Quinze jours avant les vacances d’été, Blanquer a rétabli l’obligation scolaire, après une reprise chaotique et incohérente dès le 11 mai contre l’avis du conseil scientifique dont le seul objectif était l’accompagnement de la relance de la machine économique à tout prix et le retour des salarié-es au travail. Faute de politique sanitaire, le gouvernement a imposé aux écoles un protocole sanitaire paralysant qui rendait impossible l’accueil de tous les élèves, d’où une reprise au volontariat des familles contredisant les déclarations du ministre dans le JDD : « L’école ne sera pas une garderie ».

Blanquer a cherché à masquer la faillite de sa politique en prétendant que tout s’était finalement bien passé, affichant « une certaine fierté d’avoir tenu le cap », alors que le système n’a tenu que par la mobilisation, l’organisation et les initiatives des profs et des personnels, assurant par eux-mêmes tant bien que mal une prétendue « continuité pédagogique » que le ministre a été incapable d’organiser.

Le 8 juin, un chroniqueur de France Inter déclarait : « Le retour de la vie économique bute sur l’impossibilité pour les enfants d’aller à l’école […]. Un ministre en première ligne dit en privé :Si les salariés de la grande distribution avaient été aussi courageux que l’éducation nationale, les Français n’auraient rien eu à manger.” ». Méprisant et cynique, Blanquer masque son incurie en se défaussant sur les enseignants. Il a agité la menace de sanctions contre les profs décrocheurs, « des personnes qui n'ont pas été à la hauteur ». « Quelqu'un qui ne fait pas son travail est sanctionnable » a-t-il déclaré le mercredi 10 juin sur RTL, laissant les médias se déchaîner sur le prof bashing.

Contester sa politique, lutter pour ses droits est aussi passible de sanctions arbitraires graves, comme en ont fait l’expérience les trois profs du lycée Joseph Desfontaines de Melle dans les Deux-Sèvres, suspendus huit mois pour faits de grève, ou les neuf de Bordeaux, sanctionnés pour avoir participé à des blocages lycéens contre les E3C en janvier.

La rentrée s’annonce comme un problème majeur. Outre l’incertitude concernant l’épidémie, la crise économique et sociale, le confinement et plusieurs mois sans école pour les élèves ne seront pas sans conséquences, et devraient nécessiter d’importants moyens supplémentaires en profs, personnels d’accompagnement, services sociaux et médecine scolaire, locaux… mais le gouvernement n’envisage pas plus que dans la santé de plan de relance de l’éducation, ruinée et démantelée par des dizaines d’années de politiques d’économies, de suppressions de postes, de dégradation globale des conditions d’enseignement et d’études.

Les attaques que subit l’éducation vont s’aggraver, comme l’indiquent les propos de Blanquer sur l’enseignement à distance, marché juteux pour le privé nécessitant moins de profs en présentiel, qu’il envisage de développer. La création du dispositif des 2S2C (Sport-santé-culture-civisme), mis en place au lendemain de la reprise du 11 mai, et déléguant aux communes sur le temps scolaire des disciplines enseignées dans le cadre de l’école, s’inscrit dans le projet d’une école publique appauvrie, recentrée sur les « fondamentaux », le minimum de savoirs pour les enfants des classes populaires, destinés aux besoins du marché en main d’œuvre non qualifiée.

La crise sanitaire et le confinement ont mis en lumière la question des inégalités scolaires et sociales, celle des élèves « décrocheurs » pour la plupart issus des classes populaires… La question de comment transformer l’école pour répondre à l’inégalité scolaire est de plus en plus discutée parmi les enseignants… D’autant que la sélection, le tri social et les inégalités s’aggravent, conséquence de l’offensive des marchés et de l’offensive idéologique des classes dominantes qui la transforme en une école de l’individualisme et de la concurrence, ouverte largement aux intérêts privés. Certains regrettent « l’école de la République », celle qui aurait été l’école de l’« égalité des chances », de la « culture commune », mais qui n’a jamais été égalitaire.

Dans la société de classe, l’école peut-elle contribuer à réduire les inégalités ? Une école émancipatrice est-elle possible dans le cadre du capitalisme ? Aujourd’hui, face à l’aggravation de la crise économique et sociale, à la faillite des classes dominantes, en quoi la construction d’une école émancipatrice est-elle liée à la contestation globale, aux luttes du monde du travail et de la jeunesse ?

Réduire les inégalités scolaires ?

