Loin de minimiser ou de relativiser la crise sanitaire du coronavirus à laquelle le monde est confronté et dont l’Europe est devenue, selon l’OMS, l’épicentre, il nous faut bien au contraire en prendre toute la mesure, y compris dans la durée, dans toutes ses dimensions et implications. Il ne s’agit pas d’une simple crise sanitaire, aussi sérieuse soit-elle, mais bien d’une crise économique, sociale globale qui aggrave la crise sanitaire et met la population en danger.

L’intervention télévisée de Macron jeudi soir, se prévalant de la science pour nous faire la morale, était d’autant plus insupportable d’hypocrisie, dans ses éloges répétés du personnel soignant des hôpitaux, qu’il le traite depuis des mois avec le plus grand mépris et qu’il n’a pas fait le moindre geste concret à son égard. Insupportable aussi, sa défense des services publics que, dans la continuité de tous les gouvernements de droite et de gauche, il a contribué à démanteler, ou cette façon d’appeler à la responsabilité de chacun, tout en s’adressant avec condescendance à la population pour appeler à l’union nationale au moment où l’État et l’Union européenne se préparent à débloquer des milliards pour sauver les capitalistes du krach dont ils portent, seuls, la responsabilité. L’imposteur déploie des talents sans limites...

Et si les mesures prises semblent s’imposer, dont la fermeture des crèches, des écoles, collèges, lycées et facultés, elles sont loin de répondre aux besoins de la population sur laquelle en repose tout le poids. La généralisation des mesures de confinement, combinée aux couplets culpabilisateurs, pour tenter de freiner l’épidémie sera inévitablement d’une efficacité très relative en l’absence de moyens financiers pour le service de santé publique, aujourd’hui délabré à cause des politiques mises en œuvre par le pouvoir et, plus globalement, de l’irresponsabilité d’une société incapable de répondre à l’intérêt collectif.

La propagande officielle, médiatique, fait du coronavirus un drame terrible, responsable du krach boursier, de la crise pétrolière, des menaces de faillites bancaires, responsable de plonger la finance et l’économie dans le chaos pour mieux exonérer les classes dirigeantes et le pouvoir qui les sert.

Il ne s’agit ni de nier l’importance de l’épidémie en cours ni de se livrer à une paranoïa complotiste, mais de prendre au sérieux le moment de crise que connaît la planète, d’essayer d’en comprendre les ressorts, les mécanismes pour formuler des réponses à cette catastrophe annoncée dans laquelle le capitalisme plonge la société. Le virus n’est que le déclencheur de cette catastrophe que les chaînes d’infos mettent en spectacle en contribuant, à leur niveau, à semer la confusion, à subjuguer les cerveaux avec leur chronique mortifère. Un révélateur et un accusateur.

Gérer démocratiquement la crise sanitaire ou la nécessité d’un service public de santé

Les réponses à une telle épidémie, sans prétendre éliminer tous les risques mais en les affrontant consciemment, en les assumant, relèvent de choses simples si l’on en croit les épidémiologistes : les petits gestes qui nous sont conseillés en boucle ainsi que l’existence de conditions d’hygiène élémentaires sur les lieux de travail et d’étude ; des mesures barrières (masque, lavage des mains), des tests disponibles pour les personnes présentant les symptômes correspondant au virus, l’isolement des malades voire de leurs proches, leur hospitalisation vers les services spécialisés si nécessaire, le suivi des personnes qui ont été en contact avec les malades, la protection stricte des professionnels de santé concernés, les mesures de confinement nécessaires…

Ces mesures ne pourraient trouver leur pleine efficacité que si elles étaient encadrées, épaulées par un service public de santé coordonné à tous les étages, regroupant dans un même service public les hôpitaux, les cliniques privées, la médecine de ville et de campagne comme l’industrie pharmaceutique au niveau des grands laboratoires de fabrication et des officines de distribution des médicaments, intégrant aussi les laboratoires d’analyses susceptibles, eux aussi, de pratiquer les tests.

