« Blanquer, protocole de guignol, démission ! », « A bas Blanquer ! Vive la grève ! », « Blanquer, le virus, c’est toi ! Le remède, c’est nous ! » …, scandaient les salariés de l’éducation qui ont laissé exploser leur colère dans la rue, jeudi 13 janvier.

La grève a été massive, à la mesure du mécontentement contre l’improvisation sanitaire de Blanquer et son mépris affiché : 75 % des professeurs des écoles, près d’une école sur deux fermée, 62 % de grévistes dans les collèges et les lycées, selon les syndicats. La grève a aussi été massive chez les personnels de vie scolaire, d’éducation, du médico-social, y compris chez les personnels de direction. Elle a emporté l’adhésion des parents d’élèves et le soutien de la FCPE.

L’exaspération et la colère sont telles que l’ensemble des syndicats de l’éducation ont dû signer l’appel à la grève, sous peine d’être totalement discrédités. Les enseignants ont exprimé leur ras-le-bol des mensonges, des promesses politiques non tenues, une rupture avec les politiciens des partis qui se sont succédés au gouvernement, y menant les mêmes politiques d’austérité et de démantèlement de l’école, jusqu’à éjecter de la manif parisienne Anne Hidalgo, la candidate qui avait annoncé vouloir doubler le salaire des enseignants !

Les prétendues « erreurs de communication » de Blanquer apparaissent aujourd’hui comme l’expression de la panique du gouvernement, de son improvisation, incapable d’anticiper les conséquences de ses protocoles sanitaires bricolés, de ses mensonges lorsqu’il prétend laisser l’école ouverte sachant pertinemment que de nombreuses classes ferment, les enseignants absents positifs ou cas contact au Covid n’étant pas remplacés.

« On ne fait pas grève contre un virus » avait déclaré Blanquer, cherchant à masquer derrière la prétendue fatalité de la pandémie sa propre responsabilité dans le délabrement de l’école. La grève lui a fait ravaler son arrogance et son mépris, puisqu’il a été contraint de recevoir le soir-même en urgence les représentants des syndicats, en présence de Castex et de Véran, et d’annoncer quelques mesures comme le recrutement d’une poignée d’enseignants, de 3300 contrats de personnels d’éducation, 5 millions de masques FFP2 pour les personnels qui le souhaitent et un report envisagé des épreuves du Bac. Des mesures dérisoires qui ne changeront rien au regard des immenses besoins pour faire face à la crise sanitaire. Mais « Un véritable changement de ton et de méthode » titrait le Monde le lendemain… une première victoire de la grève.

Blanquer a dû concéder aux directions syndicales une concertation quinzomadaire pilotée par Castex, vantant une reprise du « dialogue social ». Ces dernières semblaient s’en satisfaire au point de n’avoir pas eu un mot, à la sortie de l’audience, pour dénoncer la provocation de ces quelques mesures mises sur la table. Mais la colère des personnels est telle qu’elles sont contraintes d’appeler à une nouvelle journée nationale le 20 janvier.

Le compte n’y est pas. Dans les AG qui se sont tenues, durant les manifestations, les salarié.e.s ont dénoncé des années de réductions drastiques de postes, de moyens qui mettent l’école à genoux aujourd’hui. Sans parler des années de stagnation des salaires, au point que le salaire d’un enseignant en début de carrière dépasse à peine le SMIC.

Après la journée du 11 janvier dans les hôpitaux, alors que se développent les luttes pour les salaires ou contre les licenciements, comme celle des travailleurs de la SAM le 12 janvier à Paris, c’est bien une contestation politique globale qui grandit dans le pays.

La contestation d’une même politique

Le 11 janvier, les salarié(e)s de la santé et du secteur social ont aussi donné de la voix : « On en a plein le CHU », « Ségur pour tous », « les premiers de cordée, c’est nous » … Le ras le bol s’est fait entendre, contre la dégradation des conditions de travail, contre les suppressions de lits, contre les bas salaires. Les « oubliés du Ségur », travailleurs sociaux ou catégories non soignantes de la santé privée entre autres, ont aussi dénoncé la politique de division du gouvernement. Il y en a assez. L’ensemble des travailleurs de la santé et du social exige des augmentations de salaires et des embauches.

L’incurie du gouvernement est patente. Comme le dit Olivier Milleron, du Collectif inter-hôpitaux : « Tout le monde à l'impression de hurler sans être entendu. On a le sentiment d'être complètement inaudibles (…) alors que partout on ferme des lits par manque de personnel et que la diminution de l'offre de soins est sans précédent ».

Qu’importe au gouvernement et à Macron, dont la seule politique est celle de la police sanitaire et des provocations contre les non-vaccinés. Tout ce qui compte est de poursuivre cette mise en concurrence permanente, à l’Hôpital soumis à la tarification à l’acte, dans les cliniques ou les EHPAD aux mains de groupes privés, dans le secteur social dont les budgets ne permettent pas de faire face à l’explosion des besoins et où les associations fusionnent, s’absorbent pour devenir compétitives, soumises à la logique des appels d’offre des marchés publics… Une fuite en avant qui mène la société dans le mur.

