Dans la surenchère démagogique et réactionnaire de la primaire à droite, en plus de ses tirades sur « nos ancêtres les gaulois » ou contre l'accueil des migrants, Sarkozy s'est aussi fendu d'une déclaration climato-sceptique le 14 septembre dernier devant un parterre de patrons.

Lui qui avait signé en 2007 le pacte écologique de Nicolas Hulot et se vantait d'avoir fait le Grenelle de l'environnement, opère un retournement ridicule de grossièreté en affirmant : « cela fait 4 milliards d'années que le climat change. Si le Sahara est devenu un désert, ce n'est pas à cause de l'industrie » et qu'il faut donc « être arrogant comme l'homme pour penser que c'est nous qui avons fait changer le climat ». Et de rajouter : « la première cause de dégradation de l'environnement, c'est le nombre d'habitants sur la planète ».

Sarkozy, comme Trump aux États-Unis, ne sont finalement que l'expression la plus caricaturale de la droite et du patronat « décomplexés ». Ainsi Trump qui, comme tous les Républicains depuis 30 ans, nie la réalité du réchauffement climatique, a récemment déclaré que c'était une invention des Chinois pour torpiller l'industrie américaine !

Aussi ridicules et démagogiques que soient les déclarations des uns et des autres, elles sont l'expression d'intérêts économiques bien réels, ceux des plus grandes multinationales qui dominent l’économie mondiale et qui contrôlent l’extraction, la distribution des combustibles fossiles comme le charbon, le pétrole et le gaz, responsables des émissions de gaz à effet de serre. Ces multinationales ont toujours su trouver des oreilles complaisantes de politiciens pour défendre leurs intérêts quitte à remettre en cause les connaissances scientifiques.

Les déclarations de Sarkozy, c'est un message envoyé au patronat : d'abord le profit et après nous le déluge (ou plutôt le réchauffement) !

Niant les faits scientifiques, c'est sans grande originalité que Sarkozy fait ressurgir les préjugés réactionnaires utilisés par les classes dominantes depuis le XIX° siècle : la surpopulation. Depuis Malthus, c'est un leitmotiv qui permet à la bourgeoisie de se dédouaner de ses responsabilités face aux inégalités sociales engendrées par son système. S'il y a de la pauvreté, c'est qu'il y a trop de pauvres : « au grand Banquet de la nature, il n'y a point de couvert pour [eux] » selon la formule de Malthus. Dans la version moderne de Sarkozy, s'il y a de la pollution c'est que la population des pays pauvres est trop nombreuse et en plus aurait l'audace de vouloir atteindre le même niveau de développement que celui des pays riches qui repose pourtant sur leur pillage !

Anthropocène ? Non, capitalocène !

N'en déplaise à Sarkozy ou à Trump, l'origine humaine du réchauffement climatique actuel est une évidence scientifique.

Oui une évidence car depuis 25 ans, rapport après rapport, le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) ce regroupement international de scientifiques, réputés pour leur prudence légendaire, accumule des données de plus en plus précises et de plus en plus alarmantes qui confirment bien que « L'influence de l'homme est la cause principale du réchauffement observé depuis le milieu du XX° siècle. » Plus de 1°C d'augmentation des températures moyennes en un siècle. Les deux dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées et 2016 est partie pour battre à nouveau des records.

Une évidence telle que le 35° Congrès géologique international (lui aussi réputé pour son inertie toute géologique), qui se tenait en Afrique du Sud cet été, a confirmé qu'il proposait de définir une nouvelle période géologique « l’Anthropocène » : l'époque géologique de l'Humanité, la période où l'Homme est devenu le plus important facteur géologique.

Que les scientifiques proposent de définir une nouvelle période géologique fait partie des avancées de cette science fondamentale qu'est devenue l'écologie pour comprendre les interactions entre les activités humaines et notre environnement, la Terre.

Mais quand ce concept d'Anthropocène sort du cadre de l'analyse scientifique des strates géologiques, cela devient une conception philosophique, politique dont il nous faut comprendre et discuter la signification du point de vue du marxisme, de la perspective d'une transformation révolutionnaire de la société à travers la lutte de classe.

Car si ce concept est amené à connaître un certain succès, c'est que justement il fait disparaître toute notion de classes derrière une Humanité abstraite. C'est l'espèce humaine en tant que telle qui porterait collectivement la responsabilité du réchauffement climatique. Derrière le concept d’Anthropocène, il y a le mensonge que la crise écologique serait la conséquence de la croissance démographique, économique et technologique de l'Humanité. Comme si le moteur de l'Histoire se ramenait à une dynamique globale de croissance indifférenciée qui menacerait la planète.