Ces infrastructures existent, pourvues de personnels compétents, mais elles n’ont aucune cohésion d’ensemble susceptible de donner confiance à la population, de prendre en charge le dépistage comme les soins ou d’encadrer les mesures de confinement quand elles s’imposent. A l’opposé, le système de santé du pays est miné par une même contradiction, la propriété privée capitaliste qui ruine l’hôpital public, sacrifié à des impératifs de rentabilité financière pour le plus grand profit du privé, et laisse fructifier une médecine libérale qui laisse à l’abandon des déserts médicaux. L’industrie pharmaceutique est, quant à elle, intégrée à des multinationales pour lesquelles les médicaments ne sont qu’une source de profit au prix de l’exploitation des travailleurs comme des malades.

Sur la base d’un système de santé socialisé, avec l’embauche massive de personnel, capable d’avoir des liens démocratiques avec la population, la gestion de l’épidémie pourrait se faire de façon transparente, permettant des décisions collectives assumées et non à travers une politique de santé publique improvisée, sans moyen, une sorte de politique sanitaire policière. Mais il n’est pas question pour le pouvoir de prendre les mesures d’urgence de réquisition qui remettent en cause la logique libérale.

Face au désordre et au chaos de la concurrence capitaliste, la socialisation et la planification de l’économie

La crise sanitaire est aggravée par le chaos économique qui secoue la planète. Le coronavirus n’en est en rien responsable, il est le facteur déclencheur d’une crise annoncée. Le krach boursier, véritable effondrement, la récession, la crise pétrolière sont par contre des facteurs aggravant, y compris à court terme, de la crise sanitaire et illustrent l’incurie d’un système économique qui n’obéit qu’aux appétits financiers d’une minorité parasite qui détient le pouvoir économique et impose sa volonté aux États.

Les milliers de dollars partis en fumée sur les places boursières, c’est l’argent volé à la population par la destruction des systèmes de santé, des services publics, le chômage et la précarité, l’explosion des inégalités.

Gérer l’épidémie supposerait une économie au service des besoins de la population, sous son contrôle, et non une production anarchique avec des chaînes de valeurs organisées en fonction de la seule recherche de la rentabilité financière maximale, donc du « coût du travail » le plus bas, du taux d’exploitation le plus élevé au mépris des intérêts des peuples comme des impératifs écologiques. Une telle économie participerait consciemment à la lutte contre l’épidémie sans que, si la nécessité s’en imposait, l’arrêt de certaines productions, l’interruption des transports si elle s’avérait nécessaire, ne soit une catastrophe. Elle serait gérée en fonction des intérêts de la collectivité, des besoins de la santé publique au lieu d’être soumise à la panique des États et des capitalistes.

Elle ne serait pas l’objet des spéculations financières de la minorité de parasites qui possèdent les capitaux et les jouent sur le casino mondial des bourses et des marchés financiers et qui, aujourd’hui pris de panique, spéculent à la baisse aggravant la récession provoquée par la panique des États.

Une économie socialisée sous le contrôle des populations coopérerait à l’échelle internationale pour faire face aux besoins de façon rationnelle alors qu’aujourd’hui la récession en cours fragilise toute la société, que le krach pétrolier plonge des peuples dans la misère.

Une telle organisation sociale permettrait aussi de développer une politique respectueuse des impératifs écologiques, en particulier dans sa dimension de santé publique, d’anticiper les évolutions virales, voire de prévenir les épidémies.

La difficulté de s'opposer au coronavirus, en raison de l'absence de vaccins et de traitement, n'est pas le résultat de la fatalité. Des scientifiques avaient tiré la sonnette d’alarme lors de l’épidémie du coronavirus SRAS en 2002. Des programmes de recherche fondamentale avaient été proposés en Europe et aux USA qui auraient permis de mieux connaître cette catégorie de virus et d’en prévenir la réapparition sous de nouvelles formes. Les gouvernements ont refusé de les financer. Une politique absurde, mais taillée sur mesure pour laisser la main sur la recherche dans ces domaines à l’industrie pharmaceutique, dont l’objectif n’est pas la santé publique mais le profit par la vente de médicaments sur le marché des malades solvables… Tandis que le monde fait face à une pénurie criminelle de masques, de gel hydro-alcoolique, de matériel médical, de respirateurs, de lits, de médecins, d’infirmières… jamais autant de moyens techniques n’ont été disponibles pour faire face à l’épidémie. Mais l’organisation de la société en fonction du profit et de la concurrence est un véritable danger, favorisant l’épidémie à travers une mondialisation anarchique en privant les populations des moyens de se protéger au mieux.

