Mardi 26 juin, Macron s’est rendu à Rome pour rencontrer le Pape et recevoir le titre de « premier et unique chanoine honoraire de l’archibasilique du Latran ». « Mon émotion est réelle » a-t-il déclaré au terme d’une cérémonie d’un autre temps, pleine de dignitaires ecclésiastiques et d’enfants de chœur. Tout ce ridicule pour un titre honorifique qui remonte à la monarchie, à Henri IV… pour sceller l’alliance des Rois et de la Papauté ! Déjà en avril dernier, devant la conférence des évêques de France, il avait exprimé son « sentiment que le lien entre l’Eglise et l’Etat s’est abîmé et qu’il nous importe de le réparer ».

Macron et son gouvernement se prétendent l’incarnation de la modernité, mais quand la violence de la réalité sociale fait tomber tous les masques, c’est le retour de tout le vieux fatras, la religion, la morale, les idéologies réactionnaires pour justifier leur pouvoir, leur politique au service des classes dominantes.

Ce retour du religieux dans toutes les régions du monde, que ce soit des religions officielles ou de toutes sortes de concurrentes ésotériques, est avant tout lié à l’offensive des courants les plus réactionnaires, les plus rétrogrades qui misent sur les inquiétudes et les désarrois engendrés par les rapports d’oppression et d’exploitation de cette société capitaliste. Une offensive en réaction aux progrès qui accompagnent les avancées des sciences et des techniques comme les luttes sociales et pour les droits démocratiques, progrès qu’ils ne peuvent empêcher.

Le matérialisme dont nous nous revendiquons et qui est à la base de toute connaissance objective, scientifique du monde, se renforce de tous ces progrès et de ces luttes. Les nouvelles connaissances scientifiques ruinent les vieux préjugés, comme le sexisme et le racisme. Les progrès techniques rendent possibles de nouveaux droits, de nouvelles libertés, notamment pour les femmes. Ces progrès libèrent les consciences des morales rétrogrades, de la religion fondement de l’ordre social, et donnent naissance à de nouvelles aspirations, ne serait-ce qu’à pouvoir bénéficier de ces avancées. Ils entraînent de nouvelles prises de conscience qui sapent la prétendue légitimité de la domination de classe de la bourgeoisie et nourrissent et renforcent le combat pour l’émancipation.

Le matérialisme est à la base du socialisme scientifique de Marx. Et ce qui donne à sa critique matérialiste toute son actualité c’est le capitalisme lui-même, son état de crise permanent, son incapacité à être le cadre d’un développement harmonieux de la société c’est-à-dire permettant à chacun d’avoir accès à toutes les nouvelles possibilités ouvertes par ces progrès… Cette incapacité entraine au contraire la persistance, le retour de toutes les vieilles idéologies arriérées et réactionnaires, pour dominer les esprits et faire accepter les injustices, les inégalités de cet ordre social qui engendre toutes sortes d’oppressions.

C’est un combat d’idées permanent qui reflète le développement d’une lutte des classes qui avec la mondialisation se mène à l’échelle de la planète, à travers laquelle une minorité impose ses intérêts de classe à la majorité de la population qui quotidiennement résiste de mille et une façons.

Ce combat permanent, la nécessité de trouver des réponses à la crise du capitalisme, à la catastrophe annoncée sociale, écologique, à la montée des idées les plus réactionnaires, conduisent à la réapparition et au nécessaire renouveau d’un matérialisme militant… notamment dans la jeunesse comme c’est le cas aux Etats-Unis depuis la crise de 2008 où s’y redéveloppent des courants se réclamant du socialisme et du marxisme.

C’est un renouveau indispensable pour répondre à la difficulté réelle de penser cette période nouvelle du développement du capitalisme dans laquelle nous sommes, pour réussir à en définir les potentialités, comme les contradictions et donc parvenir à formuler des perspectives politiques qui inscrivent nos luttes dans l’évolution historique.

La difficulté vient en partie du poids du passé, des expériences dites du « socialisme réel », qui pèsent sur les consciences… et qui rendent nécessaire d’aller jusqu’au bout des ruptures avec toutes les caricatures qui ont pu être faite de Marx, des idées socialistes et communistes.

Cela implique de nous libérer de la « statue du commandeur » pour revenir à Marx le révolutionnaire, non pour en vénérer la pensée ou y chercher des réponses toutes faites mais pour apprendre à penser et mener consciemment les combats présents et à venir en s’appropriant sa méthode, le matérialisme scientifique. D’autant que toute l’évolution des sciences et des techniques valide cette conception matérialiste, comme tout le développement du capitalisme et de la classe des salariés ne font que confirmer ce que Marx a su anticiper en décrivant les mécanismes internes du capitalisme.