Comme le souligne Christophe Bonneuil dans son livre L’événement Anthropocène, la Terre, l'histoire et nous... : « Il devient possible d'écrire des livres entiers sur la crise écologique, sur les politiques de la nature, sur l'Anthropocène et sur la situation de Gaïa sans parler de capitalisme, de guerre ou des États-Unis et sans mentionner le nom de la moindre grande entreprise (un chiffre pourtant : 90 entreprises sont responsables de 63 % des émissions cumulées de CO2 et de méthane entre 1850 et aujourd'hui ».

La crise actuelle n'est pas le résultat d'une histoire abstraite mais bien celle de l'émergence et du développement du mode de production capitaliste à travers une histoire faite de lutte des classes, de pillage colonial et impérialiste, de concurrence, de guerre économique et de leur prolongement dans les guerres impérialistes, mais aussi une histoire de révoltes, de luttes des opprimés, de révolutions. C'est à travers cette histoire de plusieurs siècles que se sont mis en place les rapports de domination d'une minorité de possédants sur l'ensemble de la société. Et ce sont ces rapports de domination qui ont contribué à façonner un ordre social mondial reposant sur l'exploitation des hommes et la destruction de son environnement.

Ce n'est pas l'Humanité qui est responsable de la crise climatique mais bien les classes dominantes qui, par leurs choix dictés par leur seul intérêt de classe, sont prêtes à tout sacrifier pour que continue la course aux profits dans le cadre des lois du marché mondialisé.

L’appropriation privée des richesses contre l’homme et la nature

Ainsi par exemple, le point de départ de l'augmentation des gaz à effet de serre, c'est la première révolution industrielle qui a eu lieu en Angleterre au tournant des XVIII° et XIX° siècle. L'utilisation du charbon, source d'énergie fossile, a permis la généralisation de l'usage des machines à vapeur dans l'industrie, le transport. Mais cette révolution n'est pas la simple mise en application des progrès de la science et de la technique pour satisfaire les besoins toujours croissants des hommes…

La révolution industrielle a été précédée par des siècles d'accumulation du capital sur la base du pillage par les puissances européennes de l'Amérique, de l'Asie et de l'Afrique, de l'extermination et de la mise en esclavage de leur population, du saccage de leurs richesses naturelles. Comme le soulignait Marx : le Capital est arrivé « suant le sang et la boue par toutes ces pores ». La révolution industrielle a été voulue et surtout financée par cette bourgeoisie anglaise qui cherchait à investir ses capitaux ainsi accumulés. Le charbon, source d'énergie qui semblait alors illimitée, correspondait à ses besoins en tant que classe pour développer son industrie et faire de la Grande Bretagne la principale puissance impérialiste du XIX° siècle. Mais cette puissance s'est construite sur la base de l'exploitation de la classe ouvrière anglaise, femmes et enfants compris et du pillage de son immense empire colonial mis à contribution pour fournir les matières premières, la main d’œuvre bon marché mais aussi des débouchés pour les marchandises anglaises et pour les capitaux accumulés. Derrière le formidable développement économique qu'ont connu la Grande Bretagne puis les autres puissances européennes comme la France et l'Allemagne au XIX° et début du XX° siècle, il y a des rapports d'exploitation, du pillage, des échanges inégaux et déjà des ravages écologiques en Europe comme dans l'ensemble des empires coloniaux.

La crise climatique s'inscrit dans toute cette histoire bien concrète, celle de l'émergence et du développement du capitalisme jusqu'à sa phase actuelle de libéralisme impérialiste.

Ce n'est pas l'histoire d'une croissance économique abstraite, reposant sur des révolutions industrielles pures produits des progrès des sciences et des techniques, mais l'histoire des choix faits pas les classes dirigeantes en fonction de leurs intérêts du moment et le plus souvent imposés aux populations car c'est l'histoire d'une société reposant sur des rapports de forces entre les classes.