Le confinement a révélé aux yeux de tous la profondeur des inégalités face à l’enseignement pour les familles sans ordinateurs, sans connexion, à plusieurs sur un seul téléphone portable, sans espace isolé de travail, des inégalités de culture ou de langue, qui ont rendu difficile voire impossible le travail à distance. L’assurance d’une « continuité pédagogique » qui n’a jamais existé, malgré les efforts des enseignants, révèle le cynisme et le mépris de Blanquer pour les élèves des milieux défavorisés des quartiers populaires ou ruraux. D’autant que c’est la politique de son gouvernement qui creuse les inégalités sociales et scolaires, comme toutes les politiques menées par ses prédécesseurs de droite ou de gauche, soumises aux intérêts des classes dominantes et qui ont accompagné l’offensive tant économique qu’idéologique de la bourgeoisie contre le monde du travail et les classes populaires.

En dépit de la succession des dispositifs et réformes, les inégalités scolaires ne cessent de s’aggraver, comme en témoignent les résultats PISA (Programme International pour le Suivi des Acquis des Élèves), qui reflètent chaque année les inégalités qui se creusent dans toute la société, et qui démontrent le « lien toujours très fort entre les difficultés scolaires et l’origine sociale des élèves. »

En 1981, l’objectif de « donner plus à ceux qui ont moins » avec la création des ZEP, Zones d’Education Prioritaires, a surtout stigmatisé et ghettoïsé les quartiers populaires. Les inégalités scolaires ont explosé avec l’offensive des classes dominantes, la crise, le chômage et la régression sociale, que les moyens trop faibles attribués aux ZEP ne pouvaient enrayer.

En 2016, 15,5 % des enfants d’ouvriers arrivaient avec du retard au collège, alors qu’ils n’étaient que 3,4 % d’enfants de cadres. Le très officiel CESE (conseil économique, social et environnemental) notait en 2015 qu’« à travers des formes de tri et d’exclusions successives sont dégagées des élites socialement homogènes tandis que plus de 20 % des élèves sortent du système scolaire sans maîtriser les éléments du socle commun de connaissances, de compétences. » En 2016, le non moins officiel CNESCO (conseil national d’évaluation du système scolaire) était contraint de reconnaître que « […] l’école primaire ne résorbe pas les inégalités sociales, et le collège les amplifie fortement. »

Une école de classe soumise aux intérêts et à l’idéologie des classes dominantes

L’école n’a jamais été égalitaire. L’enseignement, détaché de la production avec l’apparition de la société de classes a toujours servi les intérêts et l’idéologie des classes dominantes.

Porteuse du progrès social à la fin du XVIIIème siècle, la bourgeoisie révolutionnaire chassa l’Église de l’enseignement, en réalité sous la pression du peuple. Alors émergent des idées novatrices pour l’éducation. Mais la nouvelle classe dirigeante n’ignorait pas le danger d’instruire le peuple, et le projet de la Révolution d’une école du peuple mixte de 5 à 12 ans aux frais de l’Etat, ne vit jamais le jour.

Avec la révolution industrielle, le besoin d’ouvriers plus instruits, plus qualifiés, et la montée du mouvement ouvrier, la bourgeoisie réactionnaire et colonialiste fut contrainte d’ouvrir plus largement l’accès à l’instruction aux enfants d’ouvriers. L’école primaire de Jules Ferry publique, gratuite, obligatoire et laïque, a répondu à la fois aux besoins croissants de la bourgeoisie en main d’œuvre plus instruite, mais aussi à ses besoins idéologiques pour inculquer aux classes exploitées la soumission, l’obéissance, le respect de l’ordre social, le patriotisme et l’action civilisatrice du colonialisme.

… et les débuts d’une école émancipatrice

Contre cette école autoritaire coexistant toujours avec un puissant enseignement catholique, les luttes pour la liberté d’enseignement, pour des pédagogies émancipatrices, démocratiques, sans examens, enseignant sciences, sport, musique, éducation sexuelle, sans dieu, morale ni patrie, ont été portées par le mouvement ouvrier socialiste, revendiquant son droit à l’éducation. Le mouvement socialiste défendait un enseignement démocratique au plus près de la nature et de la psychologie de l’enfant, tourné vers l’éveil du corps et de l’esprit critique, de connaissances lui permettant de comprendre le monde pour le transformer. Ils défendaient une école basée sur des savoirs à la fois théoriques et techniques, pour former des travailleurs à la fois manuels et intellectuels, des êtres épanouis comme le revendiquait le programme du parti Ouvrier Français rédigé par Guesde et Marx en 1880.