Aucune confiance dans le gouvernement au service des trusts, des banques et de la finance

Cette panique des États est l’expression de leur nature comme de la nature des intérêts sociaux qu’ils servent et qui rentrent de plein fouet en contradiction avec les intérêts collectifs de l’ensemble de la société, de la population. Ce trait est accentué, révélé encore plus brutalement par l’épidémie à laquelle ils font face par une sorte d’Etat-policier « sanitaire » que Trump vient d’illustrer en fermant les frontières des USA aux Européens après les avoir fermées aux Chinois, une politique qui fait école auprès des démagogues xénophobes.

Cette politique de classe qui gère la population comme une donnée chiffrée que l’on manipule en fonction des besoins des classes dominantes trouve une expression cynique dans l’attitude du gouvernement français. Après avoir désorganisé l’hôpital public par les politiques d'austérité budgétaire, l'introduction d'un management d'entreprise, en favorisant le privé et la médecine libérale de ville, le gouvernement ne fait aucun geste concret, financier pour soulager le personnel à bout, améliorer les conditions de travail et d’hospitalisation. Par contre, le ministre de l’Économie Le Maire s’est dit prêt lundi dernier à « débloquer ce qu’il faudra » pour venir en aide… aux patrons des entreprises françaises et il ne lésinera pas sur les milliards à distribuer !!! Le gouvernement a décrété « l'état d'urgence économique », c’est à dire venir au secours du patronat et des entreprises en leur permettant d'étaler leur paiement des impôts et des cotisations, d’utiliser à grande échelle le chômage partiel... Macron l’a confirmé.

La Commission européenne a annoncé, mardi, son intention de créer un fonds doté de 25 milliards d'euros, pour aider les pays membres de l'UE à surmonter les conséquences économiques de l'épidémie. Donald Trump a, lui, proposé un vaste plan de relance de 700 milliards de dollars, la FED va arroser sans limite les banques. Le gouvernement italien a annoncé une enveloppe de 37 milliards d'euros. Tous amplifient les politiques qui ont préparé la crise actuelle.

Cette politique sacrifie les intérêts de la collectivité à ceux d’une minorité capitaliste. Ce qui est à l’ordre du jour pour faire face tant à la crise sanitaire qu’économique, c’est la fermeture des bourses, le contrôle des finances par l’expropriation des banques et la création d’un monopole public bancaire pour mettre fin aux spéculations, l’annulation de la dette, la mise en place d’un service public du médicament, la socialisation des grandes entreprises.

Face à des États soumis aux intérêts du capital, l’organisation démocratique de la population pour imposer son contrôle

Aujourd’hui, la politique des États est guidée par deux contraintes qui sont dans la lignée de leur politique antérieure : masquer leur incurie en prétendant faire « la guerre » au virus dans un climat alarmiste et autoritaire et soutenir leurs mandataires, les gros actionnaires, les grands patrons, les financiers.

Macron croit tenir sa revanche mais nous n’avons aucune raison de nous démobiliser, de subir le matraquage sur l’union nationale dans laquelle se complaisent tous les politiciens, pas plus que de paniquer sous leur pression alarmiste.

