La revue de Lutte Ouvrière, Lutte de classe, vient de publier les textes adoptés par son congrès qui s’est déroulé les 8 et 9 décembre à huis-clos (https://mensuel.lutte-ouvriere.org//lutte-de-classe/serie-actuelle-1993/196-decembre-2018-janvier-2019). Rien n’est indiqué mais tout laisse à penser que ces textes ont été adoptés à une très très large majorité qui probablement tend vers l’unanimité…

Nous avons déjà, il y a quelque semaines dans le numéro 63 de notre lettre, discuté de la compréhension que LO a de la période et des tâches, de sa vision dogmatique du trotskysme à propos du quatre-vingtième anniversaire de la fondation de la IV et d’un article publié dans la LDC en septembre intitulé « Contre le chaos de l’impérialisme en putréfaction, le programme de lutte de la classe ouvrière ». Ce dernier texte faisait partie des textes soumis au vote du congrès.

Il nous semble important d’y revenir parce que cette discussion est essentielle pour l’ensemble du mouvement révolutionnaire au moment où l’irruption des gilets jaunes crée de nouvelles possibilités et surtout responsabilités.

Disons le tout de suite, le plus surprenant de ce travail d’élaboration de LO est l’incapacité de sa direction à donner une cohérence tant à ses analyses qu’à sa politique qui ne soit une reconstitution du passé plaquée sur le présent et l’avenir. Les descriptions qu’elle fait sont pertinentes, argumentées, étayées mais, au final, c’est comme si tout avait changé pour que rien ne change. Nous sommes toujours à l’époque de l’impérialisme de Lénine et du programme de transition de Trotsky.

Plaquer ainsi nos références au passé sur l’actualité n’appartient pas qu’à LO, loin s’en faut, il est une dominante au sein de bien des tendances issues du trotskysme. Nous y voyons une des causes des difficultés du mouvement révolutionnaire à sortir de la marginalité ou, plus précisément, il y a un lien entre le manque de rapports vivants avec le monde du travail et la capacité d’élaborer une politique répondant aux contradictions du monde d’aujourd’hui, aux besoins des travailleurs. Les deux s’entretiennent mutuellement.

Il ne s’agit pas d’une question académique mais militante. En effet, le volontarisme seul ne peut suffire à surmonter nos difficultés à devenir ne serait-ce qu’un petit courant de masse s’il n’est armé d’une compréhension et d’une stratégie claires. C’est pourquoi il est indispensable de mener sans concession la discussion sur les caractéristiques de la nouvelle époque que nous connaissons, de définir ses traits distinctifs, leurs implications du point de vue des luttes de classe. D’une certaine façon, cette discussion participe de la défense du marxisme comme théorie moderne, actuelle des luttes d’émancipation. Dans ces diverses dimensions, qui dépassent largement l’objet de cet article, elle est le cadre de cette défense, de cette renaissance.

L’impérialisme aujourd’hui, c’est quoi ?

« Plus d’un quart de siècle après la fin de l’Union soviétique, sa principale composante, la Russie, peine toujours à trouver sa place dans un monde capitaliste en crise. Cela d’autant plus qu’avec l’aggravation de cette crise, l’exacerbation des rivalités entre les grandes puissances qui dominent le monde réduit encore le peu de possibilités que de nouveaux venus – ces BRICS, dont la Russie fait partie aux côtés de la Chine, de l’Inde, du Brésil et de l’Afrique du Sud – auraient de se tailler une place au soleil de l’impérialisme » écrit Lutte ouvrière dans son texte sur la situation internationale. Certes, les marges de manœuvre des uns et des autres sont limitées, mais il n’empêche que les BRICS se sont taillé une place au soleil du capitalisme financier mondialisé qui aujourd’hui s’est étendu à toute la planète. Une place qu’il faut décrire, analyser, mais qui, par elle-même, ruine les conceptions qui continuent de tenter de faire rentrer les rapports capitalistes d’aujourd’hui dans le vieux cadre de ce que Lénine appelait le stade suprême du capitalisme, celui des monopoles. Entre la Chine, la Russie ou l’Afrique du Sud, il y a certes de grandes différences mais ces puissances sont intégrées au marché capitaliste mondialisé comme le sont, dans des rapports de forces multiples, l’ensemble des États qui composent aujourd’hui la planète. Il n’y a pas un pouce de territoire, une once de travail humain qui n’échappe à la mainmise du capital quelles que soient son origine, la nationalité de son possesseur… La loi du profit et de la concurrence a été globalisée à l’ensemble de la société et, ce faisant, atteint ses limites dans ses capacités à exploiter tant le travail humain que les ressources naturelles.