Massification sans démocratisation

L’école a toujours évolué en fonction des besoins de la bourgeoisie. La modernisation de l’industrie et de toute la société dans l’après seconde guerre mondiale a imposé une transformation et une modernisation de l’enseignement qui devait former les ouvriers qualifiés, techniciens et ingénieurs que nécessitait le nouveau marché du travail.

En 1959, l’école devient obligatoire jusqu’à 16 ans, ouvrant à tous l’enseignement secondaire, jusque-là uniquement ouvert aux enfants de la bourgeoisie. Mais l’entrée en masse dans le secondaire des enfants des classes populaires n’a pas démocratisé l’enseignement. La bourgeoisie a toujours séparé l’école du peuple de celle qu’elle réserve à ses enfants. La création des filières a opéré le tri social. Tandis que les CES, collèges d’enseignement secondaire transmettaient la culture qui permettait d’accéder à l’enseignement supérieur, les CET, collèges d’enseignement technique, dispensaient une formation professionnelle courte, apprentissage de l’exploitation pour les enfants d’ouvriers.

Le progrès social et l’explosion de Mai 68 exerceront une pression contre la sélection sociale, pour la démocratisation de l’enseignement, mais l’intégration de tous les collégiens dans un même « collège unique » créé en 75, n’est devenue vraiment effective qu’au milieu des années 80. Le progrès social et les nouvelles révolutions technologiques imposaient alors un niveau d’enseignement et de culture encore supérieur. En 1985, le ministre de l’éducation socialiste Chevènement fixait la perspective de « 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat » à l’horizon 2000. Mais il renforçait dans le même temps l’orientation précoce avec la création des 4èmes et 3èmes technologiques et des bacs professionnels et techniques, filières au rabais pour les enfants des classes populaires.

L’école publique livrée aux politiques libérales de marchandisation des services

L’offensive de la bourgeoisie contre le monde du travail en réponse à la baisse de ses profits au début des années 80, s’est traduite dans l’enseignement par une mutation qualifiée d’historique. Comme tous les services publics, l’enseignement a été soumis aux diktats des marchés et de la concurrence, et des politiques d’austérité menées par tous les gouvernements de droite et de gauche.

La modernisation du système scolaire, la construction de collèges, de lycées et d’universités partout sur le territoire avaient demandé à l’État la mobilisation d’énormes moyens. La tendance s’inverse en 1980 quand, pour la première fois depuis l’après-guerre, la croissance du budget de l’éducation devient inférieure à celle du budget de l’Etat. En 2007, Darcos, ministre de l’éducation de Sarkozy déclarait vouloir améliorer « le rendement de la machine éducative, tout en réduisant les dépenses ».

Si le budget de l’Éducation a toujours affiché une augmentation en valeur absolue, il ne cesse de régresser au regard des besoins d’une population scolaire qui a doublé en 50 ans. Les suppressions de postes se comptent par dizaines de milliers, 60 000 sous le quinquennat de Sarkozy. L’investissement par étudiant a baissé de 10 % entre 2008 et 2018. La baisse généralisée du coût du travail s’est traduite par une prolétarisation des profs dont les diplômes sont plus élevés… pour des salaires plus bas. En 1980, l’embauche d’un prof certifié était à 2,05 fois le smic, pour 1,19 fois en 2018.

Dans l’économie mondialisée financiarisée, la structure même du système éducatif a été profondément bouleversée. Les gouvernements ont adapté l’enseignement à une économie en pleine mutation technologique, aux besoins d’une industrie en perpétuelle révolution, soumise à une concurrence exacerbée sur les marchés mondiaux et une nouvelle génération de jeunes à l’adaptabilité, à la flexibilité, à la mobilité, à des compétences polyvalentes plutôt qu’à des connaissances trop spécialisées. Les nouvelles technologies nécessitent à la fois une main d’œuvre très qualifiée peu nombreuse et une masse de travailleurs peu qualifiée. L’« employabilité » est devenue le principal objectif de l’école, de son organisation et de sa pédagogie.

L’élève est aujourd’hui considéré comme un « capital humain » dans « l’économie de la connaissance », qui doit se valoriser, et se donner lui-même les moyens de sa réussite, en recherchant la meilleure formation, le meilleur établissement… On parle aujourd’hui de « marchés scolaires » qui font saliver les officines privées d’offres d’enseignement (formations, enseignement à distance, soutien scolaire comme Acadomia…) déjà bien présentes sur le marché.

