Il y a un an, nous formulions nos vœux au lendemain de l’acte VIII du mouvement des Gilets jaunes qui avait rassemblé bien plus que les 50000 manifestants reconnus officiellement par le ministère de l’Intérieur avec des manifestations de femmes gilets jaunes dans plusieurs villes. Le porte-parole du gouvernement Griveaux se répandait alors en propos haineux contre des « agitateursqui veulent l'insurrection », la porte de la cour de son ministère avait été enfoncée par un engin de chantier… Nous écrivions : « Nos vœux militent pour que 2019 soit l’année du rassemblement des travailleuses, travailleurs, avec ou sans emploi, des jeunes, des exploités, autour d’un plan d’urgence sociale, démocratique, écologique, qui s’appuie sur les exigences progressistes des gilets jaunes, qui exprime clairement, face à la confusion délibérément entretenue par Le Pen, Dupont-Aignant et autres charlatans d’extrême droite, les besoins des classes populaires et les moyens de les satisfaire pour répondre à la faillite des classes capitalistes et de leurs serviteurs.1 »

L’année qui s’achève aura été un nouveau pas en avant dans ce sens, une année riche en mobilisations et luttes. Le mouvement des gilets jaunes a bousculé la routine des rapports politiques et sociaux grâce à l'intervention directe d'une fraction du monde du travail sur le terrain politique, en rupture avec le jeu rodé des corps dits intermédiaires et du dialogue social. La lutte contre la réforme des retraites que Macron veut imposer a pris le relais et représente une nouvelle avancée du rassemblement du monde du travail pour mettre en échec la politique de Macron et du CAC 40. Elle ouvre de nouvelles possibilités pour que, face au camp du capital s'affirme le camp des travailleurs.

«  Et on ira jusqu’au retrait »…

Comme l'an dernier les gilets jaunes, les travailleurs de la RATP, les cheminots, toutes celles et ceux qui se mobilisent avec eux ne se sont pas laissés intimider par les pressions et injonctions du pouvoir et de ses porte-parole médiatiques et ont rejeté la trêve des fêtes. Refusant de brader leur lutte, ils ont osé braver l’opinion des bien-pensants qui invoquent la sainte famille pour leur demander de sacrifier l’avenir de… leurs enfants !

Samedi, dans tout le pays, ont eu lieu des manifestations ou rassemblements à l’appel de la CGT-Cheminots et de SUD-Rail. La semaine précédente la volonté de « maintenir la flamme » pendant les fêtes s'est exprimée de bien des façons, portée par la poursuite de la grève : concert à Austerlitz, repas en gare ou rassemblement devant des mairies ou permanences LRM, fêter Noël entre grévistes... Nombreux sont ceux qui ont à cœur de préparer le début d’année en diffusant aux portes des grands magasins, sur les marchés, en organisant la solidarité financière. L'enjeu est de combler le vide laissé par l'intersyndicale qui, tout en refusant la trêve, n'a pris aucune initiative renvoyant la suite de la lutte au… 9 janvier. Le début d'extension de la grève à la raffinerie de Lavera qui rejoint celle  de Grandpuits en grève depuis le 5 décembre est sans doute un signe avant-coureur.

L'image des danseuses de l’Opéra de Paris en tutu blanc exécutant des tableaux du Lac des cygnes avec, à l’arrière-plan, des banderoles de leur grève donne le ton, un émouvant symbole des bouleversements en cours, de la fierté du monde du travail, l'art dans la rue...

Un nouvel élan pour janvier

Le gouvernement fait le mort mais tout le monde voit bien que la grève n’est pas prête à s’arrêter et qu’elle pourrait bien s’élargir, s’étendre chez les enseignants, dans la fonction publique et même le privé. L’ombre de 1995 plane, mais le mouvement a déjà une ampleur supérieure à celui de novembre-décembre, dans la durée mais surtout de par sa nature. Le mouvement actuel ne vient pas d'en haut, il est le produit de la mobilisation d'une fraction des travailleurs en toute indépendance des appareils syndicaux même si, souvent, le poids de ces derniers freine la volonté de prendre ses affaires en main. Bien souvent les AG de che­minot·e·s ont pu davantage ressembler à des meetings syndicaux qu’à des lieux où les grévistes s’expriment réellement et conduisent leur mouvement. Or notre force, c’est une véritable prise en main démocratique de la grève par les grévistes eux-mêmes.