« Au cours des trente dernières années, écrit Lutte ouvrière, la Chine est passée d’une économie étatisée et fermée vis-à-vis de l’extérieur à une économie relativement ouverte aux capitaux des puissances impérialistes. Tout en maintenant une forme dictatoriale, le régime autorise, voire favorise, l’accumulation de capitaux privés ». Voire favorise, quel euphémisme pour un État entièrement dévoué à la classe bourgeoise, au libéralisme économique dont Xi Jinping se fait le champion sur la scène internationale. LO poursuit : « La Chine a réussi à s’assurer une présence importante sur le marché mondial. Son intégration dans l’économie capitaliste mondiale s’est cependant faite, dans une large mesure, par le biais de ce même appareil d’État qui lui a permis de résister pendant longtemps à la domination des puissances impérialistes ». Oui, certes, mais dans le passé il n’a jamais existé de puissance impérialiste qui ne se soit imposée grâce à son État, par la guerre pour le partage du monde. L’État bourgeois chinois n’a, dans un contexte historique radicalement différent, rien fait d’autre d’abord, « pendant longtemps », tant que les rapports impérialistes survivaient aux révolutions coloniales en cours, puis à travers l’irruption sur le marché mondial de nouvelles puissances capitalistes dont les BRICS qui a changé la donne des rapports internationaux. Les capitalistes, les États des vieilles puissances ont dû s’adapter à ces nouveaux rapports, tenter de les soumettre à leurs propres intérêts divergents, composer avec eux et surtout avec la Chine avant qu’elle ne devienne une puissance rivale des USA pour le leadership mondial. De cette concurrence acharnée est né le stade actuel de développement du capitalisme.

Puis LO écrit : « Héritage du passé maoïste ou, plus exactement, de la révolte populaire essentiellement paysanne qui avait porté Mao au pouvoir, la bourgeoisie chinoise renaissante dispose aujourd’hui d’un appareil d’État capable de résister à nombre de pressions de l’impérialisme. Plus que son étiquette communiste, à laquelle personne ne croit plus (les puissances impérialistes moins que quiconque), c’est la capacité qu’a cet État d’un pays encore largement sous-développé à résister à l’impérialisme qui fait son péché originel aux yeux de ce dernier ». Si l’on comprend bien, l’impérialisme se résumerait aux USA et il y aurait quelque part quelque chose de progressiste dans la capacité de l’État bourgeois chinois à exploiter des millions de prolétaires pour résister aux pressions impérialistes ! Et le problème de Trump avec la Chine serait on ne sait quel péché originel ! Quelle confusion !

LO tente de faire rentrer les rapports Chine - USA dans le cadre d’une analyse d’il y a un siècle, celle de l’impérialisme. Cette époque est révolue et l’on ne peut comprendre ces rapports, entre les USA et la Chine comme entre les différentes grandes puissances ou puissances régionales ou locales, qu’en comprenant que l’époque de l’impérialisme a cédé la place à celle du capitalisme financier mondialisé.

« L’équilibre impérialiste est sans cesse remis en cause » écrit LO, oui bien sûr, au point qu’il n’existe plus et a cédé la place à de nouveaux rapports complexes entre les puissances et les nations dans le cadre de la mondialisation financière, le capitalisme au stade des multinationales.

Cela ne veut pas dire que les États n’ont pas, chacun à son niveau et à celui de sa sphère d’influence, des politiques que l’on peut qualifier d’impérialistes, prédatrices, militaristes, expansionnistes, mais elles interviennent dans un cadre tout autre que le capitalisme au stade impérialiste.

L’époque du capitalisme financier mondialisé

« Il y a un lien profond, organique, entre les différents événements d’une situation mondiale chaotique, aussi bien dans son économie que dans les relations internationales et dans l’évolution politique des puissances impérialistes, et jusque dans l’incapacité de l’humanité à faire face aux conséquences écologiques de sa propre activité, du réchauffement de la planète à la transformation des océans en poubelles.