La concurrence entraîne une sélection des élèves impitoyable, aggravant encore plus les inégalités, la culture et les moyens financiers faisant toujours la différence entre riches et pauvres.

Les réformes dans l’éducation ont assoupli ou supprimé tous les freins qui y faisaient obstacle. En 2001, le socialiste Jospin faisait adopter la LOLF (la loi organique relative aux lois de finance) qui imposait au secteur public le « New Public Management » (NPM), aligné sur le management d’entreprise, la culture du « résultat » et de la « performance », appliqué au système éducatif. Le démantèlement de la carte scolaire permet aux familles d’accéder librement à n’importe quel établissement de leur choix. Mais ce sont principalement les enfants des milieux les plus favorisés qui en profitent : il n’y a plus que 19 % d’entre eux qui sont scolarisés dans leur collège de secteur, alors que la majorité des enfants des classes populaires n’ont pas les moyens de quitter les collèges dégradés des banlieues pauvres.

L’enseignement privé, ultra-majoritairement catholique, joue un rôle actif dans cette évolution. Issu d’un compromis entre l’État républicain prétendument « laïque » et l’Église, financé à plus de 80 % par l’argent public, il lui permet d’encadrer plus de deux millions de jeunes, soit 20 % de la population scolaire. L’enseignement privé se pose en leader de l’établissement entreprise, des directeurs managers, de la course aux bonnes places dans les classements, gros pourvoyeur de services privées lucratifs (formations, activités scolaires, logiciels, etc.). Avec la bénédiction et l’argent de l’Etat qui joue de cette pression libérale sur l’ensemble de l’éducation.

Contre l’école privée, arme de la bourgeoisie, un seul service public

En laissant aux mains de l’Église un cinquième du secteur de l'éducation, l’État permettait à la vieille bourgeoisie réactionnaire d’exercer sa pression contre les courants progressistes au sein de l'école, et à l’Église de conserver son influence, tout en bénéficiant de la rente permanente de l’État. L’argent public finance les salaires des 180 000 enseignants du privé.

L’enseignement privé est devenu une arme de la bourgeoisie pour casser l’école publique, trop coûteuse à ses yeux. La précarité y est plus développée (20 % des profs du privé sont des contractuels sous-payés) et le droit du travail privé y est de mise pour tous les autres personnels. De fait, il coûte moins cher à l’État, d’autant que les familles en financent directement une partie, avec l’illusion entretenue qu’elles peuvent mettre leurs enfants à l’abri d’un enseignement public fortement dégradé.

Pour mettre un terme à l’influence réactionnaire de l’Église et à son rôle délétère sur le système éducatif, il est urgent d’en finir avec l’enseignement privé financé par l'argent public, en intégrant ses établissements dans un seul service public laïque d’éducation, et en fonctionnarisant les personnels de droit public et privé qui le souhaitent, à l’exception des religieux.

Une offensive idéologique

Depuis des années, le discours scolaire fait la promotion de l’« excellence », des « talents », des « dons », de la réussite individuelle par le mérite. Élèves et étudiants mis en concurrence, soumis à une sélection brutale, sont rendus responsables de leur propre échec. L’évolution des neurosciences instrumentalisées par Blanquer et ses amis libéraux du Think tank Montaigne leur servent à justifier les aptitudes individuelles qui seraient naturelles, innées, au détriment de la culture sociale.

La méritocratie est un vieux fondement de l’école républicaine et de son système de sélection : notation, sanction, examens. Son discours qui se voulait universaliste est remplacé par la brutale réalité de l’argent : le meilleur pour une minorité qui hérite de la culture et peut avoir accès à tout, dont des services éducatifs complémentaires hors de prix, et le « socle commun » pour les autres, l’enseignement minimum pour les besoins du marché en main d’œuvre peu ou pas qualifiée. Il ne s’agit plus aujourd’hui de financer des parcours longs pour toute la population scolaire. Macron concernant l’accès à l’université ne déclarait-il pas : « Tous les lycéens n’ont pas vocation à suivre des études universitaires et certains doivent être orientés beaucoup plus tôt vers la voie professionnelle et si possible via l’apprentissage. ».

Les programmes mêmes sont transformés. Les compétences comme but en soi sont privilégiées au détriment des savoirs et de la culture. L’offensive idéologique de la bourgeoisie la plus réactionnaire se retrouve dans les programmes, en histoire par exemple où « communisme » identifié à sa caricature stalinienne et nazisme sont étudiés en tant que régimes totalitaires, sur le même plan.