Cette même logique d’exploitation est à l’œuvre sur la question des salaires de l’ensemble des travailleur.ses, alors que les profits, sous perfusion d’argent public, se portent au mieux pour les capitalistes.

De Bézieux n’est pas avare de promesses : « On sort d’une bonne année 2021 pour les entreprises, et comme il y a eu deux ans de vaches maigres, il y aura des augmentations de salaires » … Mais la politique patronale comme celle du gouvernement, c’est maintenir les salaires le plus bas possible alors que les prix flambent.

La valeur du point d’indice de la fonction publique n’a quasiment pas bougé depuis plus de 10 ans. Les gouvernements successifs ont refusé tout « coup de pouce » au SMIC. Partout, le patronat a comprimé les grilles de salaires, en refusant de les indexer sur le coût de la vie. Lorsque le gouvernement a été contraint d’augmenter le SMIC de 2,2 % en octobre, 108 branches se sont retrouvées avec au moins un niveau en deçà du salaire minimum !

La colère se renforce. A Dassault, les salariés ont repris les débrayages et blocages, en exigeant « 200 balles ou pas de Rafale ! », alors que la direction vient de signer des commandes record. A Air Liquide, multinationale de la chimie qui fournit l’oxygène médical, les salariés se sont mis en grève illimitée suite à des NAO au rabais, alors que le groupe annonce un chiffre d’affaires de 20 milliards pour 2021 !

Dans ce contexte, à condition que les travailleurs s’en emparent à la base, la journée de grève interprofessionnelle du 27 janvier peut être autre chose qu'une nouvelle journée d'action à laquelle personne ne croit. Elle peut être une étape dans la convergence des mécontentements, dans la prise de conscience que, face à l’incurie du gouvernement dans la crise sanitaire et contre la crise sociale annoncée, nous sommes les seuls à même de nous protéger et de nous défendre, d'imposer les mesures nécessaires pour cela.

Prendre nos affaires en main, changer le monde, maintenant !

Blanquer et le gouvernement ont commencé à changer leur attitude uniquement parce que le personnel de l’Education nationale a manifesté son refus de subir les conditions insupportables que voudraient lui imposer le gouvernement, ainsi qu’aux enfants et aux parents. C’est la voie à suivre, prendre la parole, monter sur la table pour exprimer sa colère et dire ses exigences sans craindre de contester la politique du gouvernement.

Cette politique est un tout, il ne s’agit pas de « com » ou de comportement, c’est une politique qui est incapable de répondre aux besoins de la population laborieuse parce qu'elle n'a d'autre horizon que les intérêts des classes dominantes. Le dialogue social et la concertation n’ont d’autres objectifs que d’associer les organisations syndicales à cette politique, alors qu’il s’agit de la contester globalement.

Dans l’éducation, il faut des embauches massives d’enseignants, de personnels d’éducation et médicaux-sociaux, des réquisitions de locaux pour dédoubler les classes… Les personnels sont les mieux à même de prendre les mesures nécessaires face à l’épidémie, en exigeant les moyens à hauteur des besoins au niveau de l’éducation ou des communes. Cela commence par prendre en main leur propre lutte, s’organiser démocratiquement pour leurs mobilisations, la grève.

Pour sortir de la police sanitaire du gouvernement, il faut imposer nos règles, en prenant nos affaires en main en fonction de nos besoins, de ceux des enfants, des jeunes, de nos conditions de travail, en inscrivant nos exigences dans une contestation des règles du capitalisme.

Il faut extraire le système de santé des mains des financiers, en socialisant les labos et la santé privée, en imposant la levée des brevets, en s’appuyant sur l’intervention et le contrôle des travailleurs de la santé et la population, pour la prévention comme pour les soins, sur les lieux de travail, dans les quartiers.

Il faut exiger des augmentations collectives pour l’ensemble des travailleurs, du privé et du public, des retraités, des chômeurs, avancer des revendications uniformes comme les 300 € pour tous et pas un revenu inférieur à 1800 € nets, contrôler nous-mêmes les prix, imposer l’échelle mobile des salaires.

La question des salaires ne se résout pas entreprise par entreprise, elle est le produit d’un rapport de force à l’échelle de toute la société, elle est politique, tout comme la question du chômage, de la précarité, de la défense des services publics.

Notre programme pour défendre nos vies par nos luttes et nos mobilisations, en nous organisant pour contrôler la mise en œuvre des mesures indispensables est aussi un programme pour changer le monde, rompre avec la loi du marché, de la concurrence et du profit. Il est un programme politique pour en finir avec ce monde absurde et condamné, pour un gouvernement en rupture avec les institutions actuelles, un gouvernement des travailleurs qui se donnerait les moyens de satisfaire les besoins de la population en s'attaquant au pouvoir de la finance, en expropriant les banques et les multinationales en fermant la bourse où l’argent coule à flot, pour mettre en place une nouvelle organisation de l'économie et de la société au service de toutes et tous.

Christine Héraud, Laurent Delage

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