La réalité qui s’exprime par tous ces faits et événements multiformes, c’est la présente crise de l’économie capitaliste mondiale » écrit LO en préambule du texte Contre le chaos de l’impérialisme en putréfaction, le programme de lutte de la classe ouvrière. Oui, il y a un lien profond, organique entre l’ensemble des événements, dans leur diversité, qui secouent la planète. Par exemple, il n’est pas possible de comprendre les contradictions qui traversent aujourd’hui le mouvement des gilets jaunes en France sans les inscrire dans les contradictions de la situation internationale, en particulier au sein des vieilles puissances capitalistes ou impérialistes européennes.

Ce lien profond ce n’est pas cette idée abstraite et générale de la crise, le capitalisme en a connu de multiples, mais la nature même des relations qui se sont construites à l’échelle internationale à travers l’offensive libérale et impérialiste qui a débuté à la fin des années 70 puis s’est renforcée, déployée après l’effondrement de l’URSS pour déboucher sur la grande crise de 2007-2008 et le capitalisme financier mondialisé que nous connaissons.

Cette nouvelle phase du développement du capitalisme concentre à un degré inégalé toutes les contradictions du capitalisme au point que ce dernier a épuisé ses possibilités de développement. Non seulement il est un frein à tout progrès mais ses efforts acharnés pour perpétuer sa domination provoquent des ravages tant parmi les travailleurs et les peuples que du point de vue de la nature.

Contrairement à ce que prétend aujourd’hui LO - une nouveauté pour elle -, le capitalisme n’avait pas épuisé ses capacités à développer les forces productives dans les années 30. Si Trotsky était fondé de l’affirmer au regard de la course à la deuxième guerre mondiale dans laquelle le capitalisme avait engagé l’humanité, l’histoire a démenti ce diagnostic aussi juste fût-il au moment où Trotsky le formulait.

Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, le capitalisme a connu une nouvelle phase de développement et, aujourd’hui, il connaît une nouvelle révolution industrielle. Cette nouvelle phase de développement qui a liquidé tant sur le plan économique que sur le plan politique les vieux rapports impérialistes, a accentué, mondialisé les contradictions du capitalisme arrivé à son stade sénile pour reprendre une expression souvent utilisée, en premier lieu la contradiction entre le développement des forces productives et la propriété privée capitaliste y compris dans sa forme financière.

La grande crise de 2007-2008 a été l’aboutissement de ces évolutions.

Les réponses des États, États-Unis en tête, furent une injection massive de liquidités - surtout des dollars - dans leurs économies. La sphère financière a connu une nouvelle explosion, parallèlement la dette, les dettes publiques et privées, aussi.

Les puissances capitalistes européennes ont connu un profond recul qui a sapé les bases de l’Union européenne, les politiques d’austérité nourrissant une montée des nationalismes. Les USA ont renoué en peu de temps avec la croissance, surtout des profits, en utilisant leur position dominante dans le monde. L'État fédéral américain n'a pas hésité à renflouer son système bancaire national ainsi que les banques étrangères présentes sur son territoire, comme le fit aussi l’État chinois qui hissa la Chine au rang de rivale des USA. On le voit avec la guerre commerciale qui oppose Trump le protectionniste et Xi Jumping thuriféraire du libéralisme en matière commerciale.

L’offensive libérale et impérialiste combinée à la grande crise a profondément accentué la financiarisation mondialisée.

Et ce sont bien ces bouleversements scientifiques, technologiques, économiques, sociaux et écologiques qui redonnent sa pleine actualité à l’indispensable perspective de changer le monde, qui permettent de comprendre pourquoi ce qui a échoué hier porte à nouveau l’avenir de l’humanité, le socialisme, le communisme.

Les bases objectives de cette transformation ont mûri, celles d’un réel internationalisme pratique, le besoin objectif de ce que les idéologues bourgeois appellent une gouvernance mondiale que seul le prolétariat pourra mettre en place pour donner à l’humanité les moyens de réguler, de contrôler son économie, la façon dont elle produit les biens qui lui sont nécessaires et utiles.

Construire un parti des travailleurs

 « Restent ô combien ! d’actualité ces expressions du Programme de transition », poursuit LO : «Tout dépend du prolétariat, c’est-à-dire au premier chef de son avant-garde révolutionnaire. La crise de l’humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire ».

