Lors de la soirée électorale du 26 mai, fort de ses 13,5 % des voix, Yannick Jadot s'est réjoui qu'EELV devienne « la troisième force politique de France » derrière le RN et LREM, mais nettement devant le Parti socialiste (6,2%), la France insoumise (6,3%) et le Parti communiste (2,5%).

« C'est une vague verte européenne dont nous sommes les acteurs » a-t-il rajouté et, effectivement, les partis écologistes ont eu de bons résultats dans la plus grande partie de l’Europe. En Allemagne les Grünen atteignent 21 % arrivant deuxième devant la social-démocratie, comme en Finlande où la Ligue verte atteint 16 %. En Irlande avec 15 % le Green Party arrive en troisième position.

Ce n’est pas la première fois qu’aux élections européennes, les partis écologistes obtiennent de tels résultats. Ainsi en 2009 en France, les Verts avaient totalisé 16 % et se voyaient déjà l’axe d’une grande coalition électorale qui n’a jamais abouti… en 2012, à la présidentielle, Eva Joly n’obtenait que 2,6 %.

Des succès électoraux qui interviennent dans un contexte nouveau

Les partis écologistes ont pu profiter du discrédit des partis gouvernementaux de droite comme de gauche qui depuis des décennies mènent les mêmes politiques d’austérité et qui maintenant, un peu partout en Europe, s’effondrent.

Mais leur succès est aussi l’expression électorale, donc en partie déformée, de la prise de conscience croissante et en particulier dans la jeunesse, des problèmes écologiques.

Depuis plusieurs mois les marches pour le climat se succèdent, renforcées depuis l’été dernier, par les mobilisations de la jeunesse avec, à travers le monde, des journées de grève de lycéens qui expriment leur inquiétude face aux ravages écologiques engendrés par le capitalisme et leur révolte face à l’inertie des gouvernements.

C’est d’ailleurs le vote de la jeunesse qui explique le petit sursaut de participation comme le succès des listes écologistes notamment en France où 25 % des 18-24 ans et 28 % des 25-34 ans ont voté pour la liste d’EELV. Jadot a ainsi pu s’en prévaloir : « Il n’est pas exclu ce soir que l’écologie soit la première force politique chez les jeunes, c’est un magnifique message d’avenir »… certes mais pas sûr que la jeunesse se retrouve dans les petites manœuvres politiciennes qui semblent se dessiner autour de ce succès.

Grandes manœuvres pour construire une « nouvelle force politique » autour de l’écologie

Ces manœuvres se réduisent pour certains à l’espoir de recomposer une nouvelle mouture d’une gauche institutionnelle autour de l’écologie… pouvant définitivement abandonner toute référence aux luttes sociales au nom de valeurs éthiques et de l’impératif de « sauver la planète ». Mais grisé par son succès, Jadot espère imposer EELV comme la seule force capable d’occuper la place longtemps tenue par la gauche… et sans autre perspective que de jouer le même rôle, celui d’une force institutionnelle participant à la gestion d’un capitalisme en crise. David Cormand, secrétaire national d’EELV, en appelle ainsi à construire une « nouvelle force politique » car poursuit-il, « après l’effondrement des deux piliers qu’étaient le bloc de droite et le bloc social-démocrate, nous travaillons à faire émerger une alternative à Emmanuel Macron et à Marine Le Pen. »

EELV se sent en position de force pour repousser pour le moment et au grand désespoir des partis de gauche, toute idée de coalition, préférant se tourner vers Génération écologie… ou le parti animaliste ! Sur quelle base politique ? Pendant la campagne Jadot s’est positionné comme étant ni de droite, ni de gauche, rejetant à la fois le libéralisme et le socialisme, au nom d’une écologie pragmatique qui lui faisait dire début mars « Bien entendu que les écologistes sont pour le commerce, la libre entreprise et l’innovation. »

En France comme en Allemagne et dans tout l’Europe, les partis de l’écologie politique sont parfaitement intégrés aux jeux institutionnels comme à l’économie de marché et sont prêts, au nom de l’écologie, à s’allier à bien d’autres forces politiques. D’autant que comme la campagne des européennes l’a montré, l’écologie est utilisée par tous les partis institutionnels comme faire-valoir progressiste qui peut servir à justifier toutes les politiques même les plus réactionnaires. La palme du ridicule et du cynisme revient à Macron et la liste LREM conduite par Nathalie Loiseau qui ont fait de l’écologie leur axe principal alors que les taxes sur les carburants qu’ils ont voulu imposer ont déclenché la révolte des Gilets jaunes qui se poursuit depuis 6 mois.

Donner aux prises de conscience de la jeunesse un contenu de classe

Il ne faudra certainement pas longtemps pour que, malgré les manœuvres des uns et des autres, la jeunesse fasse l’expérience de l’hypocrisie de ces politiciens qui, à travers l’écologie, ne cherchent qu’à dévoyer leur légitime inquiétude et leur révolte sur le terrain électoral pour se hisser au pouvoir en promettant quelques vagues réformes sans remettre en cause le système capitaliste.

Or tout au contraire, les questions écologiques doivent s’intégrer au combat social plus global contre la domination des multinationales et de la minorité qui les dirigent, qui imposent leur parasitisme à toute la planète entraînant pillage des richesses et ravages de l’environnement. C’est un combat de classe qui rejoint celui du monde du travail et des peuples qui, en tout indépendance des institutions et des calculs politiciens, ne peuvent compter que sur leur organisation et leurs luttes pour ouvrir un autre avenir pour l’ensemble de la société. Cet avenir implique la remise en cause de la propriété capitaliste pour mettre en place une planification démocratique de l’économie mondiale prenant en compte les besoins réels des populations comme la nécessaire préservation de notre environnement.

Bruno Bajou

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