De plus en plus nombreux sont les travailleurs qui prennent conscience des ambiguïtés des syndicats qui se prononcent contre la trêve mais ne prennent aucune initiative nationale avant le... 9 janvier ou qui exigent le retrait de la réforme tout en participant aux négociations sur sa mise en œuvre...

La généralisation de la grève, c'est rompre avec cette politique qui, de temps forts en temps forts, laisse les mains libres au gouvernement pour mener sa politique visant le pourrissement du conflit. Cela suppose de donner à la lutte sa dimension politique, que les grévistes eux-mêmes se fassent les militants de l’extension, de la généralisation de la grève.

La politique du pourrissement de Macron ou le pourrissement de sa propre politique…

Le gouvernement a mis en place tout un calendrier de négociation qui a pour fonction de lui permettre d'occuper le terrain, de faire sa propagande avec la complicité des directions syndicales en espérant ainsi que le mouvement épuisera ses forces. En réalité, c'est bien l'inverse qui pourrait se produire. Le gouvernement est sur la bonne route pour convaincre que sa réforme est une attaque contre tout le monde du travail et que l'enjeu de la lutte va au-delà du retrait de la réforme. Il s'agit de mettre un coup d'arrêt à l'offensive menée depuis des années par tous les gouvernements de droite et de gauche pour inverser le rapport de force.

Edouard Philippe a annoncé qu'il proposerait « une méthode de travail » concernant la question de l’équilibre financier du système de retraite, c'est sa réponse sur le retrait de l’âge pivot de 64 ans, « Age pivot, âge tombeau ! » ! Une kyrielle de ministres, Agnès Buzyn, Olivier Dussopt, Muriel Pénicaud, Laurent Pietraszewski, vont ouvrir les discussions sur la pénibilité ou les fins de carrière. Blanquer recevra, la semaine du 13 janvier, les syndicats enseignants pour baliser les six mois de négociation à venir en vue d’aboutir « à un protocole d’accord sur des scénarios de revalorisation » salariale. Le gouvernement joue la montre, bavarde et ne veut céder sur rien. Il amuse la galerie en négociant les négociations...

Mais à force de parler pour ne rien dire depuis des mois, c'est lui-même qui discrédite sa propre parole, c’est le pourrissement de sa propre politique, son isolement.

Il est clair que cette politique est un piège pour étouffer le mouvement. En rentrant dans la logique stérile des temps forts, le 9 et après le 9..., tout en se prêtant au mirage des négociations, les directions syndicales l’accompagnent alors qu'il faut l'affronter.

Des Gilets jaunes à la lutte contre la réforme des retraites, le parti de la lutte d'ensemble...

La généralisation de la grève pour imposer le retrait ne pourra se faire sans qu'une fraction importante du monde du travail rompe avec cette politique pour s'organiser, se coordonner afin de prendre en main la direction de la lutte. Il est possible, comme l'ont fait les gilets jaunes il y a un an, de nous organiser à la base à partir des AG ou des interpros pour discuter et décider de l'agitation et des actions pour donner confiance, entraîner, créer une dynamique démocratique, nous constituer en parti de la généralisation de la grève.

Au cœur de la mobilisation, les militants et proches du mouvement révolutionnaire ont, ensemble, un rôle à jouer pour contribuer à cette dynamique, à aider les travailleurs à prendre leur lutte en main en toute indépendance de la politique des directions syndicales, lutte pour faire échec à Macron aujourd'hui pour changer le monde demain.

Tous nos vœux pour une joyeuse fin d'année de lutte et la suite...


1 http://npa-dr.org/index.php/archive-de-la-lettre/9-article-lettre/255-face-a-leur-haine-de-classe-tous-nos-voeux-pour-nos-luttes-contre-le-capitalisme-et-ses-serviteurs-en-faillite

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