« La reconstitution de cette avant-garde révolutionnaire est aujourd’hui vitale. Reconstruire des partis et une Internationale communistes révolutionnaires, c’est-à-dire la IVe Internationale, est la tâche fondamentale de notre époque. Les deux émergeront de la même prise de conscience : ce sera à la fois l’indice et l’instrument de son approfondissement à travers la lutte des classes exploitées contre les exploiteurs. Cette lutte de classe devra aller jusqu’au bout, jusqu’au renversement du pouvoir politique de la bourgeoisie à l’échelle du monde, jusqu’à son expropriation pour jeter les fondements d’un ordre social nouveau, sans classes, où l’humanité aura enfin la maîtrise de sa vie sociale » écrit LO dans la conclusion du texte sur la situation internationale. 80 ans après que Trotsky a écrit les lignes citées, LO les érige en dogme sans autre discussion ni précision, sans comprendre le sens de « ces expressions » formulées au moment où le stalinisme venait de triompher en liquidant physiquement cette « direction révolutionnaire ». Des formules politiques dictées par un contexte deviennent des formules générales hors du temps, comme des maximes toutes faites destinées à exercer une pression morale sur les militants, cette avant garde dont tout dépend, c’est vous, c’est nous !

Tout cela a bien peu à voir avec le trotskysme dont la capacité à fonder un courant international résidait dans la justesse de l’analyse de la dégénérescence du premier État ouvrier né de la révolution d’octobre 1917 et de la période de l’entre-deux guerres du point de vue de la stratégie révolutionnaire, de la révolution permanente. Le mouvement trotskyste a survécu à son fondateur grâce à la fécondité de sa théorie et cela malgré bien des faiblesses, des adaptations en particulier au mouvement nationaliste bourgeois qui dirigea les révolutions coloniales, que celles-ci se réclament ou non du stalinisme et de sa vision du socialisme dans un seul pays.

Mais la situation a radicalement changé.

Les partis issus de l’histoire du mouvement ouvrier ou les organisations syndicales ont été entraînés par la bourgeoise dans son offensive libérale et impérialiste après la fin des mouvements de libération nationale puis l’effondrement de l’URSS. Le mouvement révolutionnaire n’a, quant à lui, pas été en mesure de formuler une réponse à cet effondrement. Il est, de fait, resté prisonnier de son passé d’opposant à ces vieux partis faillis, sans être en mesure de s’affirmer lui-même comme potentiel parti de la classe ouvrière. Et quand il a réussi à exprimer les sentiments d’une large fraction du monde du travail entre 1995 et 2007, il n’a rien su en faire, paralysé par ses divisions et ses batailles idéologiques.

La façon de raisonner de LO perpétue cette façon de concevoir la construction d’un parti, par en haut, sur la base d’un volontarisme et d’un moralisme hors du temps, de dogmes qui rentrent en contradiction avec la vie réelle des militants. La constitution de la classe ouvrière ou d’une fraction d’entre elle, même minime, en parti ne dépend pas de la seule volonté d’une avant-garde aussi éclairée soit elle. Elle dépend des conditions objectives et subjectives qui naissent à travers la dynamique de la lutte de classe et de la capacité des révolutionnaires de les analyser pour y inscrire une politique pour la classe ouvrière. Le mouvement des gilets jaunes fait plus pour faire évoluer les consciences que tous les discours révolutionnaires ! La place qu’ont pu y occuper les militants révolutionnaires ne pourra être féconde qu’à condition que leur démarche ne soit ni enfermée dans des proclamations toutes faites, ni suiviste, diluée dans le mouvement.

Et si avant-garde il y a, je dirais plutôt, direction, cadre politique collectif, elle se reconnaît à sa capacité à penser, sans préjugé ni présupposé, l’évolution du capitalisme et des luttes de classes, des consciences pour en dégager une stratégie, une politique capable d’aider aux évolutions des plus larges masses.

Et que signifie aujourd’hui « reconstruire la IVe internationale » quatre-vingts ans après sa fondation ?

La légitimité de l’audace de Trotsky et de ses camarades, qui leur a été souvent reprochée, à fonder une internationale résulte de cette crise de la direction du prolétariat à l’heure du stalinisme triomphant. Quel est le contenu aujourd’hui d’une telle prétention hors de l’histoire ?

Cette prétention, dont LO est loin d’avoir l’apanage, a, en fait, une fonction, s’affirmer comme les continuateurs de Trotsky, construire son propre mythe à partir du mythe de la IVème Internationale, une vison ahistorique. Les brevets de trotskysme que se décerne elle-même l’actuelle direction de LO, son autoproclamation, ne fonctionnent que dans le cadre imposé d’un congrès à huis-clos. Et nos camarades semblent avoir oublié un des acquis essentiels du courant de l’opposition de gauche fondée par Trotsky dans la lutte contre le stalinisme : la lutte pour la démocratie au sein du parti qui, si elle ne résume pas l’apport de Trotsky, en est une des composantes essentielles. Avant de s’autodécerner des brevets, nos camarades devraient se retourner sur leur propre passé pour en avoir une juste appréciation à l’aune de cet acquis du trotskysme, la capacité à faire vivre une dynamique démocratique.