Le matérialisme, fruit des progrès des sciences qui ruinent les religions

Marx et Engels ont élaboré leur conception sur la base de l’essor des connaissances scientifiques de leur époque lié au développement du capitalisme. Leur conception s’est formée d’abord à travers le combat philosophique contre la Religion dans la continuité des idéaux des Lumières propagées par la Révolution française à travers l’Europe.

Dans ce combat contre la Religion, Marx comme toute une partie de la jeunesse révolutionnaire allemande a trouvé dans la méthode de pensée du philosophe Hegel, la dialectique, un outil redoutable pour faire la critique de tous les dogmes religieux. Cette dialectique qui consiste à tout concevoir comme un processus en état de transformation constante, ruine toute notion de vérités éternelles et donc la religion avec ses dieux immortels et sa morale archaïque.

Marx, a relié cette dialectique au matérialisme remis à l’ordre du jour par le philosophe Feuerbach pour combattre la religion. Pour celui-ci, ce sont les hommes qui ont inventé les dieux et non l’inverse ! Il faut partir du réel, de l’étude scientifique de la Nature et des sociétés humaines, car les idées ne sont que des reflets du monde réel, les dieux de simples créations idéalisées de l'imagination humaine. Il faut « tirer l’Idée du réel » écrira Marx…. et il n'en reste pas là, il fait franchir une étape décisive au matérialisme, qui sous différentes formes existe depuis l'Antiquité, en y intégrant la dialectique.

Jusque-là, les défenseurs du matérialisme avaient une vision mécanique du monde, ils le décrivaient comme soumis à des lois immuables que la science cherche à découvrir. Cela a permis d’énormes progrès au cours de l’Histoire en opposant aux croyances et aux mythes religieux une connaissance scientifique du monde réel. Mais cela ne laissait que peu de place à la possibilité d’un changement, d’une évolution, et même de l'histoire… Si tout est déterminé par des lois immuables il n’y a plus de place pour la liberté. Depuis l'Antiquité, le débat philosophique oppose ceux pour qui un déterminisme strict gouverne le monde matériel et ceux pour qui le hasard, la liberté sont la condition du changement et donc de l'histoire.

Marx, en reliant matérialisme et dialectique, dépasse cette apparente contradiction. Déterminisme et liberté en réalité se complètent : ce sont bien les hommes qui agissent et font l'histoire « librement » mais dans des conditions déterminées.

Cette conception matérialiste ainsi modernisée permet de comprendre les sociétés humaines et plus généralement le monde matériel, la matière, la vie dans leur histoire, leur évolution sur la base des connaissances scientifiques.

Darwin, l’émergence des sociétés humaines dans la continuité de l’évolution du monde vivant

Ainsi, quelques années après que Marx a élaboré sa conception matérialiste de l’histoire, Darwin provoque une révolution complémentaire en décrivant les mécanismes à la base de l'évolution des espèces. Il prouve ainsi que contrairement aux idées de l’époque, aucune espèce vivante n'est éternelle ou immuable. L'ensemble du monde vivant est en perpétuelle transformation, dans un jeu de déterminisme et de variations aléatoires : la vie crée en permanence des variations sur lesquelles l’environnement exerce une pression sélective.

Cette conception matérialiste de l’évolution du monde vivant, qui ne fait appel à aucune intervention extérieure, ruine définitivement tous les mythes religieux d’une création divine.

Elle permet aussi de mettre l’histoire humaine dans la continuité de toute l’évolution biologique pour dépasser l’opposition artificielle entre Nature et culture. Cette opposition est un vieux préjugé véhiculé par toutes les religions et aussi par bien des philosophies idéalistes. Du fait de sa conscience, l’être humain serait un être à part, séparé et donc au-dessus du reste du monde vivant. Pour les religieux, il a été créé à l’image de Dieu et est l’unique possesseur d’une âme, pour les philosophes idéalistes, il est possesseur d’une conscience, d’un libre arbitre qui le rend seul accessible aux valeurs morales universelles.

Darwin et depuis toutes les sciences de la Nature ont, au contraire, montré une profonde continuité entre l’évolution biologique et l’émergence de la vie sociale et de la conscience humaine. La multitude d’études, d’observations, de connaissances nouvelles accumulées ces dernières décennies a définitivement fait tomber cette barrière illusoire, artificiellement construite entre l’Homme et le reste du monde animal.