La justification des inégalités par la « nouvelle école » a pris la forme d’un faux débat entre « tradition » et « modernité », avec d’un côté les partisans de la vieille école nationale républicaine qui regrettent son déclin, et d’un autre les tenants de l’école entreprise, ouverte à la marchandisation et à ce qu’ils considèrent comme le monde moderne. Les deux partagent sur le fond la même idéologie élitiste : la réussite vient des capacités et du mérite individuels ; tout le monde ne peut pas réussir. Une idéologie qui justifie une nouvelle offensive pour promouvoir l’apprentissage, y compris dès le collège, qui serait la meilleure réponse pour sortir de l’école les enfants… des classes populaires qui n’y trouveraient pas leur place.

Pour une rentrée sous le signe de l’émancipation et non de soumission aux intérêts capitalistes

La fausse rentrée du 22 juin préparait la fausse rentrée de septembre. Blanquer a annoncé mercredi 1er juillet sur RTL que la rentrée de septembre sera « proche de la normale ». Il prétend vouloir que « cette rentrée ne soit pas dégradée » alors que les conditions de reprise après les mois de confinement et d’éloignement de l’école annoncent les plus grandes difficultés pour les élèves et leurs profs, renforcées par le maintien de milliers de suppressions de postes, la précarité persistante et le manque cruel de personnels adultes dans les écoles et les établissements.

Il a demandé aux universités « de prévoir que les cours magistraux puissent être offerts à distance ». Il affirme qu’il faut « que ce soit une année où nous nous modernisons », et veut accompagner « avec volontarisme la filière du numérique éducatif ». Oubliés les décrocheurs et les profondes inégalités numériques révélées pendant le confinement !

« Nous devrons préparer cette rentrée de manière collective à l'échelle du pays [...] le mois de septembre sera un moment décisif », a-t-il déclaré au Sénat. Il promet que tout sera prêt, mais c’est aujourd’hui la même incurie à laquelle font face les personnels de l’éducation qui ne devront compter que sur eux-mêmes pour organiser leur propre travail, discuter et décider ensemble de tout ce qui concerne la vie de l’école, des collèges et des lycées, et lutter pour leurs salaires, contre la précarité, pour la création massive de postes et de moyens. Une perspective à élargir à l’ensemble des salarié-es du public comme du privé, ceux qui produisent les richesses, pour prendre le contrôle de toute la vie sociale et économique, apporter les réponses du monde du travail et de la jeunesse à la faillite de ce système.

Libérer l’école de la soumission aux intérêts marchands et à l’idéologie des classes dominantes apparaît de plus en plus largement aux enseignants comme une nécessité. Les luttes n’ont pas cessé ces dernières années contre le nouveau management de l’école, l’aggravation des inégalités, la sélection sociale, l’exclusion scolaire… Avec la lutte des gilets jaunes, la réforme des retraites, de nombreux profs ont dépassé le corporatisme enseignant et fait l’expérience des collectifs interpros, intégrant pleinement les luttes des salarié-es, des jeunes dans la lutte pour changer le monde et… l’école.

Comme à l’échelle de toute la société, dans l’enseignement, les possibilités créées par l’évolution des moyens techniques, des connaissances scientifiques révèlent et rendent d’autant plus insupportables l’idéologie et le parasitisme des classes dominantes qui génèrent toujours plus de sélection, d’exclusion et d’appauvrissement des enseignements. Lutter pour changer l’école, pour une école émancipatrice est indissociable de la lutte pour la transformation révolutionnaire de la société.

C’est dans la contestation de cette société, dans les luttes des salarié-es, des femmes, de la jeunesse pour leur émancipation que se créeront les relations démocratiques entre les salarié-es de l’éducation et la jeunesse et le rapport de force pour imposer les droits démocratiques de toutes et tous dans l’école. Des pédagogies émancipatrices pourront alors fleurir, être mises en œuvre, comme les avaient imaginées les militants socialistes du mouvement ouvrier, se donnant comme objectif l’appropriation par le plus grand nombre de la culture et des connaissances pour comprendre le monde et le transformer. C’est dans la lutte pour l’émancipation sociale que s’éduqueront les éducateurs, et que pourront être jetées les bases d’une nouvelle école, qui laissera du temps libre pour participer pleinement à la vie politique, associative, sociale, pour se cultiver tout au long de la vie, que la société en finira avec l’aliénation du travail et réconciliera travail et temps libre dans une même activité libre, pleinement humaine.

Christine Héraud

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