Leur attitude, aujourd’hui, à l’égard du NPA s’inscrit dans leur logique, elle est le complément du dogmatisme, un comportement lui aussi combattu par Trotsky, le sectarisme. Dans la Motion sur l’élection européenne, sans doute elle aussi adoptée à l’unanimité, ils écrivent : « Cependant, face à la putréfaction de l’organisation capitaliste de la société, dont découlent tous les aspects de la dégradation de la vie sociale et toutes les menaces contre l’humanité, la priorité de Lutte ouvrière est d’affirmer clairement la nécessité pour la classe ouvrière de retrouver son indépendance politique par rapport à toutes les forces qui se situent sur le terrain du capitalisme ou se mettent à sa remorque, et de mener son combat de classe jusques et y compris à son aboutissement : le renversement du pouvoir politique de la bourgeoisie et son expropriation.

Lutte ouvrière est consciente qu’elle est la seule à affirmer sans ambiguïté cette politique et à placer ses activités dans cette perspective. En conséquence, il ne peut pas être question de participer à quelque alliance que ce soit avec des partis de la bourgeoisie. Nous ne voulons pas non plus obscurcir le contenu de nos idées, c’est-à-dire la défense d’une politique communiste révolutionnaire face à la crise du capitalisme, en les noyant dans des solidarités avec d’autres combats, si estimables soient-ils ». Voilà les termes avec lesquels la direction de LO justifie, implicitement, son refus d’un accord avec le NPA. Que vient faire dans cette étrange galère une hypothétique alliance avec des partis bourgeois ? La France insoumise, le PC ? Étrange méthode qui laisse entendre sans dire ! Et quel manque de confiance en soi que de craindre d’obscurcir ses idées du fait d’une alliance avec d’autres révolutionnaires ou de les noyer dans des solidarités avec d’autres combats !

Développer une politique à l’égard des gilets jaunes comme de l’ensemble de la classe ouvrière suppose une autre ouverture d’esprit que ce sectarisme qui trouve sa justification dans des mythes du passé. Et dans la pratique bien des camarades de LO en font preuve en particulier quand nous nous sommes retrouvés, souvent côte à côte, dans des AG ou des manifs de gilets jaunes.

Dans les faits, indépendamment du sectarisme des uns ou des autres, nous sommes solidaires, notre combat commun nous réunit que nous le voulions ou non. Refuser cette solidarité est un aveuglement dangereux qui prive de la capacité de formuler une politique révolutionnaire qui repose d’abord sur la solidarité de classe, la capacité de rassembler à travers des relations démocratiques.

La critique que nous avons à formuler à l’égard du NPA n’est pas sa capacité à exprimer sa solidarité avec des combats anticapitalistes mais sa difficulté à donner une cohérence à sa politique autour d’un axe d’indépendance de classe. Et, d’une certaine façon, pour les mêmes raisons qui conduisent LO au dogmatisme sectaire. Le NPA a été lui aussi incapable de réellement mener la discussion sur la nature de la nouvelle époque du capitalisme financier mondialisé pour en dégager une stratégie révolutionnaire, affirmer une politique d’indépendance de classe pour la construction d’un parti des travailleurs. Il oscille constamment entre politique unitaire et construction d’un parti.

Le mouvement des gilets jaunes marque un tournant, conséquence des effets du capitalisme financier mondialisé sur les conditions de vie et les consciences. Une fraction importante du monde du travail, de sa jeunesse, a perdu toute illusion dans le système, dans ses institutions et ses partis, a vu brutalement le vrai visage de l’État, le mépris violent d’un pouvoir soumis au capital. Elle est ouverte aux idées de la lutte de classe. Elle aspire à une vie démocratique sans chefs ni représentants autoproclamés, à des rapports solidaires, construits par en bas, dans la fraternité de la lutte. C’est de telles initiatives nourries par les idées de la lutte de classe que pourra naître un parti des travailleurs. Du passé elle veut faire table rase pour prendre son avenir en main, celui de toute la société.

Yvan Lemaitre

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