Bien sûr les classes dominantes ont toujours essayé de faire passer leurs intérêts comme ceux de l'ensemble de l'Humanité… mais c'est un mensonge de classe. Ce n'est pas une discussion sans conséquence, car si les tenants du concept d'Anthropocène sont friands de moralisme pour nous inviter à « changer nos modes de vie », à « écologiser l'Homme » grâce aux solutions techniques du capitalisme vert, ils sont peu enclins à remettre en question le pouvoir des multinationales, les lois du marché et la propriété privée, bien au contraire !

« Le dérèglement climatique est l'expression atmosphérique de la guerre des classes »

Nous pouvons reprendre à notre compte cette formulation de la journaliste et militante Naomi Klein. Ce caractère de classe du problème climatique apparaît clairement dans l'échec des politiques mises en œuvre à travers les conférences sur le climat depuis le sommet de la Terre de Rio en 1992. Depuis 25 ans, la nécessité de prendre des mesures concrètes à l'échelle de la planète pour réduire les émissions de GES se heurte à la réalité sociale et politique de cette société. Elle se heurte frontalement aux frontières et aux rivalités nationales entre États, comme elle se heurte aux lois de la libre concurrence du marché mondialisé et aux intérêts des multinationales. D'ailleurs, ces conférences sur le climat se sont tenues en parallèle avec celles de l’OMC qui ont libéralisé le commerce international. L’échec répété des premières est directement la conséquence du succès des secondes, car en réalité ce sont les décisions de l'OMC qui se sont imposées et dictent la politique climatique actuelle des grandes puissances : tout par le marché et surtout pour le marché et le profit !

De conférences en conférences l'écart s'est creusé entre les cris d'alarmes des scientifiques et la réalité de conférences qui sont devenues ouvertement des foires commerciales pour les multinationales et les banques venues promouvoir le capitalisme vert, comme cela a été le cas avec la COP21 à Paris.

Les économistes experts du GIEC, et les chefs d’États n'ont plus comme seul horizon que ce stupide credo libéral : le marché mondial par le jeu de la libre concurrence sera capable de tout régler automatiquement et à moindre coût… il suffit de mettre un prix sur le carbone, sur l'eau, sur la biodiversité. La crise climatique et plus globalement la crise écologique ne leur apparaissent plus que comme un nouveau business à développer avec de formidables opportunités de profits.

D'ailleurs certaines des grandes ONG de défense de l'environnement ont fini aussi par intégrer cet horizon du marché et ne comptent plus que sur ces multinationales avec lesquelles elles entretiennent des partenariats financiers pour mettre en œuvre leurs solutions.

C'est pour cela que la lutte contre le réchauffement climatique ne peut être posée que sous l'angle de la lutte des classes, car il s'agit bien d'une lutte entre l'intérêt du plus grand nombre et les intérêts de classe d'une minorité de possédants qui ont pourtant réussi à prendre les commandes de la soi-disant transition écologique.

La plupart des courants écologistes ne posent pas la question sur le terrain de la lutte des classes. La crise climatique serait devenue une question tellement urgente qu’elle mériterait un traitement particulier reposant sur des solutions « pratiques » locales, sur des « techniques » innovantes… en dépassant les questions sociales et politiques. Mais c'est justement cette indifférence à la question sociale qui conduit certains à faire du progrès, du développement, de la technique un problème en soi comme si le développement des sociétés humaines était le problème fondamental, faisant ainsi écho au concept d'Anthropocène.

C'est un raisonnement dangereux car poussé jusqu'au bout il peut nourrir une démagogie populiste, réactionnaire contre le progrès des sciences et des techniques rendus par eux-mêmes responsables de la crise écologique.

Mais surtout de tels raisonnements n'arment pas les consciences contre les discours moralisateurs et les mensonges officiels autour de la question du climat et de la promotion du capitalisme vert.

« Développement durable », « mécanisme de compensation », « capital naturel », « biens et services écosystémiques », marché mondial du carbone, banque de la biodiversité, derrière tous ces termes il y a surtout une formidable escroquerie pour nous vendre un éco-capitalisme, une éco-finance à travers lesquels multinationales et grandes banques comptent bien faire des éco-profits.

Le capitalisme vert : une fuite en avant vers la financiarisation de la Nature

Un véritable capitalisme vert est en train de se développer rapidement et il est à l'image du capitalisme actuel essentiellement financier, spéculatif, prédateur. Se demander si le capitalisme sera capable de résoudre la crise climatique est un faux débat, car ce n'est pas son problème... La logique de la rente a conquis les politiques écologiques des grandes puissances.