La prise de conscience de cette continuité des êtres humains avec le monde animal, avec l’ensemble de la Nature et de l’Univers, les libère des croyances et morales véhiculées par les religions. Elle les aide à agir consciemment pour prendre leur destin en main. Contre toute évidence, les religions, les différentes conceptions idéalistes s’accrochent à ce préjugé d’une différence fondamentale de l’Homme. Elles y voient la justification de toutes leurs règles morales, seules réponses qu’elles sont capables d’apporter aux peurs et aux interrogations des hommes. Ces morales auxquelles il faudrait se conformer, se soumettre au nom de Dieu ou de grands principes universels, condamnent à l’impuissance, prônent la résignation face aux contraintes du monde comme à l’ordre social, à ses inégalités et ses idéologies rétrogrades.

Au contraire, le matérialisme est la méthode et le cadre qui permet d’intégrer les connaissances des sciences biologiques et des sciences humaines qui progressent pour décrire l’histoire de notre espèce, en inscrivant l’émergence de ses particularités jusqu’à la conscience, la pensée abstraite dans la continuité de l’évolution du monde vivant. Les êtres humains sont le produit d’un processus évolutif prodigieux qui a conduit en quelque sorte la matière à devenir consciente d’elle-même. Le matérialisme nous permet de nous comprendre nous-mêmes, en tant qu’objets et sujets, pour prendre en main notre propre histoire.

Il est ainsi à la base de la compréhension écologique de la pleine intégration des êtres humains, de leurs diverses activités et donc de leur organisation sociale à leur environnement naturel, la Terre. Parce que les relations que les êtres humains établissent avec l’environnement sont directement liées à la forme de société dans laquelle ils vivent, la solution à la crise écologique est inséparable de la résolution de la question sociale.

Ni Dieu, ni création divine, un Univers en perpétuelle évolution

Le matérialisme est aussi le seul cadre pour intégrer les nouvelles connaissances apportées, dans le domaine des sciences physiques, par la révolution ouverte par Einstein avec sa théorie de la relativité générale puis par la physique quantique qui décrit le comportement des particules… autant de nouveaux concepts qui semblent parfois contradictoires et que les scientifiques cherchent à unifier.

La physique moderne a révélé une matière et un Univers bien moins stables et immuables que ne le pensaient les premiers matérialistes, les premiers physiciens… Particules et antiparticules, Bib bang et trou noir, toutes ces nouvelles découvertes et bien d’autres dépassent souvent l’imagination de la plupart d’entre nous tant elles semblent défier le sens commun… d’ailleurs elles peuvent même conduire certains scientifiques à un mysticisme quasi-religieux, à une remise en cause du déterminisme, du matérialisme. Pourtant ces progrès de la physique moderne renforcent le matérialisme, en décrivant avec de plus en plus de précisions l’évolution de l’Univers, de l’infiniment grand à l’infiniment petit, évolution dans laquelle s’inscrit la formation de notre système solaire, l’apparition et l’évolution de la vie sur Terre, l’émergence des sociétés humaines et leur histoire. Aussi déroutantes que ces nouvelles connaissances puissent nous paraître, les applications concrètes qu’elles permettent ouvrent de nouvelles possibilités techniques, de nouveaux progrès pour l’ensemble de la société.

C'est donc bien l'ensemble de l'Univers que la science nous décrit de façon matérialiste comme une réalité objective en perpétuelle transformation suivant des lois internes qui se développent, évoluent et se transforment au cours du temps, même si les physiciens n’en ont encore qu’une vision partielle. D’ailleurs le temps lui-même a une histoire, comme le physicien Stephen Hawkins, décédé en mars dernier, a voulu le faire connaître à un large public dans son livre : Une brève histoire du temps !

Ces nouvelles connaissances sur l’Univers déstabilisent toutes les croyances en un monde immuable et au contraire enrichissent la conception matérialiste qui conçoit toute réalité dans son devenir, dans son développement… Pourtant ces connaissances sont aussi régulièrement récupérées, recyclées, déformées par les tenants des différentes conceptions idéalistes, par les religions qui essaient d’utiliser la difficulté à appréhender l’Univers dans toute sa complexité, comme tout ce qui reste encore à découvrir, comme la preuve qu’il existera toujours un grand mystère échappant à la connaissance scientifique… pour essayer désespérément d’y réintroduire la main d’un Dieu immuable.

