révolutionnaires, projet qui fonde le NPA.

Ce dernier a un rôle décisif à jouer s’il est capable de revenir à la démarche des principes fondateurs pour travailler au rassemblement des anticapitalistes et révolutionnaires, en particulier en direction de Lutte ouvrière, autour d’une stratégie révolutionnaire intégrant les bouleversements accomplis à travers la mondialisation capitaliste, les 10 années qui ont suivi la crise de 2007-2008 et la faillite du capitalisme qui plonge l’humanité dans une dépression mondialisée dont l’ampleur et les conséquences seront sans précédent.

S’il est aussi capable de renouer avec une politique de regroupement international, qu’il avait engagée à ses débuts, qui ne reste pas soumise et limitée à la politique de la majorité de la IV.

Cela suppose aussi que l’ensemble de ses tendances, par delà les divergences, se rassemblent autour d’une stratégie révolutionnaire élaborée ensemble.

Certes, l’émergence d’une nouvelle force politique sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes, des initiatives de chacune et chacun. Mais la réussite du regroupement de plusieurs tendances révolutionnaires dans ce pays, ne manquerait pas d’avoir des conséquences positives sur le mouvement révolutionnaire international dont nous sommes partie intégrante. Déjà aujourd’hui dans d’autres pays s’exprime ce même besoin de regroupement, d’alliance, de convergence. Tout pas en avant serait un encouragement.

Cela ne se décrète pas mais commencer à discuter des conditions pour engager un tel processus serait possible dès maintenant.

Yvan Lemaitre

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