On ne peut se contenter de la critique du caractère productiviste du capitalisme, car ce n'est qu'un aspect de sa réalité. A l'ère de la mondialisation libérale triomphante, le capitalisme a appris à dissocier la possibilité de faire du profit de la simple augmentation de la production et de la consommation, à l'image de l'émergence puis de l'éclatement des bulles spéculatives ces dernières décennies, dont celle des subprimes en 2007-2008. C'est la finance qui aujourd'hui a la mainmise sur toutes les politiques envisagées en réponse au réchauffement climatique.

Et en focalisant sur le productivisme, on oublie que le but de la finance ce n'est pas le développement de la production, mais bien la course effrénée aux profits les plus immédiats qu'elles qu'en soient les conséquences sociales et environnementales.

Les Nations Unies comme les grandes conférences sur le climat ont totalement renoncé à imposer des mesures coercitives à l'échelle du monde. Elles ne jurent plus que par l'investissement privé et les lois du marché. Depuis une trentaine d'années, les marchés d'échanges plus ou moins spéculatifs se sont multipliés. Si aucun n'a montré d'efficacité pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, ils se sont montrés redoutablement efficaces pour faire augmenter les profits et attirent donc de plus en plus de spéculateurs.

Il y a actuellement des marchés pour le carbone, pour l'eau pour la biodiversité, et même un marché des espèces en danger et en voie de disparition...

Difficile de décrire tous les montages financiers et autres marchés dérivés qui se développent aujourd'hui rapidement autour de ce nouvel eldorado, mais il suffit juste de savoir qu'on y retrouve les mêmes banques prédatrices, comme Goldman Sachs, que celles impliquées dans la crise financière de 2007 – 2008. Ce qui se dessine, ce n'est donc pas la mise en place de mesures internationales pour diminuer le réchauffement climatique mais bien plutôt le développement et inévitablement l'éclatement d'une bulle spéculative autour des marchés du carbone, de l'eau et de la biodiversité avec des conséquences concrètes qui ne pourront être que dévastatrices.

La planification démocratique contre les lois du marché et la propriété privée

La crise climatique donne toute son actualité à la nécessité d'une économie planifiée démocratiquement à l'échelle de la planète contre la folie aveugle et prédatrice des lois du marché et de la spéculation.

Depuis des années de multiples mobilisations émergent face à ses conséquences concrètes. Luttes des communautés indigènes ou paysannes contre l’appropriation de leurs terres par les multinationales de l’agrobusiness ou du pétrole, ou même des grands projets de compensation du capitalisme vert. Luttes, comme ici en France, contre les grands projets inutiles.

Dans ces diverses luttes qui partent de revendications immédiates nous défendons une perspective politique globale qui seule peut les unifier autour d’un objectif commun : la remise en cause de la propriété capitaliste. Car l'enjeu du combat contre le réchauffement climatique est celui de savoir quelle classe dirigera la société, quels intérêts sociaux détermineront le fonctionnement de l’économie, ceux d'une minorité de possédants ou l'intérêt général de la population et la préservation de son environnement. Et les deux sont plus que jamais antagonistes.

Il n'y a d'autre issue qu'une révolution sociale pour que la production puisse être réorganisée sur la base d’autres critères que la course à la productivité, à la rentabilité la plus immédiate dans le cadre du marché. Pour imposer d'autres critères économiques comme l’amélioration des conditions de travail, la réduction du temps de travail, la réduction de la consommation d'énergie et de l’impact sur l’environnement, c'est tout le pouvoir des multinationales et des banques qu'il faut remettre en cause, car ils impliquent une tout autre logique que celle du marché.

Le projet socialiste est écologique parce qu'il se donne pour objectif une économie planifiée démocratiquement, seule base possible pour une société humaine pleinement consciente d’être partie intégrante de son environnement naturel.

Reconstruire une conscience de classe, c'est aussi redonner confiance dans la force de l'organisation collective, consciente, démocratique de l'économie à l'opposé de la folie des délires libéraux sur les vertus du marché qui ne servent qu'à justifier le froid intérêt de classe d'une minorité.

Le combat écologique n’est pas une sphère autonome dégagée de la lutte des classes et c'est pour cela qu'il est partie intégrante de notre critique marxiste du capitalisme, et qu'il est plus que jamais un des enjeux du combat de la classe des salariés dans la perspective d’une transformation révolutionnaire de la société capitaliste. C’est ce qui donne tout son contenu de classe à la question climatique.

Bruno Bajou

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