Le développement des sciences et les nouvelles possibilités techniques qu’il ouvre participent du progrès général de la société et renforcent les bases objectives, les possibilités matérielles d’une autre organisation sociale, du socialisme, à une échelle bien plus grande qu’à l’époque de Marx. Mais dans le cadre de cette société d’exploitation capitaliste, soumis à la propriété privée, ces progrès sont dévoyés, détournés pour être mis au service de la course aux profits entraînant explosion des inégalités sociales et catastrophes écologiques. Ce sont ces deux réalités contradictoires qu’expriment l’affrontement entre les conceptions matérialistes, scientifiques et toutes les formes d’idéalismes qui perdurent, reflet d’une lutte des classes dont nous sommes des acteurs.

L’évolution même de la société arme les consciences et prépare les bouleversements à venir

En intégrant l’ensemble des progrès accumulés par le développement de la société, le matérialisme permet de comprendre et de formuler consciemment les enjeux du combat de la classe ouvrière, comprendre son rôle déterminant dans la lutte pour l’émancipation, en les mettant en perspective avec l’ensemble de l’histoire des sociétés humaines. Il ne s’agit pas de prédire l’avenir comme s'il était mécaniquement déterminé. L’histoire est ouverte, mais le développement passé de la société conditionne les évolutions possibles, indique le sens, la direction au combat à mener, en l’inscrivant comme une possibilité et une nécessité historique pour dépasser les contradictions actuelles.

Cette compréhension matérialiste des enjeux de la période, permet d’unifier l’ensemble des combats contre les différentes formes d’oppression, contre toutes les idéologies réactionnaires qu’engendre cette société d’exploitation. Tous ces combats contre le sexisme, l’homophobie, le racisme, la xénophobie sont autant d’affirmation des droits démocratiques les plus fondamentaux contre les préjugés réactionnaires et les morales religieuses archaïques. Malgré leur diversité ces oppressions ne peuvent être comprises et combattues, au-delà de leur seule condamnation morale, que dans le cadre plus large de la critique matérialiste d’une réalité sociale qui dépasse les individus et la conscience qu’ils en ont. Mener ces combats sans concession implique de les inscrire dans le cadre et la perspective d’une lutte collective, en les liant à une même critique du capitalisme, à la lutte de la classe des salariés pour l’émancipation de toute la société.

De même la catastrophe écologique oblige à ne pas limiter l’écologie à la seule condamnation morale de comportements individuels liés à la société de consommation. Intégrée à une critique matérialiste de cette société capitaliste et de l’irresponsabilité d’un système sacrifiant les populations et l’environnement à la folie de la course aux profits, elle conduit à la prise de conscience de la nécessité d’une organisation rationnelle de la production des richesses. Une telle rationalité n’est possible que sur la base d’une planification consciente de l’économie, une planification socialiste, démocratique, à l’échelle internationale, s’adaptant sur le long terme à la réalité des rythmes des cycles naturels de notre environnement. Pensée jusqu’au bout, la question écologique conduit à une remise en cause de la propriété privée et s’inscrit pleinement dans le combat de la classe des salariés pour son émancipation, pour le socialisme et le communisme.

Tous ces combats sociaux et politiques, toutes ces prises de conscience participent des progrès et du développement de la société. A travers eux sont remis en cause la légitimité dont se parent les classes dominantes et les idéologies réactionnaires qu’elles voudraient imposer pour soumettre les consciences. C’est à partir de ce cadre encore en pleine maturation que se construisent les prochaines étapes d’une renaissance d’un mouvement ouvrier international, d’un mouvement révolutionnaire pour l’émancipation.

Le matérialisme nous permet d’inscrire ces évolutions, ces combats dans une compréhension globale de la lutte des classes, moteur du développement historique. Les accompagner, leur donner la pleine conscience d’eux-mêmes c’est-à-dire de l’enjeu global de ces multiples combats engagés contre l’exploitation et l’oppression, pour les unifier, leur donner une perspective commune… et y prendre toute notre place.

En finir avec la propriété privée capitaliste est la condition pour que l’Humanité se donne consciemment une organisation sociale correspondant aux progrès des sciences et des techniques, débarrassée de toute forme d’exploitation, de toute forme d’oppression. Les êtres humains pourront alors faire eux-mêmes leur propre histoire en pleine conscience, en ayant une maîtrise collective, démocratique de leur vie en harmonie avec leur environnement naturel pour faire un bond du règne de la nécessité dans le règne de la liberté !

Bruno Bajou

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