Nos syndicats, les comités de mobilisation, les interpros ont à faire de la lutte contre l’épidémie et l’incurie de l’État leurs propres affaires en relation avec les professionnels de la santé et leurs organisations. Nous ne devons pas craindre d’affirmer nos exigences depuis les plus simples concernant l’hygiène et les protections élémentaires sur les lieux de travail, l’approvisionnement en masques nécessaires, imposer que des tests gratuits soient produits en masse et distribués largement aux personnels de santé, médecins, généralistes, personnel infirmier…

Malgré les difficultés liées au confinement, nous devons pouvoir nous réunir sur les lieux de travail et d’habitation pour discuter de nos besoins et revendications en refusant le confinement politique. Au premier rang de ces revendications, il y a le droit de retrait pour exiger des conditions sanitaires répondant aux recommandations, interdire tout licenciement quel qu’en soit le motif, exiger le maintien intégral du salaire sans limitation de durée, assurer la subsistance et le logement de tous, salariés hors activité, précaires, chômeurs, personnes âgées, pauvres, démunis, sans logis, protéger également de l’exclusion et de la déchéance sociale, de la pauvreté, de la précarité...

Le monde du travail doit garder son indépendance de classe vis à vis du pouvoir pour faire valoir ses droits et préparer la suite.

Une nouvelle étape vers la faillite du capitalisme financier mondialisé

Avant même que le coronavirus s’étende au monde entier, la logique capitaliste avait fait de même pour sa propre crise, faisant chuter les bourses, asphyxiant de plus en plus massivement l’économie, menaçant tout le système mondial. « Le scénario de la crise actuelle pourrait rappeler celui de la grande crise financière de 2008 » prévient Christine Lagarde. Non, la crise actuelle n’est pas un remake de la crise de 2008, elle intervient à un autre niveau, plus grave, elle est une nouvelle étape vers la faillite du capitalisme financier mondialisé.

Son ampleur est la conséquence des réponses apportées par les capitalistes et les États en 2008 au prix d’un détournement de fonds publics (argent des États et des banques centrales, argent volé aux services publics et aides sociales, argent volé aux travailleurs et aux milieux populaires), vol massif sans précédent de toutes les richesses produites, aiguisant encore plus l’opposition entre une petite minorité de milliardaires qui possèdent tout pendant que le reste de l’humanité ne possède rien. Ce gigantesque transfert de richesses s’est accompagné d’une explosion de la dette. Selon l’Institut de la finance internationale, les dettes mondiales ont atteint leur plus haut historique au troisième trimestre 2019 avec un total de 253 000 milliards de dollars.

Le début de récession économique, le krach financier vont accentuer la crise de la dette au risque de provoquer des cessations de paiements en chaîne, la mise en faillite du capitalisme à l’échelle mondiale. Nous n’en sommes peut-être pas encore là, mais la politique des États y conduit directement quand auront été épuisées les possibilités de financement ou la politique des taux d’intérêt négatifs qui participent, en fait, à l’effondrement du système.

L’histoire s’accélère. Il y a urgence à ce que le monde du travail se donne les moyens de faire face à cette faillite annoncée en vue de conquérir le pouvoir, la démocratie pour réorganiser la société en fonction des intérêts de la collectivité, de la solidarité et de la coopération entre les peuples.

Le virus pas plus que l’union nationale prônée par Macron n’ont étouffé le mécontentement. Bien des salariés sont dans l’expectative entre l’inquiétude vis à vis de l’épidémie et la révolte contre ce gouvernement et le capitalisme. Ils ne voient pas d’autre possibilité que le cadre imposé par le pouvoir. La crise sanitaire combinée à la crise globale du capitalisme prolonge le temps politique dans lequel était entrée la mobilisation contre la réforme des retraites, souligne l’importance des tâches d’organisation pour nous regrouper.

Il est bien difficile de savoir ce que sera la politique de Macron une fois l’épidémie passée ni ce que sera l’état de la crise du capitalisme. Une chose est sûre, ils chercheront à nous faire payer la facture de leur incurie et de l’absurdité de leur société. Dès maintenant, il nous faut demander des comptes tout en faisant respecter nos droits et nous préparer à un combat d’ampleur. C’est la seule façon de nous préparer à la suite alors que les capitalistes n’auront d’autre choix pour se sauver de la faillite que d’accentuer leur pression contre le monde du travail, de continuer à amputer les budgets publics. Il serait illusoire et aveugle de croire un seul mot des discours de Macron qui aurait redécouvert les vertus de l’État-providence et des services publics. Un monde solidaire ne peut naître que de nos luttes pour en finir avec la minorité des premiers de cordée qui ruinent la société.

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